Ce week-end, grâce au festival d'un magazine bien connu, j'en ai profité pour voir deux films que j'avais raté cette année. Petite séance de rattrapage, donc, pour le meilleur et pour le pire. On termine aujourd'hui avec le meilleur.
Dans la cour, Pierre Salvadori
Pierre Salvadori ne sort pas souvent de films. mais à chaque fois, même pour ses films les plus faibles (Hors de prix), on retrouve chez lui la patte de l'auteur de comédie. Parce que oui, s'il y a un truc pour lequel je pense que nous sommes plutôt bons en France, c'est ce que j'appellerai la comédie d'auteur. Je citerai, parmi ces derniers, le duo Jaoui-Bacri, l'autre duo Leclerc-Kasmi (le Nom des gens), les inévitables Podalydes (Denis et Bruno), les outsiders Délépine-Kervern (tiens donc!) ou récemment, Vincent Mariette (Tristesse Club). Leur but? Nous faire rire sans nous prendre pour des idiots, avec de beaux personnages et sans craindre l'émotion ou l'ambition cinématographique. Bref, la comédie française comme je l'aime.
Ben, Salvadori, pour moi, c'est un peu l'orfèvre du genre. Depuis son premier Cible émouvante, j'essaie de suivre sa carrière avec intérêt parce que pour moi, même quand c'est un peu râté, y'a toujours chez lui des personnages formidables, toujours bien interprétés, des dialogues ciselés et mordants, et plein d'émotions, jamais factices. Je reste, par exemple, une fan absolue du film Les Apprentis, avec le parfait tandem Cluzet-Depardieu (Guillaume), une belle histoire de losers magnifiques.
Et bien, cette fois encore, Salvadori a frappé. Dans la cour est une réussite qui, pour moi, est totale.
L'histoire, c'est celle d'Antoine, un musicien. Il fait une sorte de burn-out, et largue tout, du jour au lendemain. Il réussit, presque sur un malentendu, à se faire embaucher comme gardien d'immeuble. Une tanière, une planque s'offre à lui, mais c'est sans compter les rencontres: celle de Lev, le vigile squatteur adepte d'une secte, celle de M. Maillard, architecte procédurier et légèrement parano, celle de Stéphane, ancien Footballeur pro reconverti dans le recel et la vente de vélos et d'autres marchandises plus ou moins licites et surtout, celle de Mathilde, une retraitée borderline qui voit le monde s'écrouler autour d'elle.
Dit comme ça, on a l'impression d'être face à une galerie de portraits ahurissants, mais là où Salvadori réussit un tour de force, c'est qu'on y croit. Tout le long. D'abord parce qu'il a une véritable affection pour tous ses personnages, jusqu'au moins important. Cela se sent, ils débordent tous d'humanité, et on a l'impression de les connaître, de les croiser tous les jours, d'être peut-être l'un d'entre eux.
Sans compter sur les acteurs de génie qui les interprètent. Ici, Gustave Kervern est tout simplement formidable. Il traîne sa dégaine mélancolique et sa fantaisie lunaire au long du film, faisant preuve d'une gentillesse extraordinaire, et est toujours parfaitement juste. Je ne l'aurai jamais imaginé avant, mais en ancien rockeur déprimé, il est complètement crédible. Il est également d'un charme fou lorsqu'on le voit essayer de sortir Mathilde de sa réclusion, et on souffre avec lui de son impossibilité à se rendre au monde. C'est un magnifique homme brisé, un ours pataud au cœur tendre, aux aspirations à la vie déçues.
Et puis bon, y'a Deneuve, quoi. Tout est dit. Cette femme pourrait lire le bottin que ça en serait passionnant. Alors, si en plus on lui donne un personnage d'une profondeur incroyable, d'une détresse désarmante et des répliques qui tuent....
Et puis y'a un truc entre Salvadori et ses acteurs, il arrive toujours à tirer d'eux ce truc à la fois drôle et angoissant, toujours bouleversant, et il sait les choisir pour ça. On se souvient que ces acteurs fétiches ont longtemps été les regrettés Marie Trintignant et Guillaume Depardieu, des clowns aux fêlures profondes, et on comprend pourquoi ici, la tristesse n'est jamais loin du rire.
Parce que le rire, il est définitivement là: voir Catherine Deneuve balancer une poire par la fenêtre d'un réflexe énervé, c'est savoureux. Voir Kervern et Marmai devoir se débrouiller pour reconstruire une maquette détruite, c'est réjouissant. Mais derrière tout cela, il y a une véritable détresse et c'est celle-ci qui justifie tous ces moments bidonnants, qui deviennent alors indispensables.
Et là, je me suis pas cachée: j'ai ri, j'ai pleuré, j'ai pleuré et j'ai ri en même temps, sans avoir l'impression une seconde qu'on venait me tirer tout ça de force. Parce qu'en plus Salvadori est un des ces réalisateurs discrets et délicats, qui ne vous oblige à rien, mais qui sait, tout simplement, vous raconter une belle histoire. Il nous émeut, non pas parce qu'il en fait des tonnes (suivez mon regard...), mais justement parce qu'il fait simple, parce qu'il fait vrai, et qu'il touche, avec modestie, à ce qu'il y a de plus humain.
Un gros, gros coup de cœur pour ce film donc, qui réussit à parler de dépression, le fameux Gros Mot, avec une douceur grave, une lucidité joyeuse pour devenir finalement, un Hymne à la vie poignant.
Attends là, t'as dis Marmai? ( Appelez un exorciste la midinette reviens en force!).
RépondreSupprimerSérieusement, outre la présence de Pio ( que j'aime d'amour malgré son dernier film), ton article m'a convaincue (encore) de mettre ce film sur ma liste. Je l'avais repéré à l'époque et puis il était passé à la trappe pour je ne sais plus quelle raison.
Et là pan! J'en ai une bonne pour le repêcher.
Il a du bon ce festival de ce magazine bien connu...
Ouais bon, là, Pio Marmai, il est quand même en petite forme hein, (pas au niveau jeu, plutôt au niveau bogossitude, sinon, il est tordant). Moi aussi, la bande annonce m'avait plu, mais j'étais passé à coté. Je suis bien contente de l'avoir rattrapé!
SupprimerTiens tu veux pas de faire de pub à télérama, toi? moi je me gêne pas pour le faire, faut dire que je suis biberonné à cette revue depuis que je sais lire je crois donc forcément...bon par contre ce festival je le fais jamais faut dire qu'en général je vois les films que j'ai envie de voir dès sa sortie, j'ai rarement besoin de rattraper ou alors je le fais en DVD...
RépondreSupprimerDans la cour, pour moi sera lié à une enguelade avec ma copine on l'avait vu en avant première et elle avait detesté et moi beaucoup aimé et on se faisait un peu la tronche car elle en avait eu marre que j'essaie de la convaincre que le film était bien mieux que ce qu'elle en avait tiré... elle avait trouvé les personnages vraiment mous, pas attachants et sympathiques et aucune alchimie entre Deneuve et Kerven. et que le scénario manque de rebondissements..personnellement le film est justement interessant par ces personnages depressifs et peu habituels dans la comédie française et que ce microcosme d'un quartier est vraiment bien vu ...après c'est vrai que quelques mois après l'avoir vu il ne m'en reste plus grand chose, il manque un peu de scènes fortes ( bon Deneuve lance une poire par la fenetre certes :o) pour imprimer considérablement la rétine :o) beau billet en tout cas et bonne journée à toi!!
C'est pas tellement que je veux pas leur faire de pub, c'est surtout que pour être assez franche, j'achète pratiquement la revue que pour le festival, donc c'est difficile pour moi de la juger (j'avoue que n'ayant pas la télé, j'en n'ai pas beaucoup l'utilité) J'y aime bien les critiques ciné, mais je lis pratiquement que ça... Dans la cour, je l'ai vue avec une amie et on a toute les deux été complètement emballées. Je l'aurai vu plus tôt, il aurait sûrement été dans mon top 10 2014, sans aucun doute.
SupprimerAprès, pour la sensation durable, je l'ai vu il y a plus d'une semaine mais il me hante. Je crois que je me suis vraiment attachée aux personnages...
J'ai un petit faible pour le film "Hors de prix", je le regarde souvent.
RépondreSupprimerça fait plusieurs Salvadori que je manque malheureusement.
Personnellement, je trouve Hors de prix un peu raté, mais je garde quand même une certaine tendresse pour lui. En tous cas, Dans la cour est vraiment très touchant, je te le conseille...
SupprimerJ'ai beaucoup aimé ce film; il confirme ce que je pense depuis quelque temps: Catherine Deneuve est encore meilleure dans des rôles matures.
RépondreSupprimerEt Hors de prix était effectivement totalement raté; pour moi, c'était du Lubitsch, mais sans le talent de Lubitsch et sans Lubitsch: donc ça ne marche pas.
RépondreSupprimerJe pense surtout que Catherine Deneuve ose se lâcher un peu plus depuis quelques années et n'hésite pas à se mettre en danger. Ici, je l'ai adorée. et c'est vrai qu'Hors de prix était un vrai ratage, mais j'en garde tout de même une certaine tendresse
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