jeudi 31 août 2017

Le ciné-club de Potzina: L'oeil dans le rétroviseur, spécial western

Lorsque La chambrerose et noire a proposé comme thème du Ciné-club « l'oeil dans le rétro-viseur », portant sur les films des années 30 aux années 60, je me suis trouvée fac à un dilemme de taille : allais-je vous parler de ma passion pour les comédies romantiques vintage, de mes Hitchcocks favoris, de films noirs envoûtants, d'immenses classiques. Et puis finalement, je me suis décidée à évoquer un genre que j'aime particulièrement, puissamment vintage, surtout parce qu'on n'en voit aujourd'hui pas si souvent que ça et qui m'a toujours fait un peu rêver, le western avec quelques uns de mes westerns préférés (mais pas tous, parce que même si j'ai triché un peu, je me suis arrêtée en 1972).

Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook, ou à m'envoyer votre article en commentaire de cet article.

1931 : L'attaque de la caravane, Otto Brower et David Burton

De son nom original, Fighting caravans (quand même vachement plus pro-actif que la version française), on a déjà une bonne idée du scénar. Des caravanes de pionniers tentent de rejoindre l'ouest et doivent se défendre des attaques des Indiens qui veulent les empêcher de traverser leur territoire. 
Rien ici de bien original, ni de bien passionnant, sauf si on s'attache à la romance au coeur de l'histoire qui fait tout le sel de ce film, et qui ferait presque penser à une comédie romantique.
Clint Belmet, un brigand qui cherche à échapper à la justice, réussit à convaincre une jeune migrante française, Felice (oui, je pense qu'un i a disparu quelque part) qui va s'installer en Californie, de se faire passer pour son époux et rejoindre la caravane, ni vu, ni connu. Et bien entendu, les deux personnages que tout oppose vont bientôt apprendre à s'aimer.
Rajoutons qu'ici, Clint est joué par un tout jeune et fringant Gary Cooper et que Felice est interprétée par une starlette que j'adore, Lili Damita, une petite bombe d'énergie et de charme made in France (et un temps Mme Michael Curtiz puis Mme Errol Flynn). 



1946 : Un duel au soleil, King Vidor

Avant d'inspirer Etienne Daho, Un duel au soleil est un véritable chef d'oeuvre de souffre, chaud comme la braise, violent comme une tornade, qui défie autant qu'il peut le code Hays.
La sublissime Pearl (Jennifer Jones), jeune sang-mêlée, se retrouve placée dans une famille propriétaire d'un ranch, après que son père a tué sa mère infidèle. Sa beauté rend fous les deux garçons de la famille, Lewt et Jesse. Mais le torride bad boy Lewt, c'est Gregory Peck et le charmant et gentil Jesse, c'est Joseph Cotten. Et on comprend combien chacun doit lutter pour échapper au désir brûlant qui les lient.


1950: La flèche brisée, Delmer Daves

La flèche brisée est un beau film sur la difficile paix entre les colons et les Apaches. Au centre, la véritable rencontre entre Tom Jeffords et le chef apache Cochise. 
Le héros est Jeffords, interprété par Mr Good Guy himself, Jimmy Stewart, qui va sans cesse essayer de construire un pont entre les Apaches et son peuple dans un contexte des plus tendus.
C'est un film magnifique sur la tolérance (même si encore une fois, le personnage amérindien féminin est interprété par une jolie Debra Paget poudrée à la Terracotta) et surtout sur la difficulté de maintenir la paix, quand la douleur vous touche de près. 

1954 : Johnny Guitare, Nicholas Ray

C'est bien connu, Nicholas Ray, connu surtout pour être l'auteur de la Fureur de vivre, osait être en avance sur son époque (quitte à passer pour un dangereux communiste).
Dans Johnny Guitare, exit les cow
boys qui crachent par terre et se grattent les coucougnettes dans leurs caleçons longs. C'est un duel entre deux femmes fortes et indépendantes dans une petite ville de l'ouest. D'un côté, la riche propriétaire Emma, Mercedes MacCambridge. De l'autre la farouche patronne de saloon Vienna, la grande Joan Crawford.
Une véritable petite merveille.

1956 : La prisonnière du désert, John Ford

Attention, grand classique. Tout ce qu'il y a du mythique western hollywoodien est là: les deux John (Ford et Wayne), Nathalie Wood, le plan de la porte qui est un des plus grands de toute l'histoire du cinéma.
L'histoire, c'est celle d'un ancien soldat confédéré qui part à la recherche de sa nièce enlevée par les Comanche. 
C'est d'une beauté plastique extraordinaire, les scènes d'action sont épatantes, c'est magnifiquement interprété. Chef d'oeuvre du genre.






1957 : 40 tueurs, Samuel Fuller


Découvert il y a peu, je vous avais déjà parlé ici de ce bijou du western dissident, à voir absolument.

1959: Rio Bravo, Howard Hawks

Autre immense classique du genre.
Un huis-clos haletant sur le siège de la petite bourgade de Rio Bravo où a été arrêté Joe Burdette, membre d'un puissant gang de malfrats. John Chance (John Wayne), le shérif du comté, de passage et le sherif adjoint alcoolique Dude (Dean Martin) et le jeune Colorado (Ricky Nelson), vont devoir défendre la prison et leur ville.
Un grand film d'action qui a été inspiré par Le Train sifflera trois fois, autre sommet du genre et dont Carpenter s'inspira largement pour le détonnant Assaut.

1962: L'homme qui a tué Liberty Valence, John Ford

J'en met un deuxième de John Ford, parce que je crois que c'est là mon western préféré de la grande période hollywoodienne.
Un récit à la Rashomon où le point de vue fait toute la différence sur le meurtre d'un horrible malfaiteur, Liberty Valence. Une histoire de politique et de faux-semblants, de rédemption et de pouvoir de la fiction, avec John Wayne et James Stewart. Probablement le scénario le plus magistral et intelligent du western, j'ai pour ce film une admiration incroyable. Même si vous n'aimez pas le western, voyez L'homme qui tua Liberty Valence, il est tellement plus que cela.


1968 : Il était une fois dans l'Ouest, Sergio Leone

Je ne pouvais pas parler de western sans parler de Leone et mon choix s'est porté sur mon préféré, Il était une fois dans l'Ouest. Une sombre histoire de vengeance qui suit la construction d'une ville de l'ouest, pleine de méga-hyper-gros plans, de musique envoûtante d'Ennio Morricone et avec un casting multo bueno: la sublime Claudia Cardinale, l'imperturbable Henri Fonda et le taiseux Charles Bronson. Pour moi, le plus ensorcelant des Leone.








1972 : Jeremiah Johnson, Sydney Pollack

Pour celui-ci, je triche et m'immisce dans les années 70, parce que ce film formidable mérite d'être vu. Il retrace la vie d'un anti-héros, Jeremiah Johnson (interprété par un Robert Redford qui n'a jamais été aussi beau), un ancien militaire qui, dégoûté par la violence, décide de devenir trappeur et de s'éloigner de toute civilisation. Mais la violence finit toujours par vous rattraper...
Un superbe western où les paysages du désert qu'on a l'habitude d'y voir sont ici remplacés par ceux des Rocheuses et où la grandeur de la nature prend toute sa dimension. Un parcours initiatique terrible et magnifique, une grande leçon d'humanisme.

Pour répondre au thème, je m'arrête ici, mais je ne peux m'empêcher de citer quelques autres westerns plus récents qui valent aussi leur pesant de cacahuètes: le très beau Portes du paradis du regretté Michael Cimino, l'honirique et sublime Dead Man de Jim Jarmush, l'enthousiasmant Tombstone de George Pan Cosmatos et la formidable série Deadwood.

mardi 15 août 2017

La la car: Baby Driver


J'aime mes écouteurs. Depuis mon premier baladeur (celui où tu mettais des K7, ouais), j'en ai toujours une paire dans mon sac.Les écouteurs sont des portes vers des mondes parallèles, bien plus efficaces et moins encombrantes que celles de Sliders (attention, cet article est confit de références de viocs). C'est le meilleur moyen pour échapper à la réalité quand elle fait la grimace.

Chausser des écouteurs en sortant le matin, c'est la meilleure façon de faire avancer mon cerveau plus vite que mes pieds. Un podcast peut te téléporter dans un amphi d'université, une fiction radiophonique peut t'intégrer au coeur même d'un récit, comme bien peu de films parviennent à le faire. Et je parle même pas de la musique. La musique, c'est déjà un des phénomènes les plus puissants de la planète (Ste Virginie Despentes de l'annonciation vernonnique, priez pour nous). Mais dans tes écouteurs, la musique peut plus que les drogues et les hommes, plus que la politique et les images: lorsqu'elle retentit à tes oreilles, la musique change le monde à son image. Le son dans ta tête modifie ce que tu vois, ce que tu sens, ta démarche, ton sourire, tes mouvements. Cette envie presque irrépressible de chanter à tue-tête quand tout le monde fait la gueule dans le métro, de danser dans un rayon de supermarché, de chialer dans une rue bondée, de te recueillir dans une file d'attente à la préfecture. La musique et tes écouteurs te donnent ça, un rythme, une couleur, une émotion pour l'instant.



Mais quand un acouphène parasite tes jours et tes nuits, tes écouteurs ne sont pas simplement des objets qui embellissent la vie, ils deviennent les instruments vitaux qui sont les seuls à la rendre supportable. Baby, qui a les siens vissés en permanence aux pavillons en sait quelque chose. Depuis le tragique accident qui a fait de lui un orphelin, le seul moyen d'alléger son acouphène et de se concentrer est d'écouter en permanence de la (bonne) musique. Et de la concentration, il en a véritablement besoin, parce qu'il est un chauffeur exceptionnel. Exceptionnel au point que Doc (Kevin Spacey), qui organise des braquages de banques fructueux, ne peut plus se passer de lui. Sauf que Baby a d'autres aspirations: la liberté, la musique et une jolie serveuse à la voix séduisante.

Baby Driver, pour moi, ça a été la très bonne surprise de l'été, le blockbuster qui correspondait pile à ce que j'avais envie de voir: un cocktail bien frappé d'action, d'humour et de musique.



Il est vrai que je partais avec un bon a-priori. D'abord pour le réalisateur, Edgar Wright, réalisateur british que j'aime suivre depuis la série Spaced dont il a mis en scène de nombreux épisodes (série à découvrir absolument si ça n'est pas encore fait). Tous ces films sont des films que j'aime voir et revoir, de Shaun of the Dead à Scott Pilgrim. Ce sont des films drôles, malins, bien écrits et avec une belle économie du scénario, pleins de références dans lesquelles je me retrouve, aussi bien cinématographiques que musicales, et sacrément divertissants.

Baby Driver ne fait pas exception à la règle. Il est bien tout cela, mais il est aussi un peu plus. Il est drôle, oui, mais ça n'est pas uniquement une comédie. Alors oui, Shaun of the Dead était aussi un vrai film de zombie, Hot fuzz un vrai buddy movie et Scott Pilgrim un vrai teen-movie, mais tous étaient avant tout une comédie. Les frontières sont encore plus floues avec Baby Driver. En bon amateur de genre qu'il est, Edgar Wright fait le pari de réussir plusieurs films en un seul: le film de braquage, de course-poursuite en bagnole, la comédie, le parcours initiatique et de rédemption, l'histoire d'amour et la comédie musicale. Et ça fonctionne, ça fonctionne même très bien, à tel point qu'on ne se pose même pas vraiment la question quand on est devant parce que l'ensemble est d'une cohérence confondante: tout semble couler de source et le mélange des genres ne choque pas parce que tout est construit sur une mécanique bien huilé:  aucun accroc, ça passe tout seul.



En terme de scénario, donc, comme en terme de mise en scène, c'est diablement efficace. Tout sert, pas de gras, pas de longueur, pas de scène inutile. Tout est justifié, et les personnages, même s'ils sont parfois caricaturaux, fonctionnent sur des enjeux qui les rendent plutôt crédibles. Une seule invraisemblance pour moi: pourquoi un mec comme Doc s'acharne-t-il à bosser avec un mec aussi peu fiable que le tavelé Bats (Jamie Foxx), je ne me m'explique pas. En parlant des personnages, justement, parlons du casting. Ansel Elgort est vraiment bien. Mignon, mais pas trop, il parvient à émouvoir malgré son mutisme et puis bon, je dois bien avouer qu'il arrive à obtenir un truc dont je ne le croyais pas capable: la classe. Lily James, que j'ai tendance à trouver généralement énervante, ne l'est pas du tout ici. Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir troqué son accent super posh anglais contre un petit accent ricain, ses costumes de princesse pour une tenue de serveuse, mais là, dans la sobriété, elle est pas mal du tout, et avec Elgort, ils forment un très joli couple de tourtereaux menacés. Pour les seconds rôles, on a que du bon: Kevin Spacy, Jamie Foxx, John Hamm, CJ James et des apparitions qui font sauter de joie tout amateur de rock et de cinéma: Flea et Paul-Phantom-of-the paradise-Williams. Tout le monde a l'air de bien s'amuser, et c'est plutôt bonnard à voir.



Mais là où je trouve le film le plus réussi, et où Wright m'épate, c'est dans la réalisation. C'est vrai que c'est peut être la première fois qu'il a accès à de tels moyens pour une mise en scène, mais j'ai trouvé ça épatant. On savait déjà qu'il avait un sens du rythme indéniable (vous vous souvenez la scène de tabassage de zombie au son de Queen dans Shaun of the dead?), mais là, ça fait tout simplement super plaisir à voir. La première scène, dont je ne préfère rien dévoiler tant elle fait rentrer dans le film de plein pied est une chorégraphie de musique et d'action de toute beauté, un gros shot d'adrénaline. Une scène où les personnages ne parlent presque pas et où la musique semble guider, et même créer l'action. Quand arrive le générique, on est déjà dans un état d'excitation maximal. Et puis il y a ce beau plan séquence, qui met gravement à l'amende le plan-séquence d'introduction de La la Land, tant il est précis, juste, rythmé, beau, enthousiasmant et pourtant (et contrairement à l'épate de Chazelle) relativement modeste. Ici, bizarrement, rien ne semble artificiel, malgré toute la sophistication du truc et les situations complètement improbables, peut-être grâce à l'efficacité de l'action, et à la sympathie immédiate qu'on a pour ce petit mec avec ses écouteurs qui laisse le son tenir le volant.

Ouais, les écouteurs, ça rend la vie plus belle, mais, avec la bonne chanson, elle peut aussi sauver tout simplement la sauver.










mardi 1 août 2017

Le ciné-club de Potzina: Bijoux de famille


Le mois de juillet est terminé, et je clos ainsi Le ciné-club de Potzina de ce mois sur le thème Bijoux de famille.
Je suis ravie de diverses participation, qui ont su nous montrer combien le sujet était foisonnant: vous allez voir, ça ne manque pas de variété:

- Nous accueillons tout d'abord un nouveau participant, Roi Joyeux, qui nous invite à (re)découvrir un film noir familial et vénéneux, The Strange affair of Uncle Harry.



- La chambre rose et noire a pris le relais avec une comédie charmante et charmeuse, Beautés empoisonnées, où une mère et sa fille font tourner les têtes pour se remplir les poches.



- Puis The Movie Freak nous a proposé un jeu des 10 familles du cinéma, un beau panel très varié.



- Bagarang Daily, de son côté, en a choisit 5 et pas des moindres, les plus grandes dynasties cinématographiques



- Enfin, j'ai voulu vous parler d'une famille de doux-dingues avec The taste of tea.



Je remercie tous les participants et passe le relais à La chambre rose et noire pour ce mois d'août. j'ai hâte de voir ce qu'elle nous concocte...

dimanche 30 juillet 2017

Le ciné-club de Potzina: Bijoux de famille: The taste of tea




Ce mois-ci, j'hébergeais le ciné-club et je vous ai proposé un thème qui me tient particulièrement à cœ, parce que j'ai remarqué que c'était un de ceux que j'appréciais le plus: celui de la famille. Ce qu'il y a de formidable avec la famille, c'est que c'est un sujet absolument universel et que d'où que viennent les films qui en traitent, cela arrive toujours à me toucher. Peu importe la culture, peu importe le genre, on arrive toujours à se reconnaître dans les rapports des Tannenbaum, des Ménard (un air de famille), des Corleone ou même des affreux, sales et méchants Mazzatella.

Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook, ou à m'envoyer votre article en commentaire de cet article.



La famille à laquelle j'ai décidé de m'intéresser ici, c'est la famille Haruno, une famille de doux-dingues japonaise aux membres plus attachants les uns que les autres, du film de Katsuhito Ishii, The taste of tea.

Sous le toit des Haruno, la vie s'écoule comme chez les autres, entre vie commune et destins singuliers, et chacun a ses propres défis à relever. La mère, qui s'est arrêtée de travailler pour élever ses enfants, reprend la tradition familiale du dessin d'animation, épaulée par le grand père de son époux, qui vit chez eux. Ce dernier, un brin excentrique, cherche à aider et faire rire tous les autres membres de la famille. Le père, lui, est un hypnotiseur qui passe ses journées à faire rêver ses clients. Son frère, l'oncle, est un ingénieur du son hanté par une défaite amoureuse et un yakousa couronné d'un étron. Le fils tombe amoureux d'une nouvelle élève arrivant dans son lycée, qui se passionne pour le jeu de go. Enfin, la fillette est victime d'une doppleganger géante qui la suit partout.



Ca ne vous aura pas échappé, le titre de ce film n'est pas sans rappeler l'oeuvre d'un autre très grand observateur de la famille japonaise, Yasujiro Ozu. De lui, on retrouve l'importance du quotidien, le mouvements des rôles familiaux et une belle émotion créée par des petits gestes, des petits riens de la vie de tous les jours. Ishii y ajoute une fantaisie adorable, un monde onirique dément et beaucoup d'humour.

En cela, ce film est véritablement un petit bijou, une petite merveille trop souvent oubliée, une petite pépite pleine de douceur et de malice. 



The taste of tea est un concentré de scènes inoubliables et complètement dingues, un train qui traverse la tête d'un adolescent, la soudaine envie d'un jeune garçon de déféquer dans les bois, un film d'animation taré, un tournesol géant, une chanson chantée à l'eau du bain, une séance familiale d'hypnotisme même pas perturbée par une scène d'anthropophagie, le tabassage d'un dénonceur de femme adultère et surtout, l'enregistrement d'une chanson dont vous ne pourrez jamais plus vous débarrasser et qui, à elle seule, vaut de voir le film tant elle va loin dans le grand n'imp.



Mais c'est aussi un film d'une douceur et d'une sensibilité merveilleuses. On s'attache au parcours de chacun des personnages, aux défis qu'ils se lancent, à leurs rêves et leurs peurs. On a envie de les soutenir dans leurs petites quêtes quotidiennes qui prennent des dimensions vitales, de les voir réussir.

Mais surtout, ce film est une adorable déclaration d'amour à la famille. Comme certains films donnent envie de tomber amoureux, The Taste of tea donne une folle envie de retrouver les siens. Parce que dans les parcours individuels de chacun des membres de la famille, il y a un coup de pouce de la part d'un autre, un encouragement, un sourire, un service rendu en grommelant, mais rendu tout de même, de beaux cahiers de dessin, une tasse de thé. Et ça nous rappelle toujours combien chaque petite victoire ne se gagne rarement seule, et combien on la doit parfois au soutien de nos proches.



dimanche 2 juillet 2017

Le cinéclub de Potzina: juillet 2017: appel à participations


Aujourd'hui, le cinéclub de Potzina revient chez Girlie Cinéphilie et je suis ravie de l'accueillir pour un mois de vacances.

Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook, ou à m'envoyer votre article en commentaire de cet article.

Donc ce mois de juillet, c'est chez bibi et le thème est le suivant: "Bijoux de famille" (mouahaha). Donc ne vous gênez pas, faites comme à la maison, et faites-nous partager sur votre blog vos histoires de famille préférées sur pellicule. Que vous soyez Adams ou Tenenbaum, j'attends avec impatience vos conseils avant le 31 juillet. Prévenez-moi de la publication de votre article ou ci-dessous en commentaire, ou sur ma page facebook, ou sur celle du groupe si vous êtes membres. Venez, n'ayez pas peur, ça restera en famille ;-)

jeudi 29 juin 2017

Ciné-club de Potzina: school of rock


Qu'ils tombent bien ces thèmes de ciné-club! Ils me permettent, tous les mois d'évoquer un peu plus longuement mes films de chevet. Ce mois-ci, Bagarang Daily nous a propose un sujet pour retomber en enfance et en adolescence: "L'école au cinéma"

Je n'avais que l'embarras du choix, tant le sujet sait occuper des genres différents: le teen-movie (de Clueless à 10 bonnes raisons de te larguer, en passant par Supergrave  ou Le Beaux gosses, je suis un peu une fan du genre), le fantastique (Innocence ou The Faculty) , l'épouvante (Disparues, Suspiria, Carry), le film social (La journée de la jupe, La vague), ou même le film d'action à gros bras (le ridicule The Substitute) ou le documentaire (La cour de Babel, Etre ou avoir). Comme beaucoup de meilleurs souvenirs de ma vie, de nombreux beaux souvenirs de cinéma se passent à l'école. Et comme la musique, et notamment le rock y sont également souvent présents, je ne pouvais pas passer à côté du meilleur pré-teen movie scolaire​ de rock, le formidable School of rock (sciemment, je refuse d'utiliser le désolant titre français Rock Academy).

Dewey Finn (Jack Black) est guitariste dans un groupe de rock et c'est toute sa vie. Sauf qu'il se fait virer de son groupe et que c'est justement à ce moment là que son coloc, un prof remplaçant, va en profiter pour lui demander de payer la moitié du loyer. Acculé, humilié, il va se substituer à son substitute de coloc et lui piquer un contrat comme prof de maths. Quand il va découvrir le talent artistique de ses jeunes élèves, il va décider de les utiliser comme musiciens afin de regagner ses galons de rock-star dans un concours.


Clairement, School of rock est placé très haut dans ma liste des films vus, revus et rerevus, et que rien que d'en parler, je me le reverrais bien, là, tout de suite. C'est tout simplement un petit bonheur de film, un sommet de l'entertainment, un vrai feel-rock movie (un feel-rock movie, c'est comme un feel good movie, sauf qu'on en sort en brandissant des cornes avec ses doigts, en faisant l'hélicoptère avec sa chevelure et en hurlant "Oh Yeahhhhhh!).

Comme on s'en doute, School of rock a déjà une qualité indispensable: le rythme, efficace comme un pattern de Dave Grohl. Tout est mené à la double pédale et s'enchaîne à la perfection. les gags, bien évidemment, mais aussi les scènes musicales, et même les scènes émotionnelles (parce que oui, moi je pleure à chaque fois que je vois School of rock). On ne s'ennuie pas une seconde, et on est complètement énergisés.

Ensuite, c'est une très grande comédie. Tout fonctionne. Jack Black, d'abord, qui en fait des caisses mais est pourtant au sommet de son art, même dans ce qu'il peut avoir d'agaçant. Il est tout simplement parfait: bondissant, ridicule, fourbe, étrangement sexy, pleutre, bête de scène, passionné, mentor, hypermobile des sourcils, multi-vocaliste et infiniment rock'n roll. Je voudrais avoir un Jack Black à la maison pour chaque moment où j'ai un coup de blues. Pour le reste, rien a jeter non plus, la trop rare Joan Cusack est formidable en directrice d'école collet-monté. Je parle même pas des gosses qui sont tous d'excellents comédiens. Les dialogues sont des mines de répliques à réutiliser et les situations comiques sont hyper efficace. Le film est hilarant, point.



Enfin, niveau wok-aine-wol, ça envoie de la bûchette. D'abord parce que bon sang, musicalement, ça déchire. La bande-son est géniale de bout en bout et tout film qui utilise avec autant de lyrisme Immigrant song devrait être célébré. Mais surtout, ça joue, comme on dit. Ça joue grave. Le réel talent de Jack Black en tant que chanteur n'est plus à démontre, mais quand on s'attaque aux jeunes membres du groupe, c'est au-delà de tout ce qu'on pouvait espérer. Ces gamins sont des grosses brutasses qui dégomment tout sur leur passage. Ils sont incroyablement bons, à la limite d'être super énervants et de vouloir jeter ses instruments si l'on a de quelconques modestes velléités de faire bouger des têtes. Ils sont proprement monstrueux de talents. Enfin, pour tous les amoureux du genre, School of Rock est gâvé des meilleures références du genre et c'est un plaisir de les dénicher dans les répliques et les images. Ce film parle à des rockeurs comme Star Trek parle à des geeks, et je ne connais pas un amateur de rock et du film qui n'ait pas fait d'arrêt sur le plan suivant pour s'extasier du schéma de Dewey.






dimanche 25 juin 2017

Le petit locataire: sans préavis



Grâce au site Cinétrafic, j'ai pu découvrir en DVD le film de Nadège Loiseau, le Petit locataire, sorti en DVD le 21 mars chez Diaphana

On va pas se le cacher, en matière de comédie, je fais souvent la fine bouche devant la production hexagonale. J'ai tendance à trouver qu'elle a bien du mal à se renouveler, qu'elle ne sait que ressasser depuis des décennies la lutte des classes, ou des sexes, ou des générations comme seul ressort comique, comme si c'était la seule chose qui pouvait marcher (et, malheureusement, au vu des entrées de ce qui se fait dans le genre, les chiffres sont effectivement souvent du côté de la médiocrité). J'ai tendance à me réfugier volontiers vers d'autres clichés, outre atlantique, beaucoup moins distingués, mais beaucoup plus efficaces à mon sens: les grosses dumb comedys, représentées plus ou moins dignement par Will Ferrel, Tina Fey, Ben Stiller, Judd Apatow, Jim Carrey ou Amy Schumer.



Mais parfois, souvent, même, des films viennent me rappeler que ma vision de la comédie, est aussi TRES stéréotypée. Et Le Petit Locataire fait partie de ceux-là.

Le petit locataire en question, c'est l'embryon qui s'invite par surprise chez une femme de quarante neuf ans, Nicole, qui n'est pourtant pas en manque de responsabilités. Elle doit gérer un quotidien pas bien brillant, entre un fils devenu matelot et parti en mer, une fille précoce en ce qui concerne sa maternité, mais pas vraiment pour le reste, une petite-fille au langage fleuri mais au mal-être certain, un mari au chômage complètement découragé, une mère atteinte d'alzheimer à domicile, et un taf pas folichon de caissière de péage pour supporter tout ce petit monde. Alors quand se qu'elle pensait être la ménaupose se révèle être l'annonce d'une naissance à venir, elle ne saute pas de joie en pensant à la baby shower party qu'elle va pouvoir organiser avec ses copines.



Si Le petit locataire est bien une comédie, il reste ancré dans une réalité pas très jouasse, et cette amertume est la bienvenue. J'avoue en avoir franchement marre des comédies françaises qui se moquent des pauvres, parce que les gens qui n'arrivent pas à joindre les 2 bouts, c'est forcément des ploucs vulgaires qui n'ont ce qu'ils méritent. Ben oui quoi, entre la famille Groseille et les Tuche, c'est aussi marrant de rigoler de la grossièreté et la débilité du prolo que de se gausser du cul-serré des bourgeois dans les Visiteurs. Bien heureusement, Nadège Loiseau, qui réalise le film et qui l'a écrit avec Fanny Burdineau et Mazarine Pingeot, cherche avant tout à créer un personnage crédible.

Et avec Nicole, c'est plutôt réussi. Cette femme au bord de la crise de nerf et c débordée par ses responsabilités et ses hormones, on y croit instantanément. C'est en grande partie dû à l'écriture plutôt naturelle des situations et des dialogues, mais il faut dire que Karine Viard, dont je ne goûte pas toutes les interprétations, fait ici un travail plutôt nuancé, qui fonctionne très bien avec celui des autres comédiens, et en particulier celui de Philippe Rebot, qui apporte beaucoup d'émotion à ce père frustré par l'échec. Malheureusement, tous les acteurs ne sont pas à la hauteur, notamment Manon Kneusé, qui joue la fille et mère adolescente, qui échoue à chacune de ses répliques. Il y a là quelque chose qui ne marche vraiment pas, d'abord parce que toutes ses répliques qui veulent "faire jeune" sonnent toutes invariablement faux, et qu'en dehors d'être un personnage pas très aimable, la comédienne ne lui apporte pas vraiment assez d'humanité pour la sauver, chacune de ses apparitions est agaçante. C'est très dommage, surtout dans un film où certains rôles mineurs créent immédiatement de l'empathie: l'infirmier québécois Toussaint (Antoine Bertrand), le collègue du péage Damien (Côme Levin), la coach de gymnastique Jackie (Nadège Beausson-Diagne).


Il y a donc bien un mélange plutôt équilibré ici entre drame social et comédie familiale. Et dans un cas, comme dans l'autre, on ne pousse pas trop vers le caricatural, et on sait atteindre l'émotion dans les petites choses. Il y a tout de même les scènes qui sont là pour susciter l'émotion, les déclarations impromptues, la mort et la vie qui cohabite, les prises de conscience soudaine. Mais c'est dans les scènes les plus quotidiennes que le film fonctionne le mieux. Dans la tragi-comédie d'un remplacement oublié, dans la sexualité matrimoniale contrariée, les repas où l'on rumine...



En dehors du scénario de comédie douce-amère, j'ai aussi apprécié l'aspect esthétique du film. Ben oui, c'est tellement rare dans la comédie, notamment française que quand ça arrive, ça a le mérite d'être souligné. Ici, épaulée par Julien Roux à la photographie, Nadège Loiseau apporte de la couleur à une situation qui pourrait parfois être tout simplement sinistre. Tout comme elle injecte dans une histoire anxiogène beaucoup d'amour et d'humour, elle éclaire un quotidien somme toute assez grisâtre par des touches de pastel, plus ou moins intense (souvent du bleu et du rose, d'ailleurs). Elle crée ainsi une véritable respiration, offre un espace au rêve et à l'optimisme. Et quand les temps sont durs, et ils le sont souvent, cela fait toujours du bien de voir des bulles colorées s'élever.



http://www.cinetrafic.fr/top-film-braquage
http://www.cinetrafic.fr/top-film-de-combat

dimanche 18 juin 2017

Beau séjour: Twin pils


Grâce au site cinétrafic, j'ai pu découvrir en blu-ray la série belge Beau séjour, une série audacieuse entre polar rural et fable fantastique, qui sonde les tréfonds de l'âme humaine d'une petite communauté flamande dans un village bordant la Meuse, à la frontière avec les Pays-Bas. Ce Blu-ray, édité par Arte (qui a aussi sa page facebook)

Kato, une adolescente, se réveille à l'aube dans une chambre de l'hôtel Beau séjour, en sang. Elle ne va pas tarder à se rendre compte de sa difficulté à communiquer avec les personnes qu'elle va appeler à l'aide. et pour cause, Kato est morte cette nuit là. Elle va devoir alors répondre aux questions qui restent en suspens et l'empêche de reposer en paix: Que s'est-il durant cette nuit? Qui est son meurtrier? Pourquoi certaines personnes parviennent à la voir, et pas d'autres?


La première chose qui m'a happée dans Beau séjour, c'est son ambiance, une ambiance très singulière, qui se crée à partir de nombreux éléments qui s'assemblent de manière étrange et pourtant tout à fait cohérente. On sent des influences sériphiles aussi variées que de qualité. Par exemple, la série ne cache pas son admiration pour Twin Peaks: on y retrouve la tragédie de la jeunesse sacrifiée, les secrets inavouables cachés au sein de chaque foyer d'une bourgade en apparence paisible, les fulgurances comiques au milieu de la noirceur la plus diabolique... Jusqu'à des citations à peine voilées: un corps de jeune noyée sous un film plastique, la confidente/rivale et le beau motard, l'inspecteur (inspectrice ici) tirée à 4 épingles qui débarque dans un commissariat de province où, si l'on ne sert pas une tonne de donuts le matin, on apporte toujours une tarte fait maison. Mais on pourrait aussi citer, pèle-mèle, des mises en scène de crimes à la True Detective, la tension qui monte dans une petite communauté, dans laquelle pèse l'ombre de la pédophilie, comme dans Broadchurch, le tout dans un cadre résolument belge, où la pesanteur de la vie rurale s'alourdit par un horizon invariablement grisâtre, et où le traumatisme des affaires Dutroux continuent de hanter la morne plaine.

Visuellement, c'est très fort, et ce dès les premières images, à l'aube d'un glauque (la couleur, comme l'esprit) uniforme. Toute la série, par la suite, semblera se poursuivre dans cette atmosphère entre chien et loup, dans cette brume toujours plombante, où tous les chats, comme les humains, sont gris et où la seule touche de couleur, flamboyante, vibrante et bien plus vivante que cette ville terrassée par la dépression, c'est le jaune du sweat-jaune et de la moto du joli fantôme, Kato.



Kato, c'est d'ailleurs la plus belle trouvaille de cette série orchestrée par deux femmes, Nathalie Basteyns et Kaat Beels qui ont créé là un magnifique personnage de spectre sacrément incarné. Interprétée par la jeune et très charismatique Lynn Van Royen, Kato redéfini l'image du fantôme. On s'éloigne ici de la présence éthérée qu'on a l'habitude de voir. Kato vit, peut être plus encore que n'importe quel autre personnage et possède une véritable corporalité: elle dort, elle boit, elle conduit sa moto à toute blinde, elle peut étreindre mais aussi prendre des coups. Plus proche de fantômette que de Laura Palmer, elle déterre tous les vieux secrets croupissant sous les champs de céréales et les terrains de motocross, elle pousse une ville où, à l'image de l'hôtel Beau Séjour au charme suranné, le temps semble s'être arrêté, à s'éveiller d'un long sommeil cauchemardesque.


Le scénario a, à mon goût, un peu trop de tiroirs. Chaque épisode a son cliffhanger, c'est souvent très bien foutu, parfois complètement estomaquant, mais un peu trop systématique. Mais ça fonctionne complètement. On se laisse empêtrer dans les ficelles de l'intrigue qui fait ce qu'elle veut de nous (J'avais trouvé le tueur dès le début, mais on a réussit à m'en détourner complètement en cours de route, jusqu'à ce que je ne sois plus sûre de rien, et je trouve ça assez fort) et on dévore tout en un rien de temps, malgré l'atmosphère pesante de la série, qui m'a un peu désagréablement imprégnée pendant quelques jours, la meilleure preuve de son efficacité.

Sinon, dan un registre complètement différent, sachez que les teens movies à découvrir sont par ici sur Cinetraficet que vous pourrez aussi y trouver une liste de films palpitants se déroulant au Moyen-Age, 



mercredi 31 mai 2017

Le cinéclub de Potzina: Couples mythiques: confidences sur l'oreiller




J'ai longtemps cru que je n'aimais pas les comédies romantiques. Ado, quand mes copines s'enthousiasmait pour une énième vision de Pretty woman, la Boum ou Dirty dancing, je ne pouvais cacher un baillement d'ennui.
Pour moi, à l'exception de Quand Harry rencontre Sally, la comédie romantique se résumait à des bluettes aux personnages caricaturaux, aux intrigues délavées et à la mise en scène super plan-plan. Mais surtout, si le romantisme m'apparaissait clairement, je cherchais en vain ce qui en faisait de réelles comédies.
Bien heureusement, j'ai vite découvert que c'était un genre bien plus large et varié que cela. J'ai vu que l'on pouvait faire rimer humour anglais et romantisme avec 4 mariages et un enterrement, Judd Apatow m'a prouvé qu'on pouvait faire de la grosse romcom, je suis tombée sur quelques pépites so frenchies. Mais surtout, surtout, je me suis plongée avec délices dans la grande comédie romantique hollywoodienne.
Parce qu'on l'oublie parfois, mais la comédie romantique a des racines profondes. Et de toute l'oeuvre de Billy Wilder en passant par La blonde et moi, l'impossible M. Bébé ou La Dame du vendredi, tous les ingrédients de la bonne romcom sont là: un humour décapant, une observation sociale qui fait mouche, des personnages qu'on prend pour des archétypes mais qui savent s'en affranchir, une chouette happy end, du rythme et des tonnes de bonne humeur.

Et pour moi, il y a un couple emblématique de la romcom hollywoodienne, qui en représente toute la malice et la complicité: Doris Day et Rock Hudson.
Les deux acteurs n'ont, on le sait bien, jamais eu d'idylle, mais il y avait entre eux une indéfectible amitié (qui a duré jusqu'à la mort tragique d'Hudson du Sida en 1985) , ce qui en fait le couple de cinéma le plus sympathique et le plus assorti que j'ai jamais pu voir. D'un côté, le beau Rock joue parfaitement les séducteurs nonchalants au sourire ravageur. De l'autre, Doris à la voix d'or en femme moderne, souvent bien plus obsédée par son métier que par des perspectives amoureuses, multiplie les moues outrées à chaque muflerie de son acolyte.

Et s'il fallait choisir un film réunissant les deux stars, je choisirais sans hésiter Confidences sur l'oreiller, de Michael Gordon. Je ne suis d'ailleurs pas la seule. De l'aveu même de Rock Hudson, c'est le film dans lequel il s'était le plus amusé. Et lorsqu'on le regarde, ce plaisir est une véritable évidence et on sent que ces fameuses confidences se transformaient souvent en "fous-rires sur l'oreiller".


Tout commence comme une parfaite comédie de situation. Jan Marrow, une décoratrice d'intérieur workaholic, doit partager sa ligne téléphonique avec le playboy de ces dames, Brad Allen. Et ça l'énerve un peu que sa ligne soit sans cesse squattée par un joli-coeur qui drague 15 filles en même temps quand elle attend un coup de fil important. Et oui, imagine-toi en entretien skype pour le job de ta vie. Ça te ferait moyen rire de le rater parce que ton voisin utilise ta wifi pour mettre en surchauffe les serveurs de Meetic? Du coup, quand Jan porte plainte contre le gêneur, ce dernier décide de se venger de cette mégère frigide et rabat-joie en utilisant son arme favorite: ses belles dents blanches, un bagout d'enfer et une fausse identité de riche Texan en visite à New-York.

Tout d'abord, ce film est un délice à regarder parce qu'il est très drôle, plein d'énergie, irrévérencieux et d'une belle malice. On rit très souvent, on sourit tout le temps; C'est en partie grâce à une écriture comique très efficace, qui ne laisse place à aucun temps mort ni à aucune mièvrerie, et qui balance des gags et des punchlines à la mitraillette.



Visuellement, ça tient carrément la route et osons le dire,c'est beau. Un technicolor qui met superbement en valeur les tenues très pop de Doris Day et ses décos disons, les plus originales. Du cinémascope pour les amateurs de grand-angle. Et des scènes de split-screen mémorables, de vrais bijoux de réalisation.


Mais surtout, comme je l'ai laissé entendre auparavant, Pillow Talk fonctionne grâce à la complicité magiques entre ses deux protagonistes. Doris Day joue délicieusement de son côté pète-sec, est adorablement drôle dans chacune de ses moues et nous fait le plaisir de pousser la chansonnette (j'y peux rien, depuis L'homme qui en savait trop, la voix de Doris Day m'émeut terriblement).Rock Hudson est un charmant malotru, aussi séduisant que tête à claques. Et tous les deux, il sont beaux, ils sont hilarants et ils s'éclatent indéniablement. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est communicatif.


Ce mois de mai, c'est le blog Cinéma d'hier et d'aujourd'hui qui héberge le Cinéclub de Potzina. merci à elle d'avoir choisi ce fabuleux thème: couples mythiques.Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook.

jeudi 25 mai 2017

Thunes Hell: Tunnel, de Jee-Woon Kim

Avant de commencer, je vous dois juste un petit mot parce que ma production blogguistique a sévèrement freiné ces derniers temps. Je dois bien l'avouer, j'ai beaucoup moins de temps à consacrer à ce blog et malheureusement, à la lecture des autres blogs aussi et je dois me rendre à l'évidence: ma présence sur la toile va se faire encore plus discrète qu'auparavant. Face à ce problème de temps je me trouvais face à trois solutions:
1. Arrêter. J'avoue que l'idée m'a quand même plutôt attirée, parce que je fais partie de ces gens qui envoie valdinguer facilement les choses qui commencent à devenir pénibles. Et il est vrai que me mettre à mon ordi ces derniers temps pour écrire, alors que j'avais pas mal d'autres choses sur le feu m'a plutôt semblé une corvée. Mais je ne suis jamais à l'abri d'un coup de coeur que j'aurais envie de partager, et me retrouver sans cette possibilité me semblait un peu frustrante. Donc pour l'instant, je ne jette pas encore l'éponge, mais je me garde toujours une porte de sortie pour le jour où j'aurai envie de tirer ma révérence.
2. Faire des articles plus courts. Je sais, c'est à la fois ma qualité et mon défaut: je ne sais pas faire court, léger, casual. J'ai besoin de tartiner, d'aller fouiller, d'explorer. Donc ça, c'était sûr, je ne pouvais pas m'y soustraire. Je préfère passer 4 à 5 heures sur un papier une fois tous les 2 mois que 15 minutes toutes les semaines. Je n'y prendrais même pas de plaisir. Donc expédier un film en 3 paragraphes, c'est pas Girlie Cinéphilie, et je veux surtout pas que ça le devienne.
3. Revoir mes priorités. Pourquoi ce blog? Qu'est-ce que ce je veux partager? Qu'est-ce que ça m'apporte? Moins de temps libre, ça veut dire moins de temps pour voir des films et aussi moins de temps pour écrire dessus. Ma résolution est donc la suivante: je vais devoir me concentrer sur ce qui me fait vraiment de l'effet. Je n'écrirais plus d'articles sur des films qui m'intéressent moyennement, je n'écrirais plus sur ce qui me fait dire "Meh", je n'écrirais plus quand je n'aurais plus d'angle d'attaque sur un film, ou que, tout simplement, le film ne m'inspirera pas. Tout comme je vais devoir mieux choisir les films que je vais aller voir, je ne vais plus écrire qu'au coup de coeur, au coup de gueule ou au coup de latte. Ce qui veut dire moins de billets, moins de films, moins de présence, mais un plaisir à peu près intact (pour moi en tous cas).



Donc voilà, aujourd'hui, c'est coup de coeur pour un film coréen de Kim Seong-Hoon qui est à la frontière entre le film catastrophe, le mélo et le thriller politique: Tunnel.
Le pitch de Tunnel est on ne peut plus simple, et expédié dès les premières minutes du film. Alors qu'il rentre chez lui après une journée de travail et qu'il s'apprête à fêter l'anniversaire de sa petite fille avec un beau gâteau, Ha Jeong Hoo, commercial automobile se retrouve coincé sous un tunnel qui s'effondre sur lui. Il va devoir survivre en attendant les secours.

Alors, déjà, nous sommes bien dans un film coréen. Pour moi, ce qui fait la force de ce cinéma aujourd'hui, c'est qu'il est le seul (avec peut-être le cinéma indien, mais de manière complètement différente et parfois avec des résultats moins digestes) à réussir un mélange des genres détonnant et pourtant extraordinairement équilibré. Si je me réfère aux films coréens vus l'an dernier, c'est édifiant:
_ The Strangers, un film d'horreur métaphysique avec des scènes de comédie qui parvient à filer la grosse chocotte tout en interrogeant notre idée du mal et en déclenchant d'inquiétants éclats de rire,
- The man on high heels, un film noir transgenre et mélancolique, où des scènes de gunfight côtoient des scènes de mélo adolescents, de l'ultra-violence et de la transformation pretty womanesque,
- Dernier train pour Busan, un film de zombies mélodramatique et politique, un chef d'oeuvre de suspens et d'émotion.
Difficile de trouver d'autres cinématographies qui, à l'heure actuelle, peuvent se targuer d'aligner ainsi des films aussi originaux (pour ne pas dire chtarbés) qu'efficaces et étonnamment cohérents.



Tunnel ne déroge pas à cette règle du mélange des genres décapants. On est dans un film catastrophe, un survival horrifique, un mélo tragique et un brûlot politique tout à la fois. Et surtout, tout ça fonctionne à merveille et s'équilibre formidablement.

D'un côté, le film catastrophe fonctionne hyper bien. C'est même à mon avis un modèle d'écriture. Tout démarre très rapidement. En moins de cinq minutes, on entre dans l'horreur de la catastrophe: le héros s'engouffre dans le tunnel, on entends quelques craquements menaçants et boum, dans une séquence incroyablement efficace, le tunnel et tout ce qu'il y a dessus s'écroule sur lui. Voilà, tout est posé et on se demande bien comment on va réussir à développer tout un film sur un mec coincé dans une bagnole, avec deux petites bouteilles d'eau, un gâteau d'anniversaire et un téléphone, et qui n'a pas d'autres choix qu'attendre qu'on vienne le sortir de là.



Pour moi, le scénario de Tunnel est la parfaite illustration que l'inventivité s'épanouit superbement dans la contrainte. Quand on a une liberté totale, il est facile de se disperser et de vouloir partir sur plusieurs fils narratifs en même temps sans jamais tous les mener à bien (je ne vous rappellerai pas mes déconvenues avec, par exemple, Captain Fantastic). Mais quand on a l'audace de partir sur un horizon déjà bouché, des contraintes physiques importantes et coincer ses personnages, disons, dans un train ou un tunnel, il ne vous reste plus qu'une chose à faire: exploiter votre filon à fond. Et c'est là qu'on trouve de véritables pépites de créativité. 
Ici, tout comme pour son héros, le scénario s'amuse à sans cesse bloquer les issues, et à mener le spectateur à se ronger les cuticules en se demandant bien comment on va pouvoir nous sortir de cette impasse. Sans cesse, on pousse le bouchon un peu plus loin, et on augmente les conflits, alors qu'on croyait qu'on avait déjà mis l'ampli sur 11. C'est incroyablement prenant et ça joue avec vos émotions comme aux osselets (et je parle même pas de l'effet que ça peut faire à des gens, qui comme moi, ont des petits problèmes de claustrophobie et se croient dans The Descent  dès qu'ils n'arrivent pas à débloquer le loquet des toilettes du premier coup).



En ce qui concerne les émotions, d'ailleurs, la manière dont le mélo s'inscrit dans l'action est une nouvelle fois désarmante. Autour de Jung-Su, nous suivons le parcours deux autres personnages importants, dont les conflits ne semblent pas plus simples que le héros qui lutte pourtant pour sa survie. D'un côté il y a le chef de l'équipe de sauveteur, Dae Kyoung, qui doit imposer des travaux de grandes envergures pour sauver la vie d'un homme qui n'est pas assurée, se battre contre une bureaucratie plus intéressée par l'appât du gain et des média, mais aussi payer de sa personne. De l'autre, la femme de Jung-Su, Se-Hyun, qui doit affronter sa peur, le lourd regard d'une nation et les interrogations de sa fillette. Il y a dans les choix de chaque personnages des dilemmes à dimension véritablement tragique, et je dois bien avouer que j'ai dû échapper, çà et là, quelques larmes.

Enfin, mine de rien, Tunnel est une sacré charge politique. Tout le monde en prend pour son grade. Le sensationnalisme des média, qui n'est pas sans rappeler le mythique Gouffre aux chimères de Billy Wilder (si vous ne l'avez pas vu, foncez, c'est un chef d'oeuvre trop souvent oublié du maître du cinéma hollywoodien). Il y a quelque chose de révoltant dans l'intrusion des journalistes qui n'hésitent pas à mettre en jeu la vie du captifs pour quelques minutes d'audimat, et à s'en désintéresser lorsque l'histoire a assez duré. 



L'opportunisme politique: Madame le premier ministre, qui ne se déplace que quand les caméras sont là, qui balance des gros discours larmoyants, agit dans l'ombre contre l'opération de sauvetage trop coûteuse et vient récolter les lauriers à chaque avancée significative, c'est un personnage qu'il fallait oser, notamment dans un pays où on exige régulièrement une certaine déférence à l'Etat.
Mais surtout, comme on l'avait déjà vu avec Dernier train pour Busan, avec lequel Tunnel partage décidément de nombreux points communs, le grand méchant du film, c'est l'appât du gain. Ce sont les grosses entreprises de bâtiment et les pouvoirs publics qui radinent sur la sécurité, qui enlèvent un ventilo par ci, un boulon par là, une structure dans le coin, parce que bon, ça se verra pas. C'est les mecs qui crèvent à cause de machines merdiques mais dont on imputera la mort au projet sur lequel ils travaillent plutôt qu'aux fonds qu'on a décidé de leur allouer. C'est un autre tunnel tout aussi pourri qu'il faut absolument mettre en chantier, parce que le temps, c'est de l'argent, et que la vie d'un mec qui est peut être déjà un cadavre importe moins que des gros sous qui ne tombent pas dans les escarcelles. Ce tunnel, c'est bien le thunes hell. Mais la réponse finale du film, si elle ne nous avance pas à grand chose, reste d'une force libératrice intense et formidablement irrévérencieuse. Un joli doigt levé contre les horizons bouchés.