mardi 28 février 2017

Le cinéclub de Potzina de février: mes films de chevet

Pour le ciné-club de Potzina, ce mois de février, le blog The Movie Freak nous avait proposé un thème pas évident de premier abord: Film(s) de chevet. Je me suis triturée la tête pendant tout le mois pour me demander ce que j'allais vous présenter: un ou plusieurs films. Et puis finalement, je n'ai pas pu choisir, alors j'ai tout mis. Donc, contrairement à mon habitude, on va faire très court sur chaque film, pas d'analyse, juste une liste non exhaustive des films que je vois régulièrement, en espérant avoir pour chacun, un jour, la possibilité d'écrire un article complet.

Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook.

Certaines personnes ressentent le besoin d'avoir une pharmacie bien remplie en cas de besoin. Moi, en cas de coups, durs, j'ai une DVDthèque bien pleine, et c'est là qu'on va trouver mes films de chevet.

On parle souvent de feel-good movies, et y'a rien de plus vrai. J'en ai au moins un pour chaque symptôme, pour chaque bobo. Voilà donc ma prescription. Ici, pas de produits bio et naturel, pas de recette de grand mère, que de la chimie à base de chlorure d'argent, à prendre en voie optique et auditive, à répétition jusqu'à disparition des symptômes.

1. Un coup de mou? Le traitement multivitaminé pour se rebooster: le film musical rock

Les films musicaux rock tiennent une place très importante dans ma filmothèque. D'abord parce que c'est probablement la musique que je préfère écouter, et que ce sont des films que je vois, revois et rerevois depuis mon adolescence. Je connais bon nombre des chansons par coeur et n'hésite pas à les chanter à tue-tête pour un gros effet énergétique.

Phantom of the paradise, Brian de Palma
Je ne m'étendrai pas sur ce film, je l'ai déjà fait ici lors de sa sortie au cinéma.

Waynes World, Penelope Spheeris
J'ai pas dû le revoir depuis au moins 3 ans, mais je l'ai vu tellement de fois auparavant qu'il n'est pas encore nécessaire de faire un check-up. Film générationnel et culte, je crois qu'au moins 15 % de mes conversations dans mes années lycées provenaient directement des répliques. C'est bébête, ça a pas super bien vieilli, mais c'est confort comme un t-shirt d'Iron Maiden et qu'est-ce que vous voulez "J'aime taper".

School of rock, Richard Linklater
C'est drôle, c'est enlevé, c'est émouvant, c'est le film parfait pour donner la pèche, avec des gamins qui envoient du bois, Joan Cusack qui chante Edge of seventeen. Et puis surtout Jack Black qui joue des sourcils, qui en fait trop mais tellement bien, et Immigrant song de Led Zep. Le mix idéal entre le film de rock, le film familial et la grosse comédie

Spinal tap,  Rob Reiner
Un hilarant rockumenteur cultissime dans lequel un groupe de Heavy Metal un peu has been part en tournée. A regarder avec le volume à 11.



2. Une grosse déprime? De la grosse comédie qui tache

Si ça ne va vraiment pas, c'est pas la peine d'y aller par 4 chemins: exit la subtilité, et vive les armes lourdes.

Zoolander, Ben Stiller
Je ne m'étend pas beaucoup non plus, parce que j'en ai beaucoup dit ici. Sachez simplement que ces effets bénéfiques sont aussi visibles avec les autres films avec et/ou de Ben Stiller, comme Tonnerre sous les tropiques et Dodgeball.

Anchorman, Adam Mc Kay
Dans les années 70, un présentateur de journal TV local complètement débile se fait voler la vedette par une femme. C'est complètement con, c'est divinement grossier et c'est à se pisser dessus. Fonctionne aussi avec les autres produits génériques contenant le principe hyperactif Will Ferrell comme Frangins malgré eux ou La Casa de Mi Madre.




3. La mélancolie? Un comédie douce amère

Je préconiserai les suivantes:
- Ghost World, Terry Zwigoff
Sur ce que c'est de devenir adulte dans une petite ville à moitié morte. Un très joli film issu de la BD éponyme, un des premiers rôles de Scarlett Johansson (avant qu'elle se prenne pour une sous Michelle Yeoh), Steve Buscemi impeccable, et une très touchante Thora Birch (qu'est-ce qu'elle devient, d'ailleurs, Thora Birch?)

- Ca tourne à Manhattan, Tom Di Cillo
On reste avec Steve Buscemi sur le tournage d'un film indé à petit budget. C'est drôle, c'est féroce, et y'a la plus chouette scène de remise de prix au monde. Un des premiers rôles de Peter Dinklage où il remporte la palme des plus belles répliques et une belle prestation de Catherine Keener.

- Fallen Angels/Chungking Express, Wong Kar Wai
Impossible de choisir entre ces deux films chorales, qui parlent de l'amour et de ses questions de timing, sur un registre en apparence léger, mais à la tendre amertume. Ma période favorite du Maître.

- L'été de Kikujiro, Takeshi Kitano
Le délice d'une histoire d'amitié entre un yakusa bourru et un gamin esseulé. Le film le plus mimi de Kitano.


4. Un chagrin d'amour (Putain, ça fait mal)
a. C'est récent et vous avez envie de pleurer un bon coup

In the mood for love, Wong Kar Wai
Et oui, c'est le troisième WKW de la liste, mais on ne dira jamais assez de bien de la médecine chinoise. Toujours pour dire que l'amour est une histoire de timing, une des plus belles romances impossible qu'on ait vu au ciné. C'est triste, mais c'est magnifique et ça soigne un coeur brisé.

Ma vie sans moi, Isabel Coixet
Un excellent mélo sur une jeune femme atteinte d'un cancer qui va faire une to do list d'avant décès. C'est déchirant, mais merveilleux. Et puis y'a Mark Ruffalo sexy en diable (team midinette de retour), et une Sarah Polley très touchante. La madeleine d'or de Girlie Cinéphilie, rapport aux hectolitres de larmes versées devant ce film.

b. Vous avez envie d'y croire encore

J'me sens pas belle, Bernard Jeanjean
Un petit film qui paye pas de mine, mais une comédie romantique en huis clos drôle et émouvante, avec un couple de comédiens (Marina Foïs et le mimi Julien Boisselier) surprenant.


5. La monotonie conjugale

Pour remettre un peu de peps dans un couple éprouvé par le quotidien, rien de tel qu'une comédie romantique enlevée. Personnellement, j'ai un gros faible pour le délicieux couple de cinéma Doris Day/ Rock Hudson dont la complicité crève l'écran. C'est drôle, pêchu et légèrement gonflé. Un vrai bonheur, encore plus à deux:

Confidences sur l'oreiller, Michael Gordon
Sur une décoratrice et un compositeur qui ont le malheur de partager la même ligne téléphonique.

Un pyjama pour deux, Delbert Mann
Sur 2 publicitaires concurrents qui vont se détester puis s'aimer



6. La pression familiale

Un air de famille, Cédric Klapish
Des dialogues cultes, le meilleur des Jaoui/Bacri, et une famille qui ressemble à la nôtre.

Taste of tea, Ishii Katsuhito
Un film tout simplement adorable sur une famille de rêveur et d'originaux. Des images merveilleuses et le tube dangereux "Yamayo" (Pourquoi dangereux? Ecoutez le une fois, vous comprendrez)



7 Le vieillissement prématuré
Rien de tel qu'un bain de jouvence avec les films qui m'ont le plus éclaté étant gamine

Un jour sans fin, Harold Ramis
Un film doudou par excellence j'en avais déjà parlé ici

Les valeurs de la famille Adams, Barry Sonnenfeld
Encore meilleur que La famille Adams, les dialogues sont délicieux, tout le monde a l'air de s'amuser comme des fous avec l'arrivée d'un nouveau bébé et d'une bien étrange nounou.



8. Besoin de faire du sport

- Danser avec Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly
On fait pas plus classique, mais c'est pas pour rien. On ne rappellera jamais assez à quel point ce film situé à Hollywood à l'arrivée du parlant est euphorisant.

- S'exercer aux arts martiaux avec Drunken master de Yuen Wo Ping, où un tout jeune Jacky Chan apprend la technique de l'homme saoûl, ou Histoires de fantômes chinois, de Tsui Hark, où le beau Leslie Cheung va faire rimer mandale et érotisme fatal.


9. Affronter ses peurs

Rien ne vaut pour surmonter ses angoisses que de s'y confronter, de manière fictive si possible.

La peur du futur
J'ai très peur de l'avenir, alors je m'entoure de film qui assouvissent mes pires craintes; la peur des intelligences artificielles, avec Ghost in the shell, de Mamoru Oshii, des mondes virtuels avec le splendide Avalon du même auteur ou le sous-estimé Strange days de Kathryn Bigelow, de la malbouffe, avec le terrifiant Soleil vert.




La peur des monstres
The thing, de John Carpenter et son horrible créatures des glaces ou un bon vieux zombie dans le film du même nom de Georges Romero (qui fonctionne aussi si on a peur de la société de consommation).

La peur des sorcières
Suspiria, le chef d'oeuvre de Dario Argento continue de me terroriser par son incroyable bande-son et sa beauté formelle.

La peur des piafs
Les oiseaux, d'Hitchcock, est probablement à l'origine de cette peur dont je me suis débarrassée rapidement. Mais je le regarde donc assez souvent pour être sûre de l'avoir bien exorcisée.



10. l'Insensibilité
 Cela peut être vite réglé avec 2 films qui sont au summum de la beauté et ont comme points communs un sublime traitement de l'image noir et blanc, et une barque sur l'eau. Attention, chez certains patients, cela peut créer un sérieux syndrôme de Stendhal.

Dead Man, Jim Jarmush
Un voyage noir et cruel dans l'Ouest américain, rythmé par les riffs lancinants de Neil Young et la poésie de William Blake

La nuit du chasseur, Charles Laughton
Un conte effrayant où deux enfants sont menacés par un abominable pasteur repris de justice. Un chef d'oeuvre jamais égalé.



Voilà, ça c'est la prescription pour mes petites maladies chroniques, tout prêt de mon chevet. Mais si vous souffrez d'autre maux, n'en doutez pas, il y a un film pour vous.

dimanche 19 février 2017

Le clash des comédies musicales: La la land vs Tous en scène

Je ne sais pas si c'est le besoin de printemps qui se fait sentir, l'envie profonde de légèreté et de bonne humeur, mais après une certaine période d'absence, on dirait bien que c'est le retour des comédies musicales. Généralement, quand on me dit "comédie musicale", je me fais pas trop prier, et là, je vous en met une bonne couche avec deux films qui semblent à des années-lumière l'un de l'autre a priori, mais qui, à mon avis, mérite vraiment qu'on en parlent ensemble, qu'on les compare, parce qu'ils abordent des thèmes assez similaires mais de manière différente: le dernier né d' Illumination Entertainment (mais si, vous savez, Moi moche et méchant, c'est eux!, avec le studioMac Guff, cocorico!), Tous en scène de Garth Jenning et celui qu'on ne présente plus La la land de Damien Chazelle. Et puis je me suis dit, tant qu'à les comparer, on va se faire une petite battle des familles. Comme d'hab, c'est MA battle: elle ne reflète que mes impressions à la vue de ces deux films. Mais  je dois avant tout dire une chose: je prends toujours un très grand plaisir à voir des films musicaux, alors j'espère que c'est pas juste pour le début d'année, et qu'on en aura plein d'autres par la suite, parce qu'il n'y a rien de mieux que de sortir d'une séance de cinéma en ayant envie de chanter.

1. Pourquoi j'y suis allée (en dehors de l'argument "comédie musicale" qui, clairement, fait la moitié du taf





Tous en scène
La la Land
Un film d’animation c’est déjà un bon point. Un film Illumination, c’en est un supplémentaire: j’aime leur humour, le parti-pris un peu fou-fou de leurs scénarii, et comme il va falloir attendre encore un peu de temps pour le nouveau Moi, moche et méchants (dont la bande-annonce me fait déjà tordre de rire), c’était une bonne façon de patienter.
Rajoutons à cela l’idée du télécrochet, et je n’avais vraiment pas besoin de plus pour y aller. J’avais déjà une jolie petite promesse: un bon petit film d’animation feel-good, un bon moment. Probablement pas plus, mais le truc idéal si on a pas envie de se prendre le chou. Et au moment où j’ai décidé d’aller le voir, c’est exactement ce qu’il me fallait.
Ben là, je dois dire que c’était bien plus compliqué.
Je me suis longtemps tatée avant d’y aller, parce que j’étais partagée entre 2 sentiments contractoires:
      Un a-priori, je dois l’avouer, plutôt négatif pour Damien Chazelle. Si vous avez lu ma chronique sur Whiplash, vous savez pourquoi: c’est ni plus ni moins qu’un des rares films pour lesquels j’ai ressenti une véritable aversion, en dépit de ses réelles qualités.
      Un très grand a-priori positif pour Emma Stone. J’adore cette fille. Je ne sais pas si ce sont ces yeux immenses, ce peps magique, ce côté “Girl next door” sans être banale, avec un supplément humour, cette voix joliment éraillée, mais elle me communique sympathie immédiate, même dans des films pour lesquels je n’en ai pas forcément beaucoup. Bref, je n’ai eu besoin que du clip de Will Butler pour savoir qu’elle serait parfaite dans une comédie musicale.
Ajoutez à cela tout ce qui a déjà été dit, généralement en bien, mais qui me donnait, suivant mon humeur, autant envie d’y courir que de le fuir, j’ai finalement opté pour le “je suis trop curieuse de savoir ce que ça donne, j’y vais”
Au mieux, je me réconciliais avec Damien Chazelle. Au pire, je voyais Emma Stone dans des jolies robes.

Verdict: D'un côté, l'assurance de passer un bon moment. De l'autre, le saut dans le vide: ou je suis surprise agréablement, ou je suis terriblement déçue. Entre le confort et l'audace, difficile de choisir, un point partout.



2. La scène d'ouverture




Tous en scène
La la Land
Une scène de théâtre. Une brebis majestueuse monte divinement un escalier de carton pâte et entonne (avec la voix de Jennifer Hudson) une merveille absolue: Golden slumbers des Beatles. Ca ne vaut évidemment pas la version originale qu’on trouve sur Abbey Road, mais chez moi, l’effet de surprise a été immédiat et lacrymal (oui, je crains du boudin). La caméra quitte la scène, embrasse la foule et vient doucement se focaliser sur un petit koala, qui, les yeux et la bouche grands ouverts, découvre son premier spectacle et par là-même sa vocation sur les genoux de son papa. C’est nostalgique, d’une simplicité confondante et c’est diablement émouvant.
Je suis dedans.
Ca a été déjà dit, et bien dit. La scène d’ouverture de La la land est incroyablement spectaculaire et donne vraiment envie de voir la suite. D’un côté une formidable scène de comédie musicale dans un bouchon à Los Angeles, pleine de peps, de zazz et shebam pow blop wizz! C’est entraînant, plutôt bien chorégraphié, joyeux et colorés. De l’autre, un défi technique brillamment relevé: un plan-séquence millimétré, flamboyant et virevoltant.
A couper le souffle et terriblement efficace.
Je suis dedans aussi.



Verdict: C'est très difficile de choisir, parce que dans les deux cas, ce sont deux superbes scènes. Tous en scène l'emporte de justesse, juste parce que Paulo Mc Cartney.



3. Les personnages


Tous en scène
La la Land
Comme souvent dans les films d’animation, surtout parce qu’ils sont si longs et chers à produire, y’a rien à jeter. Chaque personnage a sa fonction, et son vrai caractère.Le koala directeur de salle au bagou prononcé, escroc mais pas trop, l’ado éléphante à la voix d’or, maladivement timide, d’autant plus qu’elle a une pression familiale d’une lourdeur pachydermique, la jeune rebelle porc-epic qui a des peines de coeur, la truie mère au foyer qui rêve de s’échapper de son quotidien pas jouasse, son coéquipier diva teutonne du dancefloor, une souris crooner aussi pro que désagréable, un jeune gorille aux vocalises stupéfiantes dont le père gangster est bien décidé à le voir prendre part à ses activités criminelles.
Là où l’écriture des personnages est formidable, c’est qu’on arrive à nous les faire aimer tous, malgré leurs défauts, et peut-être même à cause d’eux, sans chercher à leur trouver des excuses. Buster Moon, le koala, peut se montrer tout à fait odieux avec les participants du concours de chant, il ment, il veut absolument transformer Ash la Porc-épic en ballerine, mais parce qu’il a un rêve qu’il a un rêve, la nostalgie d’un père qui s’est sacrifié, la volonté du  “Show must go on”, on ne peut s’empêcher de l’apprécier. Pire, Mike, la souris, a un melon pas possible, il ne pense qu’à lui, il est tricheur et de mauvaise foi, en fait et en y réfléchissant bien, il ferait même penser au Sébastien de La la Land. Mais je ne sais pas pourquoi, c’est peut être son humour dévastateur, sa malice et son ingéniosité à se sortir de tous les coups foireux, la satanée souris parvient quand même à nous mettre dans sa poche.
Ajoutez à cela de savoureux personnages secondaire comme Eddie, le mouton slacker richissime qui vit dans l’annexe de ses parents et passe ses journées sur sa console de jeu ou sa grand mère Nana, très collet-montée, et surtout, surtout, Miss Crawley (peut être un personnage de Downton Abbey qui aurait mal vieillit), un caméléon à l’oeil de verre vagabond qui est tout simplement la trouvaille comique du film: chacune de ses apparitions est hilarante. Pas étonnant que le réalisateur, Garth Jennings, se soit gardé le privilège d’en faire la voix!
Là, ça se gâte sévèrement.
J’ai été très déçue par l’écriture des deux personnages principaux, Sebastien et Mia. Je les ai trouvé terriblement creux.
Disons-le tout de suite, cela n’a rien à voir avec l’interprétation des comédiens: Ryan Gosling fait ce qu’il peut pour rendre charmant un personnage que je trouve personnellement insupportable de pédanterie et Emma Stone est une parfaite….. Emma Stone. Elle est fascinante à regarder, elle donne de véritables leçon de comédie (la scène de l’audition est une masterclass), elle est belle, elle est drôle (son lipsynch 80’s est presque aussi bedonnante que le mythique qu’elle a fait chez Jimmy Fallon), elle irradie tout sur son passage. Bref, elle est merveilleuse. Mais le problème est qu’elle n’est “que” Emma Stone.
On a l’impression que Damien Chazelle a écrit ce rôle qu’en fonction de son interprète, fasciné par la demoiselle, mais que du coup, il a complètement oublié de lui donner de la profondeur.
Des deux amoureux, on ne devine presque rien. En dehors de leur passion pour leur art, ils n’existent quasiment pas et ne semblent être plus des fonctions, des porteurs de messages que de réels personnages. Ils ne sont que deux egos uniquement focalisés sur la réalisation de leurs projets. La grosse dispute du film tourne d'ailleurs finalement à un affrontement autocentré au possible qui s'arrête à "t'es jaloux/se de ma carrière".
Je ne parle même pas des personnages secondaires. On arrive à faire de Johnny Legend (Johnny Legend, quoi, crotte!) un mec sirupeux en col roulé qui veut détruire le bon vieux jazz de papa. Quant aux autres, ils font juste partie du décor, ils n’existent pas plus que les fonds peints et le carton-pâte. Je trouve ça à la limite de l’affligeant. Je vois bien qu’il y a un discours sur l’artificialité d’Hollywood, mais je trouve que faire un film peuplé de figures vides n’est pas la meilleure façon de le montrer.
En oui, je vais encore enfourcher mon cheval de bataille favori, mais Damien Chazelle est sûrement un excellent réalisateur, mais il aurait beaucoup à gagner en faisant dégonfler son égo qui a l’air d’être aussi généreux que celui de son personnage masculin, et en se faisant aider par un véritable scénariste, qui lui apprenne ce que sont des personnages solides, et de véritables conflits.


Verdict:
Indéniablement, il y a plus de travail de psychologie et d'écriture dans n'importe quel personnage de Tous en Scène que dans l'ensemble de La La Land.


4. La musique


Tous en scène
La la Land
Hormis Golden Slumbers dont je vous rabattrai bien les oreilles, qui représente généralement la nostalgie de Buster Moon, on a droit, dans l'ensemble à un pot-pourri pop de bon aloi, allant d'Elton John à Taylor Swift en passant par Stevie Wonder. Bonne nouvelle: les comédiens doubleurs sont aussi les chanteurs, et si l'on savait que Reese Witherspoon et Scarlet Johanson ou la chanteuse Tori Kelly avaient un beau talent vocal, je ne m'attendais pas à ce que Taron Egerton (le jeune espion de Kingsman) me sorte un vibrato de malade en mode king kong. C'est bien foutu, ça convient parfaitement à chaque personnage, rien à dire
Là, je dois dire qu'il y a du level. Que Chazelle touchait sa bille en jazz, on le savait déjà. Mais la bande-son de Justin Hurwitz est tout bonnement parfaite.  
Les deux interprètes sont très bons, même s'il n'y a pas de prouesses vocales comparables à celles de Tous en scène. Mais l'ensemble est tout à fait merveilleux: c'est joyeux, bien écrit, ça donne envie de danser, c'est émouvant. Pour moi, c'est l'énorme point fort du film

Verdict: Sur ce point là, et si j'excepte les Beatles, je suis heureuse de donner l'avantage à La La Land.




5. Les références et la comparaison


Tous en scène
La la Land
Les références de Tous en scène sont nombreuses et très variées.
D’un côté, on a la référence contemporaine très proche de la jeune génération visée par le film: le concours de chant, qu’on voit et revoit à travers un nombre incroyable de show télévisés. On pourrait craindre que le film se base uniquement là-dessus, mais le scénario est assez bien fichu pour s’en acquitter très bien, et assez rapidement. C’est une formidable parodie de tout ce qu’il y a de plus cruel et de plus vil dans ce genre de show, mais aussi de tout le rêve que ça charrie: celui de passer du jour au lendemain de l’ombre à la lumière, et devenir en quelques notes de musique une star. Contrairement à son opposant, le film ne s’arrête pas à cela, et lorgne en fait du côté d’un genre qui a largement fait ses preuves dans les films dédiés au spectacle.
Le genre en question, c’est celui que je qualifierai “projet collectif”. Vous savez: un projet fou, qui semble irréalisable et qu’un groupe de personnes, mettant  en commun leurs talents, arrive à faire aboutir, ce qui apporte à chacun un accomplissement personnel. C’est la quête du Graal des chevaliers de la Table ronde, détruire l’anneau dans Le Seigneur des anneaux ou gagner un championnat de ballon prisonnier dans Dodgeball, ou, comme ici, monter un spectacle dans Les Muppets ou Full Monty. C’est un genre assez fréquent en animation, parce qu’il permet à chacun de pouvoir s’identifier à un des personnages et de transmettre la jolie morale qui consiste à dire que “l’Union fait la force”. Tous en scène, sans révolutionner le genre, répond à tous les critères qui en font un représentant tout à fait honorable.
Enfin, deci-delà, des références cinématographiques pour les cinéphiles, des films de gangster britanniques (paie-toi l’accent de la bande de gorilles) à la course de King Kong en  passant par l’anti-héros du film noir bien représenté par la souris saxophoniste, il y a des clins d’oeil souvent bien sentis et très amusants.
Les références majeures sont bien entendu, et c’est très appuyé, les comédies musicales hollywoodiennes et les films de Jacques Demy.
Aux premiers, il reprend les chorégraphies, les grandes scènes de studio, le peps, Hollywood bien entendu. Comme dans Chantons sous la pluie, avant de s’aimer, le couple se tire dans les pattes. Comme dans Une étoile est née, on assiste à l’irrésistible ascension d’une artiste. Il y a du technicolor qui pète, des figurants dont on ne sait pas comment ils sont arrivés là et qui se mettent à danser, y’a des couchers de soleil sur les collines de LA.
A Demy, il reprend les tenues colorées des jeunes femmes et le sourire nonchalant des jeunes hommes, le côté jazzy à la Legrand, mais aussi le sentiment de fatalité qu’on peut par exemple retrouver dans Les parapluies de Cherbourg.
Le souci, c’est que contrairement à Tous en scène, les références ne sont pas détournées par la parodie, et sont faites de manière tout à fait sérieuse. De fait, cela nous oblige à comparer La La Land avec les films desquels ils s’inspire. Et malheureusement, on ne peut pas dire qu’il tienne la distance. Si Emma Stone et Ryan Gosling sont charmants et bougent plutôt bien, ce ne sont pas des danseurs pro comme Fred Astaire et Ginger Rogers. Ce ne sont pas non plus des voix éblouissantes comme celles de Judy Garland ou de July Andrews.
Les tenues semblent anachroniques, ça sent un peu la naphtaline et quand cela essaie de devenir moderne (par exemple avec la scène avec incrust au planétarium que j’ai trouvée plutôt moche), ça ne fonctionne pas vraiment. J’ai tendance à penser la même chose que Keith, le personnage que joue Johnny Legend (un peu le “méchant” du film): à quoi bon vouloir refaire absolument ce que des génies avaient fait parfaitement auparavant, sachant que eux, le faisaient alors de manière innovante et mieux? La mort d’un genre ne se situe-t-elle pas justement dans ce figement muséal? Et si, au lieu de lancer un renouveau de la comédie musicale, La La Land en sonnait ainsi le glas? Je n’ai pas de réponse. Je ne fais que m’interroger. Mais c’est quand même dingue que Chazelle lui-même ait choisi de proposer un contre-argument total à son film au sein de celui-ci, comme pour contrer d’emblée les attaques qu’il savait qu’il pourrait recevoir…
Quand au fatalisme face aux Parapluies de Cherbourg, pour moi, la comparaison ne tient pas non plus une seconde. D’un côté, on a une tragédie. De l’autre, un dilemme mineur dont on a bien du mal à mesurer l’enjeu.

Verdict: Là encore, le point va à Tous en scène, parce qu'au lieu d'essayer de reproduire à l'identique et en moins bien les références dont il s'inspire, il essaie d'en faire quelque chose. Si ça n'est pas révolutionnaire, ça reste moderne.


6. Les enjeux


Tous en scène
La la Land
Là où le film est malin, c’est qu’avec une multiplicité de personnages, il y a multiplicité d’enjeux. Il y a un enjeu principal: réussir à monter un spectacle à partir des performances retenues par le concours, malgré des difficultés de plus en plus importantes. Pour Buster Moon, cela veut dire remettre en état un théâtre branlant et par là-même réussir à concrétiser le projet pour lequel son père s’est sacrifié. Pour Rosita, la mère au foyer à la famille très nombreuse, c’est retrouver son statut d’individu et de femme. Pour l’éléphante Meena, c’est combattre sa timidité maladive pour faire enfin entendre sa voix. Pour le gorille Johnny, c’est échapper au déterminisme social qui voudrait qu’il entre dans le gang de papa, quitte à s’attirer le rejet de ce dernier. Pour la souris Mike, c’est montrer à tous qu’il est définitivement le meilleur.
Et c’est cette multiplicité d’enjeux qui fait que la réussite du spectacle est si importante, parce qu’on tremble pour chacun des personnages en cas d’échec (à part Mike, peut-être).
Encore un gros problème au scénario pour moi. J’ai bien eu du mal à identifier les enjeux du film, et le tournant dramatique de la situation. Attention, SPOILERS
Résumons la situation. Les deux personnages ont un rêve. Pour Sébastien, c’est ouvrir un club de jazz mythique. Pour Mia, c’est devenir une actrice reconnue. Mais le couple se déchire parce que l’un des deux doit partir en tournée pour longtemps et que l’autre doit rester à Los Angeles pour présenter un spectacle. Voilà, c’est là que se trouve l’idée de la fatalité, de la tragédie: dans l’idée qu’ils vont devoir se séparer pour réaliser leur rêve. Pourquoi? Ben on sait pas trop, peut être parce que c’est trop compliqué. Mais bon, ils doivent se séparer pour voler de leurs propres ailes qu’on vous dit. Ok. Mais j’ai passé plus de 2h dans une salle pour ça? Pour une histoire d’amour qui part en couille à la première contrariété? Mouais, désolé, mais même moi, Miss Madeleine des salles obscures, j’ai besoin d’un peu plus pour m’émouvoir.

Verdict: Trop facile, Tous en scène.



7. La scène lacrymale

ALERTE SPOILERS

Tous en scène
La la Land
Un koala désabusé laveur de voiture mais à l’oreille aiguisée se laisse guider par la clameur d’une voix sublime chantant Hallelujah de Leonard Cohen dans les décombres d’un théâtre ruiné et y découvre une jeune éléphante qui y chante, un casque vissé sur les oreilles.
La scène signifie beaucoup de chose: la beauté comme seul espoir quand on a touché le fond, la voix si longtemps cachée qui s’exprime enfin, la renaissance et l’envie retrouvée dans la découverte de cette voix, les raisons pour lesquelles on a choisi le métier du spectacle. C’est joli et lacrymalement très efficace.
Ça m’énerve juste un peu que la chanson de Leonard Cohen soit utilisée à toutes les sauces dès qu’on veut transmettre une émotion forte.
La seule chanson en prise directe du film. Un duo au piano entre Mia et Sebastian où on touche enfin à une forme d’authenticité.
Une scène magnifique dont on ne sait pas si elle se joue entre deux acteurs ou deux personnages, mais où, pour une fois cette confusion est troublante et bienvenue.
Je suis contente d’avoir tout de même vu La La Land pour cette seule scène, simple mais véritablement émouvante.

Verdict: La La Land mérite ici amplement le point pour ce moment de grâce.



8. La vision de l'art


Tous en scène
La la Land
La morale de l’histoire, c’est “il faut croire en ses rêves”.
Mais le moyen d’y arriver est ici un moyen collectif. On est clairement dans un schéma où la réalisation des projets de tous, c’est l’accomplissement de chacun.
Comme très souvent dans les films destinés à un jeune public, on essaie de valoriser le “travailler ensemble”, l’action de chacun qui complète l’oeuvre commune et on n’avance pas “contre” ou “malgré les autres”, mais avec.
La morale de l’histoire, c’est “il faut croire en ses rêves.”
Mais le moyen d’y arriver est ici individuel. C’est déjà ce que je reprochais au terrifiant Whiplash. L’artiste est un être supérieur qui doit se détacher du groupe, des autres pour créer. Mia ne trouve sa voie que dans un one woman show, et quand on lui propose de faire un film sur son unique personnalité (ce qui ressemble beaucoup à une certaine comédie musicale). Sébastien s’étiole dès qu’il se retrouve en groupe et est contraint à accepter les pires humiliations.
La seule manière d’avancer est “contre” les autres. La seule façon d’atteindre son but est de se libérer de toute attache à l’autre.

Verdict: Je l'ai dit plusieurs fois sur ce blog, et je vais me répéter, mais j'ai un immense amour pour le cinéma parce que je le considère comme une oeuvre collective. Et j'ai toujours tendance à avoir un profond respect pour les gens qui le voient et le façonnent comme tel. C'est une vision tout à fait personnelle mais je ne suis plus une grande amatrice de l'image de l'artiste comme forcément solitaire et maudit, dont l'oeuvre serait donc plus forte et caractéristique parce que personnelle. Elle avait beaucoup d'attrait pour moi lorsque j'étais jeune, jusqu'à ce que je comprenne qu'un bon réalisateur ne suffisait pas à faire un bon film. Qu'il fallait qu'il soit également accompagné d'un ou de plusieurs bons scénaristes, d'un bon chef op, d'un bon monteur, d'une belle équipe technique et d'excellents acteurs. Je pense qu'il y a quelques décennies, j'aurais probablement été très séduite par les héros de La La Land et leur côté "artistes rebelles". Aujourd'hui, rien ne vaut pour moi l'énergie collective des héros de Tous en scène, leur joie, leur partage, leur réussite qui semble si modeste (pas d'argent, ni de gloire à la clé), mais qui rayonne sur chacun. Peut-être que je me fais vieille, ou peut-être que je me fais sage, mais je suis heureuse de me faire positive.