mardi 3 juin 2014

Maps to the stars: Cronenberg a-t-il perdu son chemin?


Il m'a fallu un certain temps pour digérer ce film et vous en dire quelque chose. En effet, cela fait plus d'une semaine que je l'ai vu et je me suis bien trituré la tête pour savoir ce que j'allais dire ici, je me suis même demandé si j'allais simplement en parler, puisque, finalement, en sortant, la seule véritable pensée qu'il m'a évoqué a été "Mouaif!". Et si je n'ai aucun problème à exprimer mon enthousiasme ou ma colère envers une oeuvre cinématographique, il m'est très difficile d'exprimer ma tiédeur (avouez, "bof" n'est pas l'expression la plus palpitante de la langue française...)

Mais bon voilà, parce que justement c'est rare qu'un film de Cronenberg ne provoque rien chez moi, il fallait donc au moins que je vous en dise deux mots.

Maps to the stars nous raconte donc le parcours croisé de plusieurs personnes à Hollywood: une actrice célèbre, Havana Segrand (Julianne Moore), fille d'une actrice non moins célèbre qui l'a abusée étant enfant, son thérapeuthe roi du best-seller du développement personnel, Stafford Weiss(John Cusack), père d'un jeune acteur de comédie Benjie (Evan Bird), qui à 13 ans sort d'une cure de désintoxication, un jeune conducteur de limousine aux dents longues (Robert Pattinson) et une jeune femme défigurée par un incendie qui va débarquer dans la ville du paraître (Mia Wasikowska).

Alors au début, on se dit que Cronenberg n'a rien perdu de son mordant, et qu'il tourne en belle farce grand-
guignolesque (au sens horrifique du terme) le petit monde autocentré d'Hollywood. Ça dynamite le mythe hollywoodien à tout va: inceste (féminin, qui plus est), drogue, sexe, médocs, hallucinations, tendances psychotiques et même constipation! Les personnages sont parfaitement insupportables, Julianne Moore en tête, et égocentriques, et excessifs. Alors au début, ça a un côté assez rigolo, mais on sait qu'avec Cronenberg, le rire vire souvent à l'effroi. Et oui, tout se dégrade, tout fout le camp, et tout se termine pas bien (je suis gentille, je vous dis pas comment).

En soi, pourquoi pas. Sauf qu'à force de vouloir forcer le trait et démonter de toutes pièces le mythe hollywoodien, Cronenberg ne fait qu'en (re)créer un autre: celui des dessous cradingues d'Hollywood, celui des journaux à scandales que nous ont fait connaître Kenneth Anger avec son Hollywood Babylon ou James Ellroy, ce mythe du Hollywood où l'argent réalise tous les désirs, donc crée l'ennui et la dépression, et pousse aux excès et surtout au crime. Un monde où, parce que l'on a tout, il n'y a plus rien à atteindre si ce n'est la mort. Finalement, rien de neuf sous le soleil californien, une messe dite et redite...

Et qu'y apporte Cronenberg? Finalement, pas grand chose. J'étais une des rares à défendre Cosmopolis, qui était un film très bavard mais qui l'était pour une raison: montrer que la vie des yuppies n'étaient finalement faite que de discours, de prospectives creuses qui n'avaient rien à voir avec la réalité, et que le passage à l'acte, quel qu'il soit était pour le personnage principal la seule manière de tâter du réel. Et pour moi, le personnage qu'y incarnait Pattinson avait une véritable profondeur. Ici, il se passe peut être plus de choses, mais aucun acte, si vil, violent, ou désespéré soit-il, ne semble avoir de sens, ou d'importance. Les personnages sont vides, creux et n'existent que par leurs traumatismes. Malheureusement, n'ayant aucun point d'accroche avec eux, on ne parvient même pas à les plaindre, on les regarde s'auto-détruire avec indifférence et Hollywood peut bien brûler, que nous importe!

Et c'est donc là que le film de Cronenberg nous perd, en tant que spectateurs, insensibles à la douleur de ces gens si loin de nous. Mais dans un coin de ma tête, il y a toujours une petite voix pour me murmurer que quand même, c'est Cronenberg, il ne fait sûrement pas tout cela pour rien. Et c'est là que le film, ou plutôt son propos devient véritablement terrifiant: si cela se retournait contre nous afin de nous montrer combien nous sommes indifférents à cette souffrance, combien on peut apprécier être voyeurs de la déchéance et finalement considérer que tout cela n'a pas d'importance. Ou que finalement, tout ça n'a vraiment aucune importance. Pire qu'un message, une absence de message, et j'aime aussi peu le nihilisme que Walter Sobchak...


4 commentaires:

  1. c'est LE film qui est sur ma liste d'envie ciné depuis plus de 2 semaines ... et à chaque fois avec Cronenberg je suis étonnée (soit dans le bon, soit dans le mauvais sens). Donc comme toi sûrement j'airais du mal à avoir une opinion instinctive du film ;)

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  2. Aie, le haussement d'épaule, ça tue un film! ;)

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  3. tout à fait d'accord avec cette analyse!

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    1. Chouette, je croyais être la seule à n'avoir ni aimé, ni détesté le film!

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