mardi 16 juin 2015

The Duke of Burgundy: des femmes et des papillons (Hallucinations collectives)



The Duke of Burgundy (qui sort demain sur les écrans) était un de ceux que j'attendais le plus cette année et lorsque je l'ai vu au programme des Hallucinations collectives, je trépignais d'impatience (et encore, j'ai de la chance, comme vous, j'aurais pu attendre le mois de juin). La raison de cet enthousiasme: la simple évocation du réalisateur, Peter Strickland.

De Peter Strickland, je n'avais vu qu'un film, mais bon sang, quel film: Berberian Sound Studio, qui m'avait complètement conquise. Un film hommage au Giallo (vous savez, les films de suspens horrifiques italiens, dont Dario Argento est probablement le fer de lance), avec un intérêt profond pour le son au cinéma (sujet ô combien passionnant) et une bande originale du groupe tout simplement génial Broadcast. Une merveille de poésie, d'humour, d'amour du cinéma qui avait scotché mon derrière à mon siège et un sourire persistant à mes lèvres, en mode Joker. Alors quand j'ai su que son nouveau film sortait, j'étais très excitée.



Pourtant, le pitch de départ ne m'attirait pas plus que ça: un amour sado-masochiste lesbien contrarié, ça aurait été n'importe qui d'autre, j'aurai fui en hurlant, parce que ça peut tellement vite tomber dans le porno soft prout prout, au mieux, dans la série Z pouet pouet au pire. Bref, comme sujet casse-gueule, il aurait pas pu trouver mieux.

Mais encore une fois, Strickland réussit un coup de génie. Il arrive à utiliser les codes d'un genre suranné (ici, l'esthétique 70's du film érotique), à les magnifier, et grâce notamment à l'humour, mais aussi à une belle implication auprès de ses personnages et à son talent de réalisateur, à créer un truc complètement inédit, encore une fois poétique, beau et merveilleusement espiègle.


Dans un pays d'Europe indéterminé, à une époque qui l'est tout autant, dans une société mystérieusement peuplée uniquement de femmes qui semblent se passionner pour les bibliothèques et les papillons, une lépidoptériste (une spécialiste des papillons), Cynthia, entretient une relation amoureuse et sado-masochiste avec la jeune Evelyn. C'est plutôt cette dernière, qui entretient un goût prononcé pour l'humiliation, qui pousse sa compagne à suivre, de manière assez répétitive, les scénarios qu'elle imagine à la virgule près. Cynthia commence à se lasser de ces jeux de dominante/dominée auxquels elle ne prend pas plus de plaisir que ça, et souhaiterait avoir une relation plus traditionnelle, et aussi plus confortable (parce que le SM, ma bonne dame, c'est pas de tout repos).



Comme je le disais, on joue beaucoup avec les codes du film érotique italien et français des années 70: une belle image filtrée, deux très belles actrices, des tenues à la fois guindées et affriolantes (la costumière, Andrea Flesh, porte bien son nom), une magnifique bande originale Moriconnesque par Cat's Eyes, des accents européens pas vraiment définissables... L'influence avouée des films de Jess Franco est manifeste. Cependant, Strickland va au-delà du plagiat et délivre un véritable hommage en proposant quelque chose de différend.



Tout d'abord, cela rassurera les plus prudes d'entre nous et décevra les petits coquinous qui voudraient bien se rincer l'œil, le film est assez dépourvu de nudité. Attention, la charge érotique est bien là, dans les paroles, les regards, la tension, les dessous vintage (je vous préviens, je vais me répéter, mais merci Andrea Flesh!). Mais pas de scène frontale, et plus de frou-frous que de fri-fris...


Mais surtout, bien au-delà du sexe, ce que nous raconte formidablement Peter Strickland, c'est une jolie histoire d'amour, une histoire d'amour dans laquelle se reconnaîtront tous les couples qui ont passé la phase passionnelle du début de leur relation. Quels compromis accepter? Comment intégrer le quotidien à la relation amoureuse? L'amour suffit-il? Bref, comment faire pour qu'une relation dure, et qu'il devient difficile, au jour le jour, de continuer à jouer un rôle désirable qu'on ne se sent pas toujours capable d'endosser.

Cynthia est formidablement interprétée par Sidse Babett Knudsen (de la série Borgen). Elle joue parfaitement cette femme très amoureuse, qui accepte de jouer la froide et sévère bourgeoise en talons aiguilles, alors qu'elle ne rêve que d'un pyjama pilou, qui boit avec dégoût verre d'eau sur verre d'eau pour combler les désirs de son amante, qui répète son texte devant son miroir pour ne pas la décevoir. Dépassée par les exigences d'Evelyn, qui sous des dehors de soubrette soumise est en fait une sacrée tortionnaire, on prend un plaisir fou à la voir se libérer de son joug pour une soirée d'anniversaire particulièrement drôle.



De son côté, la sublime Chiara D'Anna, avec ses grands yeux innocents et sa jolie voix réussit à camper de manière très subtile l'autorité capricieuse, sous le masque de la soumission. Voir ses yeux s'écarquiller à l'annonce de mobilier très peu conventionnel est un moment savoureux.



Parce que j'insiste là-dessus, ce film est plein d'humour et c'est très important. Parce que oui, les partis pris formels de Strickland sont très forts: un lieu de conte de fée (ça donne vraiment envie de visiter la Hongrie, où le film a été tourné), des scènes de rêves assez psychédéliques, un hommage à un cinéma réservé souvent à une petite population d'amateurs éclairés, des expériences sonores (Strickland est à la base musicien d'électro-acoustique), un montage qui fait s'interroger sur la narration. Tout cela pourrait rendre le film un peu hermétique, une très belle œuvre, certes, mais réservé à quelques happy few esthètes. Une œuvre finalement assez pompeuse.



Mais c'est justement l'humour et toute l'humanité apporté aux personnages qui met cette histoire et cette cinématographie à la portée de tous. Parce que dès que Strickland s'approche dangereusement du film d'art prout prout et qu'il se regarde un peu trop fabriquer son film, il parvient à nous montrer que finalement, il ne se prend pas vraiment au sérieux. Et cet humour, cette façon de dynamiter la beauté formelle, le jeu de séduction et la solennité du désir (pour les personnages) et de l'art (pour le film) par la banalité du quotidien, c'est ce qui a fait mon bonheur de spectatrice. Parce qu'à aucun moment, je n'ai eu l'impression que Strickland me regardait de haut, que j'avais le conviction qu'il voulait absolument m'embarquer avec lui dans son univers et qu'il le faisait de la meilleure manière qui soit: en me faisant aimer ses personnages (Je voudrais pas en rajouter une couche, mais sur des audaces de réalisation équivalentes, j'aurais aimé qu'Innaritu en fasse autant). Parce qu'avec un pitch pareil, et une telle identité visuelle, je ne m'attendais pas du tout à ce que j'ai finalement vu: une tendre, drôle et authentique histoire d'amour. Parce que si l'on soulève le satin et la dentelle, c'est pour voir battre un cœur...


mercredi 10 juin 2015

Séance de rattrapage: Les nouveaux héros



Moi, y'a un truc qui m'énerve, mais alors qui m'énerve vraiment, c'est les gens qui s'acharnent sur les films pour enfants et en particulier ceux de Walt Disney pour passer leurs nerfs, sans même voir les films. A les entendre, mettre un enfant devant un film d'animation (enfin, pour ces gens là, on parle de "dessins animés", hein, parce qu'ils n'ont pas vu de film d'animation depuis Bambi) est tout simplement criminel: ça va les abêtir, ça va leur donner une mauvaise idée de la femme (je vous ai dit, ils se sont arrêtés à Bambi, pour eux, la vision de la femme dans le film d'animation, c'est cette cruchonne de Blanche-Neige), ça va les garder à un stade régressif (parce que nous, quand on a les yeux qui brillent à l'évocation de Chantal Goya, on est des adultes responsables), c'est trop violent (parce que la vie, ça l'est pas) ou au contraire, ça n'est pas assez réaliste (parce que quand tu regardes un film de Woody Allen, c'est hyper réaliste... t'as vu à quoi ça ressemble un appartement de prolo dans Blue Jasmine?). Bref, l'animation, c'est le mal, c'est caca-boudin, faut pas que les enfants y touchent sous peine d'attraper le syndrôme du "Cocamachodébile".

Et bien, à ces gens là, j'ai juste envie d'écrire une petite prescription pour les soigner de leurs a priori grotesques sur les méfaits du cinéma sur nos chères têtes blondes, brunes et rousses: une heure quarante-deux minutes des Nouveaux Héros, sorti en février dernier, jusqu'à disparition des symptômes de langues-de-vipérite. Parce que ce film de Disney, que je n'ai malheureusement vu que récemment, va leur prouver par A+B que non seulement ils ont tort, mais également que si nous pouvions transmettre à nos enfants toutes les belles idées que contient ce film, le monde deviendrait formidable.

Rapidement, qu'est ce que c'est que ce film: A San Fransokyo (un rêve de ville, hybride de San Francisco et Tokyo), Hiro, un petit génie de l'électronique utilise ses talents à gagner de l'argent aux combats de robots. Son grand frère, Tadashi, compte bien lui montrer qu'il pourrait en faire quelque chose de bien plus intéressant et l'invite à visiter l'atelier high tech de la fac dans laquelle il étudie et à rencontrer ses camarades, tous plus geeks et sympathiques les uns que les autres. Il en profite également pour lui présenter le projet sur lequel il travaille: un robot infirmier nommé Baymax, un Bibendum aux petits soins pour ses patients. Mais la tragédie couve et Hiro va devoir prendre des décisions importantes et devenir un héros.

Ce film, c'est juste une petite merveille, et vous allez voir, ça explose tous les vilaines idées pré-conçues des détracteurs du film d'animation.

1. "Ca rend bête"


Qui sont les nouveaux héros? Des scientifiques hyper inventifs, un labo de jeunes chercheurs philanthropes qui prouvent une nouvelle fois, si c'était encore à prouver, qu'être un geek, c'est pas que jouer avec des technologies rigolotes. Ca peut être bien plus cool que ça: être un scientifique, ça peut aussi vouloir dire qu'on essaie de trouver les moyens de rendre le monde plus beau, plus pratique, plus fun et parfois même plus humain (parce que l'invention au centre du film, c'est quand même un robot infirmier).

Ce qu'il y de génial dans ce film, c'est qu'on parle de super héros. Mais des super héros qui ne sont pas nés avec de super pouvoirs: ils se les sont fabriqués. La génération DIY est en marche, c'est pas beau, ça?

Un film qui donne pour modèle des étudiants brillants et passionnés, qui oeuvrent pour le bien de l'humanité, quelqu'un trouve quelque chose à y redire?

Alors non, ça ne rend pas bête, et si ça peut créer des vocations, youpi youpla boum!

2. "Ca donne une mauvaise idée de la femme"

Dans la bande des nouveaux héros, il y non pas 1 mais 2 personnages féminins, aussi cools et différents l'un que l'autre. Parce que oui, y'en a un peu marre que dans une bande, la fille soit juste caractérisée comme étant "la fille" et qu'il n'y ait qu'un modèle auquel pourrait souscrire une petite fille. Car, comme pour les garçons, ils sont multiples. Mais là, en plus, elles sont tous les deux scientifiques, ce qui montre au petites filles qu'elles sont pas obligées de se cantonner au littéraire et qu'elle sont tout aussi inventives et techniques que les gars, non mais!


L'une d'elle, c'est Gogo Tomago, une dingue de vitesse et de physique, bien féministe, qui ne rêve que de défier la vitesse de la lumière. Son moto: "Woman up!" La classe absolue!



L'autre, Honey Lemon, est une grande fille à lunettes, fan de rose et de chimie, parce que oui, on peut être girly si on en a envie et tabasser grave dans un labo scientifique, même pas peur!



Du coup, on se retrouve avec 2 super modèles féminins, ce qui montre aussi aux femmes de demain qu'elles ont la liberté de s'exprimer telles qu'elles sont, et que l'intelligence, le courage et la technique n'ont rien à voir ni avec leur manière de s'habiller, ni avec leur caractère personnel.

J'ajoute à cela une super tante jeune qui tient un café, et qui élève seule deux gamins, et qui sait toujours les soutenir.

Et ben si je pouvais en avoir au moins autant dans la plupart des films destinés aux adultes, je me sentirai comblée.

3. C'est régressif/ c'est pas réaliste



Sans vouloir trop spoiler le film, il faut savoir que Hiro va vivre une expérience très douloureuse, et qui fait grandir d'un coup, celle du deuil.

Ceux qui ont déjà dû aborder le thème de la mort et de la perte d'un proche avec un enfant savent combien c'est délicat. Et bien ici, le film s'en sort très bien et est très émouvant (ce qui, comme d'habitude avec moi, équivaut à un jerrycan de larmes).

On ressent la colère d'Hiro face à cette injustice, et on découvre qu'il faut du temps pour s'en remettre, et être bien entouré, même quand on aurait plutôt envie d'être seul. On découvre aussi qu'on n'oublie jamais les êtres disparus, ni ce qu'ils nous ont enseigné, mais qu'on doit peu à peu réapprendre à vivre.

Alors non, la vie n'est pas toujours rose, elle est parfois même une fieffée garce, mais elle vaut la peine d'être vécue. C'est souvent une leçon qu'on met longtemps à comprendre, même pour des adultes... Et qu'un film de Disney nous aide à ça, ben moi je trouve ça génial.



4. "C'est trop violent"



Je ne suis pas sûre que faire croire à un enfant que la violence n'existe pas soit très bénéfique. A mon avis, il va comprendre que c'est faux très très vite. Mais lui démontrer que la violence n'est pas une bonne solution, et qu'elle ne fait souvent qu'engendrer la violence, parfois au prix de victimes collatérales, ça me semble pas mal du tout.

La morale des Nouveaux héros est en cela assez édifiante. On nous fait comprendre que la colère est compréhensible, tout comme le désir de vengeance. Mais que la mise en pratique de cette vengeance n'engendre que de nouvelles injustices et une violence sans fin. Personnellement, je n'avais pas vu de film qui dénonce autant la loi du Talion depuis Dead man walking. Encore une fois, le propos et l'histoire sont intelligents, et tout sauf manichéens: il n'y a pas de "méchants" à proprement parler (sauf peut être une grosse multinationale), il y a juste des gens blessés, qui ne réagissent pas de la bonne manière à la douleur qu'on leur cause.

Alors quand nous, les adultes, on aura compris ça, on pourra peut-être se permettre de critiquer les films d'animation.

5. Et si t'es toujours pas content, je peux plus rien faire pour toi



Parce qu'en plus d'être intelligent, juste, très émouvant, ce film est hyper fun. Les gags sont très drôles, les personnages bien campés, les références rigolotes, les inventions très enthousiasmantes, les répliques parfaites (je suis morte de rire rien qu'à me remémorer le "hairy baby") et Baymax est trop choupinou d'amour. Alors pour cette fois, n'hésitez pas à planter votre gamin devant un écran. Faites même mieux: rejoignez-le, parce que même nous, on a encore tout à apprendre...







mardi 2 juin 2015

We did need another heroin: Mad max Fury Road


Ayéééé! Je l'ai vu. Le fameux nouveau Max le taré, j'y suis enfin venue, et en 3D s'il vous plait! Parce que oui, ça faisait un moment que je voulais voir ce film. Pas que je sois une fan absolue de la série (en fait, je n'aime ni le premier, ni le troisième, mais j'ai beaucoup d'affection pour le second), mais la bande annonce qui montrait une sorte de caravane (pas celle de tes grands-parents en Ardèche, mais celle du désert, très bien évoquée par Ellington, moins par Chazelle ;-) ) à la violence délirante, à la sécheresse post-apo, à l'esthétique mécanique et graisseuse m'a mis dans un état d'enthousiasme fou. J'ai gardé mon pied sur l'embrayage pendant plusieurs semaines, j'ai fait ronfler mon moteur, la main sur la clé de contact et dès que j'ai été en mesure de le voir en salle (très tard, il est vrai), j'ai démarré au quart de tour.



Et je peux vous le dire, je n'ai pas calé une seule fois, aucune panne d'essence, j'ai même jamais eu à toucher les freins: j'ai foncé, tête baissée, grand sourire ouvert aux moucherons, pendant les 2h du film, sans voir le temps passer ni la route défiler, allant "ptêtre au Paradis mais dans un train d'enfer".

Pour ceux qui seraient passé à côté, je vous rappelle l'histoire. Dans un monde post apocalyptique où l'on manque de tout, d'eau, de pétrole, de bouffe et de bonnes manières, Max (Tom Hardy) n'a plus toute sa tête. Héros solitaire qui a pété les plombs après le meurtre de sa femme et de son gosse (Mad Max 1), la perte de son toutou (Mad max 2), il est hanté par les gamins de Mad Max 3. Comme tout le monde, il survit, comme tout le monde, il est désespéré, comme tout le monde, s'il est encore là, c'est un miracle. Sauf quand il se fait choper pour servir de réserve sanguine (en ces temps, il ne fait pas bon être de rhésus O).


C'est ainsi qu'il va se retrouver, bien malgré lui, à la poursuite de l'Impératrice Furiosa, qui doit être un peu tarée aussi, parce qu'elle a décidé, à elle seule, de sauver tout un groupe de jeunes femmes des griffes du chef de guerre Immortan Joe, que ce dernier utilise comme esclaves sexuelles et poules pondeuses. Leur alliance va faire des étincelles...



Je dois vous avouer un truc: depuis que j'ai vu ce film, quelque chose a changé dans ma vie: je suis devenue Furiosiste, oui, une furiosiste intégrale. J'ai toujours été Ripleyienne, j'ai eu une petite phase à vide  et rêvais de voir enfin une nouvelle héroïne de ce calibre et, à mon grand étonnement, c'est Miller qui a réalisé ce rêve (faut dire ce qui est, le premier Mad Max, c'est quand même pas l'éclate au niveau du perso féminin qui tabasse). Alors bien sûr, y'a eu Mulan, Kill Bill et Boulevard de la mort. Mais l'héroïne qui ne cherche ni à être jolie, ni à être sexy, qui n'est pas une gamine, qui a un passé, une évolution, des raisons de se battre, des valeurs, et qui n'a pas besoin d'une histoire d'amour pour exister (on le sait, à Hollywood, une femme doit TOUJOURS être amoureuse), à part Ripley, y'en n'a pas eu tant que ça. Un vrai personnage, quoi, pas juste une jolie fille qui a encore plus la classe parce qu'elle sait se castagner, un caractère écrit, fouillé, admirable!



Tout ce qu'on a dit est donc vrai, ici, le vrai héros n'est plus le fameux Mad Max que sa démence et sa fatigue (ça fait quand même 30 ans qu'il en prend plein la tronche, le pauvre) commencent pas mal à entraver, c'est vraiment Furiosa qui prend le relais ici. A tel point qu'on se demande si ce film n'a pas été fait pour introduire cette nouvelle héroïne pour une nouvelle série. Je ne sais pas vous, mais à la sortie de ce film, je n'ai eu qu'un mot en tête: PREQUELLE

Parce que le film est écrit ainsi: on est constamment dans l'action mais on apprend par bribes des indices sur les personnages et, derrière celui de Furiosa, il y a un mystère qui vaut largement un film: une volonté de rédemption pour une faute inconnue, la perte d'un bras dans des circonstances qui le sont tout autant, l'évocation d'un enlèvement et d'une mère morte, d'une histoire de famille bien pourrie. Tout ça, ça hurle la préquelle à venir, et c'est tant mieux, parce que je crève d'envie de la voir.



Alors voilà, la raison première pour laquelle aller voir Fury Road, c'est ça, c'est ce personnage génial et sa très bonne interprète. Mais attention, ça ne veut pas dire que ce soit le seul personnage intéressant. Loin de là. Ce qu'il y a de très beau dans l'écriture de ce film, c'est qu'aucun des personnages n'a été laissé au hasard. Tout a été parfaitement écrit. Derrière chacun, même les "méchants", il y a une histoire, une histoire faite de douleurs et d'espoirs, parce que pour survivre dans un monde aussi hostile, on en a nécessairement subi les premières, et eu besoin d'une bonne dose des seconds. C'est encore plus fort chez les personnages d'un certain âge, notamment pour les femmes qu'on découvre dans la dernière partie du film. C'est un grand bonheur de voir l'âge comme un signe de force, parce que c'est exactement ce qu'il représente dans ce film: quelqu'un qui a réussit à vieillir, c'est quelqu'un qui a réussit à se battre assez longtemps pour y parvenir. On imagine à peine ce qu'ils ont dû endurer pour en arriver là. C'est donc mathématique: plus on est vieux, plus on est un dur à cuire. Et ça, c'est classe!



De plus, pour chaque personnage, on nous pousse à nous interroger sur leur passé, leur parcours dans le film et leur destin à suite de celui-ci: quelle est la vie des courtisanes dans le harem? Qui sont-elles? D'où viennent-elles? Que deviennent-elles une fois qu'elles ont enfanté? Comment éduque-t-on un jeune guerrier à n'aspirer qu'à la mort au combat? Que faire une fois qu'on a échappé au pire? Comment reconstruire une société viable, égalitaire, quand tout manque? On prend vraiment à cœur le devenir de tous, mais aussi de notre Maxou d'amour.



Parce que moi, contrairement à beaucoup de nostalgiques de tonton Mel, j'ai adoré l'interprétation de Tom Hardy. Il n'en fait pas trop, et, marmonnant sans cesse, il campe parfaitement cet ermite un peu taré à la générosité involontaire. On le sent épuisé par la survie solitaire et quotidienne, hanté par la mort de tous ceux à qu'il a aimés, et on comprend sa volonté de ne pas s'attacher, par peur de perdre à nouveau. Il est rugueux, fort et vulnérable, et on sent chez lui l'énergie du désespoir. Il en fait un personnage sombre et torturé, qui aimerait bien s'en foutre et devenir aussi nihiliste que cette société qui n'a pas de sens, mais dont l'humanité se manifeste malgré lui. Une belle réussite.



Et puis bon, il faut quand même parler de l'essentiel: de la poursuite infernale, de l'odeur de cambouis, de la caravane de l'enfer. Parce que c'est sûr, si vous n'aimez pas l'action trépidante et les machines incroyables, ce film n'est pas pour vous (en même temps, c'est Mad Max, vous vous attendiez à quoi?). La première poursuite du convoi de Furiosa est tout simplement époustouflante. Une bonne demi-heure la tête dans le guidon, à accrocher les accoudoirs du fauteuil de cinéma comme au pommeau de vitesse. L'action a beau être foisonnante avec des personnages, des véhicules et des péripéties multiples et simultanées, le montage est magistral et on comprend tout ce qui se passe (ça a l'air d'une évidence, mais c'est très facile de perdre ses repères dans ce genre de scène). C'est d'une beauté formelle incroyable, du Métal Hurlant sur pellicule, avec une stylisation des machines et des costumes formidables. Mention spéciale au char du guitariste, une sorte de joueur de tambour qui scande la marche de guerre à grand coups de riffs assassins, un bonheur de bande son diégétique! Sans compter que la scène en question est pratiquement muette: pas de dialogue sinon quelques ordres et hurlements furieux, la musique et le vrombissement des moteurs: un truc de dingue, puissant et jouissif qui donne envie de se prosterner aux pieds de Miller, qui à soixante ans, n'a rien perdu de sa maestria, bien au contraire (quand je vous dis que plus on vieillit, plus on est un dur à cuire!)

Alors voilà, pour moi le contrat est rempli, bien au-delà de mes attentes:
- De l'action de malade, qui te prend les tripes et les peint au cambouis: check.
- Des personnages bien écrits, qui ont un vrai parcours: check.
- Une vraie grand personnage féminin, qu'on attendait depuis longtemps, et qu'on a envie de retrouver très vite: Double check. Parce que Tina avait raison sur une chose: c'est pas d'un nouveau héros dont on avait tous besoin, mais bien d'une nouvelle héroïne au nom qui sonne comme un cri de guerre: FURIOSA!!!