mardi 23 septembre 2014

Poupée de Wax



S'il est bien une période que j'aime aussi bien dans le cinéma que dans les fringues, c'est bien les années 60.  Et s'il y a un modèle de robe que j'aime par dessus tout à cette époque là, c'est bien la robe fourreau, assez près du corps, ceinturée au milieu, avec une jupe crayon. Comme le modèle ici à pois, issu du film Un Deux Trois.

Rien de tel pour se sentir ultra féminine,et classe. Et c'est pas en (re)voyant Jeanne Moreau dans La Baie des Anges que vous aurez envie de me contredire. Sincèrement, elle est pas renversante d'élégance, la Jeannette?


Ben du coup, cet été, comme j'étais en pleine phase de féminitude exacerbée (la chaleur et les robes glamour, c'est un peu comme David et Jonathan, le pastis et les apéricubes, une association mythique de l'été, quoi!), j'ai chercher un petit modèle qui pouvait correspondre à ce que je voulais et qui ne dépasse pas 2 mètres de tissus. J'avais en effet en stock un petit wax qui pétait sa mémère, que j'avais trouvé pour une bouchée de pain, aux couleurs wahou (jaune et violet, rien que ça) et aux motifs assez originaux (des petits cœurs à clés).



J'ai trouvé ce que je cherchais dans un magazine Tendance Couture de Simplicity, n°8, piqué à ma môman. C'est un modèle à col en cercle, ceinturé, assez près du corps (même si l'on peut aussi le choisir en jupe cercle), très sixties. Mais je vous avoue que pour une débutante, ça a été assez mastoc niveau difficulté.

Alors d'abord 11 pièces à découper. Sans compter la doublure, parce que oui, il y a une doublure!!!
Donc, un report de patron assez long, et un temps de découpage l'étant autant.
Première pose de doublure de ma life, et là, ça c'est finalement bien passé.

Une fermeture à glissière invisible, bon encore un peu visible, mais je m'améliore, je vous assure.

Les explications étaient plutôt claires jusqu'à ce qui a été ma hantise la pose du col: où le poser sans repères bien expliqués??? Comment traiter les finitions à la main? J'en ai sué comme pas possible, mais je l'ai finalement posé...mais pas au bon endroit, apparemment, puisque, comme vous l'allez voir sur les photos suivantes, le haut était un peu large. On voit clairement que je n'ai pas les arguments nécessaires pour mettre en valeur ce haut de robe (mais je pense qu'elle serait allée comme un gant à Sophia Loren)




Le pire, c'est au dos, ça fait une belle bosse et n'ayant pas le talent de transformiste de Jean Marais, j'allais pas garder ça, quand même...



N'ayant plus un gramme de tissus, je ne pouvais pas découdre le col sans trop l'abîmer pour le recoudre ensuite. Il a donc fallu que je me dépatouille en rétrécissant le haut par les coutures sur les côtés et finalement, grand bien m'en a pris, car si elle n'est pas encore parfaite (la petite bosse du dos est toujours un peu là), elle est en tout cas tout à fait portable!
Un dos un peu plus droit, mais t'as vu? Fermeture presque invisible!
Et j'ai pu m'en donner à cœur joie cet été dans les rues de Valette, pendant mes vacances.
Comme ce modèle m'a un peu énervée, je pense bien que je vais le refaire pour l'an prochain, peut être avec la jupe évasée, mais cette fois, je vais bien placer mon col. Je n'aurai de repos que lorsque j'aurais réussi complètement! (poing tendu au ciel dans un geste dramatique)
 Pas encore la classe de Jeanne, mais on s'en rapproche...





Et parce que c'est du wax, un petit morceau surcinéphilique en prime




lundi 22 septembre 2014

L'ivresse de voir Double


Alors, oui, j'ai du retard, je le sais, mais les vacances, surtout si l'on attend le mois de Septembre pour les prendre, c'est sacré. Alors, bien que sachant qu'il ne doit plus y avoir beaucoup de salles le diffusant, mais il fallait absolument que je partage ce film avec vous. Je suis allée voir The Double un matin et j'en suis sortie émerveillée, avec l'impression d'avoir découvert un futur très grand cinéaste, d'avoir (re)découvert un acteur formidable, avec de la pop sixties japonaise plein la tête et un bonheur mélancolique au bord du coeur.

J'avais déjà évoqué ce film dans la programmation du festival Hallucinations Collectives, dont il avait gagné le prix du long métrage, mais n'ayant pu le voir alors, j'ai dû attendre sa sortie cet été. C'est donc avec d'excellents échos, et une terrible envie de découvrir le travail de cinéaste de Richard Ayoade que j'y suis allée. Richard Ayoade, depuis que je l'ai découvert dans le rôle de Moss, l'informaticien introverti de la série hilarante et/donc britannique, The IT Crowd, j'avoue que j'ai un faible pour lui. Ce personnage qu'il décline, à la télévision ( de la fausse série d'horreur 80's Garth Marenghi's Darkplace à l'émission créée par Stephen Fry présentant des objets plus ou moins innovants, Gagdget Man) est un clown un peu triste ou en tout cas très sérieux, un peu maladroit, et très attachant. Ce sont des caractéristiques que l'on va retrouver chez Simon, le protagoniste de The Double.

Ne dérogeant pas à sa réputation d'intellectuel, pour son second film, il a décidé d'adapter un roman de Dostoïevski, Le double, et en met en exergue toute la nature absurde, bureaucratique et claustrophobique. C'est dans cet univers anxiogène que nous introduit d'emblée la première scène du film. Dans un wagon de métro vide au néons hésitants, est assis un jeune homme, Simon, costume gris marronnasse, un attaché-case sur les genoux. Un homme s'avance et se plante devant lui. Il lui dit "Vous êtes à ma place" et lui fait signe de s'en aller. Simon s'exécute. Dès lors, nous savons à quel personnage nous avons affaire. Un jeune homme, ne sachant trop quelle est sa place, et prêt à la laisser à un autre, si on l'y pousse un peu.


Et sa place, il va justement se la faire subtiliser, par la pire némésis qu'on puisse avoir, soi-même et en même temps, son contraire. En effet, son double maléfique, mais aussi charismatique que lui est timide, aussi séduisant que lui est maladroit, aussi audacieux que lui est effacé va débarquer du jour au lendemain et obtenir tout ce qu'il attendait de la vie, tout ce qui lui donnait un sens: le job, la fille.

Son job, c'est aligner des chiffres dans un box, faire consciencieusement ses heures sup, et bosser parallèlement sur un projet d'amélioration des processus de l'entreprise afin de rencontrer, un jour, son inaccessible grand patron. La fille (Mia Wasikowska, qui enchaîne les bons films cette année), c'est la jolie reprographiste de son entreprise, sa voisine d'en face, qu'il observe par la fenêtre peindre et déchirer de petites images qu'il va chercher au vide-ordure et collectionne religieusement.

L'arrivée de James, le double prodige de Simon, va d'abord lui permettre de voir celui qu'il avait toujours rêvé d'être et le plonger dans un véritable cauchemar. Il en devient le souffre douleur et est condamné à l'observer faire écrouler tous ses projets, comme un enfant sadique prend plaisir à écraser les châteaux de sables des autres.


 Le cinéma de Richard Ayoade est un cinéma référencé, on y retrouve du Terry Gillian, du Hitchcock, du Wong Kar Wai, mais il crée son propre monde, une uchronie où les individus sont maintenus dans une servitude volontaire, des conditions tout juste vivables, une solitude désespérante, une bureaucratie toute puissante. Un monde où l'on crée une brigade spéciale pour les suicides par quartier, tellement le travail y est conséquent. Le film est d'un pessimisme profond, d'un désespoir presque complet (la seule lueur d'espoir étant d'un cynisme assez mordant). L'humour est bien présent tout au long du film, mais c'est un humour de l'absurde, qui fait sourire, mais nous laisse cependant inquiets. La tendresse est aussi là, ainsi que de beaux moments, mais tous empreints de nostalgie et du sentiment d'une occasion ratée. Ces moments ressemblent aux belles chansons sixties qui jalonnent le film, d'une beauté désuète et défraîchie. La bande originale d'Andrew Hewitt est d'ailleurs d'une qualité assez exceptionnelle, participant à nous enfermer dans l'angoisse de Simon.



Il faut absolument souligner la performance de Jesse Eisenberg qui réussi à interpréter les deux rôles avec beaucoup de subtilité. Il donne au personnage de James ce qu'il faut d'opportunisme charmeur, de violence souriante, de psychopathie élégante. Avec Simon, il trouve lui aussi son clown triste, et si dans un premier temps, ses rêves le rendent attachant, son désespoir et son angoisse, par la suite, sont complètement bouleversants. Et, je ne l'avais jamais remarqué avant ce film, mais il est aussi d'une beauté absolument désarmante.



En résumé, pour moi, ce film est d'ores et déjà l'un des meilleurs de l'année, avec Only lovers left alive. Comme ce dernier, il développe un véritable univers, aussi bien visuel que sonore (parce que j'ai parlé de la musique, mais le sound design est aussi incroyable). Comme ce dernier, il nous laisse groggys au sortir de la salle, alourdis d'une étrange nostalgie, celle qui est sans cesse présente dans le film, mais aussi celle que nous éprouvons, nous spectateurs, à quitter ces personnages, cette ambiance qu'on sait qu'on ne retrouvera pas ailleurs. Les oreilles un peu bourdonnantes, les yeux qui refusent de s'adapter à la lumière, là, dehors, l'impossibilité de parler pour rester dedans encore un peu pour se repasser des scènes, laisser l'ivresse d'un film agir encore un peu...