lundi 23 mars 2015

Les hallucinations collectives, ma dose annuelle

Bientôt Pâques. Et moi, quand arrive Pâques, je me sens tout chose. Ca n'a pas seulement à voir avec le meilleur antidépresseur du monde (tu m'as compris: noir ou au lait, en tablette, en cocotte, en œuf ou en lapin...), ça a aussi à voir avec le psychotrope le plus légal et le plus puissant qu'on peut trouver à Lyon, pour peu qu'on aime le cinéma de genre: le festival des Hallucinations collectives.

Si tu me suis un petit peu, tu sais que l'an dernier, j'y ai bien trippé et que j'y ai surtout découvert ce qui est devenu mon film favori de 2014, l'overfun Goal of the Dead. Alors là, oui, je trépigne d'impatience, d'autant plus que le programme de cette année, sur le thème d'une nouvelle humanité, est alléchant comme un dessert de finale de Top Chef. On debriefe ça tout de suite...

Avant, un petit rappel sur les Hallucinations Collectives. C'est le festival du film barré, le festival du film de genre, le festival du film zarbi, le festival du film qui tache, le festival des séries A à Z, le festival de tous ceux qui aiment l'horreur, le fantastique, le kung fu, l'érotique, le qui gratte et qui pique... Tous les ans, c'est une tuerie, une ambiance de dingue, des découvertes incroyables. Parce que les films qu'on y voit ne bénéficient pas toujours d'une diffusion aux petits oignons, et que c'est simplement un privilège de pouvoir ainsi y accéder...

Voilà donc un petit florilège de ce qui m'a fait bavé dans la programmation (je vous invite à la regarder en entier, ceci dit):

L'Ile du Docteur Moreau, Earl C. Kenton:
Le grand classique du film d'horreur avec l'immense Charles Laughton, grand acteur britannique et réalisateur de son unique film, mais chef d'Œuvre intemporel La nuit du chasseur.
J'avais envie de voir ce film complètement déjanté sur grand écran. L'histoire, vous la connaissez sûrement, c'est celle d'un savant fou qui habite une île peuplée de créatures étranges et hybrides de sa propre invention, son propre petit véritable freak show. Ah oui, et à la base, c'est tiré de H.G. Wells.
Au générique, on retrouve aussi Bela Lugosi et la femme panthère... Si c'est pas du générique qui fait rêver...



Spring, Justin Benson et Aaron Moorhead:

A la bande annonce, j'ai craqué sur la magnifique photographie de ce film fantastique et d'épouvante. Une histoire d'amour entre un jeune touriste américain et une Italienne qui semble cacher un secret bien troublant.
Ajoutons que Variety a choisi les deux réalisateurs Justin Benson et Aaron Moorhead, dans la liste des 10 réalisateur à surveiller de près.
Les acteurs sont beaux, le décor somptueux, l'image a l'air impeccable. Je veux le voir!



Shrew's Nest, Juanfer Andres et Estéban Roel

Dans les années 50, sous le Franquisme, une agoraphobe n'a pour contact avec le monde extérieur que sa sœur, jusqu'au jour où un voisin blessé y pénètre...
Shrew's nest, ça signifie le nid de la musaraigne. Vous savez, cette sorte de petite souris qui a l'air toute mignonne, mais qui cache des dents acérés, voire un venin paralysant...
Le titre m'attire donc déjà, ainsi que cette manière de parler d'une période difficile en Espagne. On a d'ailleurs déjà vu que le Franquisme et le cinéma fantastique, ça pouvait faire très bon ménage (Le Labyrinthe de Pan, L'échine du Diable, L'esprit de la ruche).
Et puis c'est produit par Alex de Iglesias, y'a pire comme passeport...



Jin-Roh, la brigade des loups, Hiroyuki Okiura

Un chouette manga d'Hiroyki Okiura scénarisé par rien moins que le vénérable Mamoru Oshii, c'est déjà alléchant. Pour le coup, l'ayant vu à sa sortie en l'an 2000 (oui, je suis une vieille geek, ça arrive à des gens très bien..), je SAIS que ce film est formidable et j'ai très envie de le revoir sur grand écran. Une uchronie belle et douloureuse aux allures de petit chaperon rouge qui questionne la guerre, l'humanité, la vérité. Poétique et badass, réfléchi et violent, un grande œuvre un peu trop oubliée. Merci de le remettre en valeur de la plus belle façon qui soit, dans une salle aussi noire que le propos du film.



Blind, Eskil Vogt

Un film suédois sur une femme qui perd la vue. A mesure qu'elle s'enfonce dans l'obscurité, elle se met à douter de son époux.
La bande annonce m'a beaucoup impressionnée: une intimité assez troublante, une très belle lumière, un drame qui se noue. L'affiche est simplement sublime. Il faut que je voie ça



The Duke of Burgundy, Peter Strickland

La relation sado masochiste passionnée entre une lépidoptériste (on me dit à l'oreillette que c'est un spécialiste des papillons) et sa femme de chambre.
Il m'a suffit de savoir que c'était réalisé par Peter Strickland, qui avait réalisé le fabuleux Berberian Sound Studio, un hommage délirant au Giallo et à la bande-son hallucinante, pour avoir très envie de le voir, même si l'érotique SM, c'est pas forcément ma tasse de thé.



Goodnight Mommy, Veronica Franz, Severin Fiala

Les films d'horreur, dès que ça touche à l'enfance, et surtout à la peur de l'abandon chez l'enfant, c'est toujours dévastateur, et ça marche sur tout le monde, parce qu'on a tous connu cette trouille là. Et rien que l'annonce dans un supermarché d'un petit Leo qui attend sa maman à l'accueil nous fait frissonner...
Alors imaginez si, après que votre maman vous ait été enlevée pour une opération, vous n'arriviez pas à la reconnaître dans la personne au visage bandé qui semble prendre sa place?
C'est justement le propos de ce film autrichien. Et un pitch pareil, ça me fait déjà frémir d'angoisse...



Tokyo Tribe, Sion Sono

Sûrement le film que j'ai le plus envie de voir. D'abord, c'est le film du clôture du festival, et tous les ans, on nous sert des trucs aussi barrés que géniaux.
Cette année on ne déroge pas à la règle avec "une comédie musicale d'anticipation trash et décomplexée" japonaise qui a l'air de partir dans tous les sens, pour un grand foutoir jouissif.
Je sais pas ce que vous en dites, mais moi, quand j'ai vu la bande-annonce, j'avais un smile jusqu'au oreilles et hâte d'y être.



Alors je sais pas ce que vous avez prévu les lyonnais, mais moi pour Pâques, avec mon lapin blanc en chocolat, et cette sélection de chapeliers toqués, j'hallucine grave!










 
 

 






jeudi 12 mars 2015

Birdman, ça plane pour toi?



Ce film là, depuis que j'avais vu la bande-annonce, j'attendais de le voir avec des fourmillements dans les yeux. Tout me plaisait. D'abord la présence de Mickaël Keaton, que j'adore et qui est malheureusement trop absent, alors qu'il a une palette de jeu incroyable. On le connait surtout pour le meilleur Batman (vous préférez celui qui se prend pour Barry White? Tant pis pour vous. Pour moi, ce sera toujours Mickael Keaton). Mais n'oublions pas que c'est aussi le fabuleux Beetlejuice, les multiples personnages de Mes doubles, ma femme et moi, ou Ray Nicolette dans Jacky Brown. Bref, c'est un p... d'acteur et j'étais ravie de le retrouver dans un premier rôle qui se pose en miroir troublant à sa propre carrière: celui d'un acteur célèbre pour avoir interprété un super-héros qui, après une traversée du désert, décide de se lancer dans une adaptation de Raymond Carver à Broadway.


L'autre promesse, c'était Alejandro Gonzales Inarritu, le réalisateur que je suis depuis son premier long, Amours Chiennes, que j'avais adoré. Inarritu, c'est un cinéaste ambitieux, qui n'hésite pas à être radical, ce qui est parfois formidable (21 grams), mais qui peut parfois être agaçant (Babel). Mais ça reste toujours un réalisateur intéressant. J'avais, de plus, entendu dire qu'il s'était lancé le défi, comme Hitchcock avec La Corde, de réaliser un film en un plan séquence apparent. Et ce genre de défi technique, ça me botte pas mal si c'est bien fait.

La bande annonce était très alléchante: une belle brochette d'acteurs, du rythme, et un pain dans la tronche d'Edward Norton particulièrement jouissif: je trépignais d'impatience.



Et voilà, j'ai enfin vu le fameux Birdman. Le bilan: pas aussi fort que je l'espérais, mais un pas décevant au point de vous refaire le coup d'Interstellar. Je vous explique tout ça.

Déjà, les promesses sont tenues. On commence par Keaton. Le voir sur grand écran, c'est déjà un plaisir immense, parce qu'il nous avait terriblement manqué. Et il est à la hauteur de ce qu'on attend de lui. Parfait. Il fait corps avec ce personnage et ses névroses, et ça fonctionne, on y croit! Il est toujours à la limite d'en faire un petit peu trop, mais comme ça colle parfaitement au personnage, on ne tombe jamais dans le ridicule. Keaton réussit à la perfection ce numéro d'équilibriste.



Le reste du casting est également à saluer. Edward Norton est d'une pédanterie révoltante, Naomi Watts et Amy Ryan d'un manque de confiance en elle pathétique, Lindsay Duncan joue une critique odieuse et la merveilleuse Emma Stone est absolument parfaite en fille paumée mais pas tant que ça.



Au niveau de la réalisation, c'est clair, y'a de l'ambition, et c'est en plus souvent réussi. La caméra se perd dans les couloirs du théâtre comme dans l'hôtel de Shining (eh tu l'as vue la moquette?), suit et laisse les personnages. Elle en devient un en elle-même, une création, comme Birdman, le double superhéros du héros, Riggan Thomson. Inarritu tente tout, se met volontairement des bâtons dans les roues et s'en débarrasse, pour la plupart, sans difficultés: plan séquence, reflets, caméra aérienne, dédoublements...



On a donc au final un film d'une excellente facture, très réussi, qui a sûrement mérité tous ses oscars (même si, à mon goût, Foxcatcher en aurait mérité plus...)

Cependant, je suis restée un peu à côté du film, je ne suis pas rentrée complètement dedans et je crois avoir compris pourquoi.

Les personnages d'abord. Alors oui, je sais que c'est une critique acerbe des milieux du spectacle. Et ça marche. Les personnages, à part celui d'Emma Stone, peut-être, sont des divas insupportables, obnubilés par leur égo, autocentrés au possible, au point de multiplier les je par le jeu. Et la critique fonctionne carrément, parce que vraiment, ces personnages, ils nous font rire, ils nous énervent, on a envie de les baffer et on adore les voir souffrir. Mais y'a un problème: on n'a pas d'empathie pour eux. Mais alors aucune. Et je vous avoue que moi, au bout d'un moment, je m'en tamponnais le coquillard, de ce qu'il pouvait lui arriver, à Riggan Thomson. Alors c'est quand même rigolo de le voir s'en prendre plein la tronche (en particulier lors d'une traversée particulièrement intense de Broadway), mais quand j'ai vu que sa vie était en danger, le summum de ma réaction a dû être un soulèvement subtil de sourcil.

L'autre problème, pour moi, ça a été les dialogues. Ils sont bien écrits, c'est pas le problème. Ou plutôt si, ils sont TROP bien écrits. Je sais qu'on est dans un hommage à Carver et qu'il peut donc y a voir une tentation littéraire (rien que dans le sous-titre "La surprenante vertu de l'ignorance"), mais trop, c'est quand même trop. Alors oui, y'a des mots d'auteur qui piquent juste, on a des personnages qui se la pètent assez pour parler comme dans une pièce de théâtre et débiter continuellement de la tirade. Mais au bout d'un moment, ce qui était un plaisir au début m'a à la longue fatiguée, le verbe est devenu bavardage et j'ai décroché. Ca reste tout de même difficile de croire que des gens, même des gens de théâtre parlent constamment de cette manière. Pour moi, seule Emma Stone avait un personnage assez complexe et humain pour arriver à incarner ces dialogues, et à en faire ressortir une véritable émotion.

D'autant plus que les dialogues comportent souvent un de ces trucs qui me navrent: des personnages qui expliquent ce qu'ils vont faire, pourquoi ils vont le faire, comment ils vont le faire et comment ils se sentent. C'est comme ça que tu parviens, d'un seul et même coup, à perdre facilement 15 minutes de précieux film, et à faire que ton spectateur ait l'impression d'être pris pour un débile...



Enfin, même si je reconnais la virtuosité d'Inarritu, je n'ai pas tout trouvé réussi. L'ambition est louable, mais j'aurait apprécié une intégration 3D plus fluide sur les scènes de vol ou une meilleure post-synchro sur les scènes de miroir. Je sais que c'est pas grand chose face aux prouesses exécutées d'autre part. Mais personnellement, je préfère les mises en scène moins épatantes mais complètement maîtrisée que le baroque, il est vrai attachant, de celle-ci, qui a ses failles. Mais surtout, cette mise en scène un peu outrancière m'a un peu gênée dans le sens où j'y ai vu, chez Inarritu, un soupson de ce qu'il dénonce dans son film: la volonté du spectaculaire et peut-être même la vacuité du pédantisme. C'est peut être, c'est même sûrement voulu. Mais en tant que spectatrice, ça ne m'a pas fait décoller... Dommage!