jeudi 24 décembre 2015

Humbugs and frogs



Ce mois-ci, Potzina a proposé un thème bien étrange pour la saison pour son ciné-club: les films de Noël. c'est l'occasion pour moi de vous parler de mon film de Noël préféré, mon film de Noël plaid et orangettes, celui que je regarde toujours à cette période de l'année et même en dehors, et qui a ma préférence sur même La vie est belle de Capra (ouais, carrément). 


Pour comprendre mon choix, on va faire un petit retour en arrière sur mon histoire de Noël favorite, depuis bien longtemps. Mais regardez qui voilà! Une « étrange silhouette, celle d’un enfant ; et néanmoins, pas aussi semblable à un enfant qu’à un vieillard vu au travers de quelque milieu surnaturel, qui lui donnait l’air de s’être éloigné à distance et d’avoir diminué jusqu’aux proportions d’un enfant ». Le fantôme des Noëls passés! Suivons le!





Années 80. Une petite fille en sous-pull qui gratte, collants qui grattent et robe-salopette en velours est assise par terre, un livre d'images devant elle. C'est la période de Noël et elle vient d'avoir son nouveau "Raconte-moi des histoires" (ancêtre de l'audio-book) spécial Noël. Dans le radio-cassette, une voix lui narre une histoire fantastique. Une histoire qui fait encore plus aimer Noel. Parce qu'elle rit des péripéties d'un vieil avare, parce qu'elle pleure devant la tragédie du petit Tim, parce qu'elle frissonne de peur devant un devant un fantôme de mauvais augure. Tous les éléments de ce qu'elle va aimer plus tard au cinéma sont là, sur le papier et sur la bande de la cassette. Elle en oublie le sous-pull et les collants qui grattent et se met à rêver. Elle ne le sait pas encore, mais elle vient de découvrir son premier grand auteur, son premier grand classique: Un chant de Noël, de Charles Dickens.


Vous l'aurez donc compris, le film que j'ai choisi a donc un rapport avec le plus beau conte de Noël jamais écrit, une histoire de rédemption magnifique, avec le vieux grincheux le plus adorable du monde. Mais il a un truc en plus, un truc qui hurle "magie de Noël" à tue-tête, un truc adoré des petits et des grands: un truc vert avec une voix nasillarde, un truc rose avec une chevelure blonde, un truc bleu avec un nez qui pendouille. Oui, oui? Comment rendre Dickens encore plus magique? Il suffit d'y ajouter... DES MUPPETS!!!!!





Mon film de Noël préféré est donc Noël chez les Muppets, chef d'oeuvre (non, je n'ai pas peur des mots) de Brian Henson, fils de Jim du même nom, le marionnettiste le plus fabuleux que la terre ait porté.


Mais attention, la cloche sonne et voici venir un jovial géant aux joues bien rouges: c'est le fantôme du Noël présent.





Une jeune femme d'une beauté irréelle (ben quoi, c'est Noël, on offre un peu de rêve, que diable) est assise en pyjama sur son canapé. Devant elle, un chai au chocolat, des chocolats, des cadeaux de Noël à finir de coudre à la main, et un écran diffusant Noël chez les Muppets. Elle voit ce film pour la 30ème fois, mais elle se sent toujours comme une enfant en sous-pull et collants qui grattent. Elle rit aux facéties de Gonzo qui dit être Charles Dickens, elle s'amuse des apparitions fantomatiques des 2 vieux du balcon, elle s'émeut des malheurs de la famille de Kermit et Miss Piggy. Elle chante les chansons qu'elle connait maintenant par coeur, qui sont drôles et adorables. Et elle surkiffe Sir Michael Caine dans ce qui pour elle est son meilleur rôle à ce jour: celui d'Ebenezer Scrooge, vieux grigou avare et méchant, qui va redécouvrir la bonté et la joie de Noël grâce à trois fantômes fabuleux. Elle trouve que les relations entre l'acteur et les marionnettes fonctionnent à merveille, et qu'on oublie très vite que l'un est fait de chair et de sang, et les autres de fils, de tissu et de mécanismes. Elle est tellement bien avec ce film qu'elle en oublie l'aiguille qui pique et se met à rêver.





Voilà, moi je vais rester un peu là, à attendre le dernier son de cloche et le fantôme des Noëls à venir. Et j'espère qu'il me montrera une vieille dame, entourée d'enfants, chantant à tue-tête "Thankful heart"


Merry Christmas to us all!








mercredi 16 décembre 2015

Der Samourai: Hara Queery



Grâce au site Cinétrafic (qui le recense parmi les meilleurs films traitant de l'homosexualité de 2015 et propose également une liste de films produits en 2014),  j'ai pu découvrir en DVD un film allemand, que j'avais raté en salles cette année, mais dont la bande-annonce avait bien aiguisé ma curiosité: Der samourai. (Ils présentent aussi en ce moment une liste de films produits en 2014, si vous voulez vous faire une petite rétrospective)

Derrière ce titre nippon-teuton, se cachait effectivement une bien mystérieuse histoire. Dans un petit village allemand environné de forêt, un loup rôde. Jakob, jeune policier de la bourgade, lui laisse de la nourriture dans la forêt pour le dissuader de s'approcher des habitations. Mais un soir, la menace se fait plus effrayante: un troublant jeune samourai blond, vêtu d'une robe de mariée, vient perturber la placidité du village du tranchant de son sabre. La poursuite entre les deux jeunes hommes commence, sans que l'on sache vraiment qui des deux est le chasseur, ou la proie.



Il m'est difficile d'avoir un avis tout à fait tranché sur ce film, car je continue de m'interroger sur ce samourai. Il garde encore un mystère que je n'arrive pas complètement à élucider, et sans trop savoir si c'est bien ou pas, j'avoue que je suis toujours intriguée.

En effet, sans trop vouloir dévoiler du scénario, il y a de nombreuses choses qui restent opaques: sur les motivations des personnages, sur l'apparition du surnaturel, sur le rôle exact du loup, etc... Till Kleinert, réalisateur et scénariste, choisi de nous laisser le choix de l'interprétation, ce qui est un choix, même chez Lynch, qui peut parfois m'irriter suivant dans quelle disposition je suis, parce que si je suis mal lunée, je me dis juste que le scénariste a été trop fainéant pour avoir un point de vue. Là, ça va, je l'ai plutôt bien accepté, mais il me semble que cela peut être particulièrement dangereux, surtout si, comme ici, on traite de sujet parfois épineux, comme la difficulté d'assumer ses préférences sexuelles dans un milieu rural très claustrophobe. Je ne prête bien évidemment aucune pensée homophobe à Kleinert, mais laissés à l'interprétation de chacun, j'ai bien peur que les rapports de cause à effets présents dans le film (boudiou, que c'est difficile d'en parler sans ne rien dévoiler) ne soit pas raccourcis par certains idiots... C'est peut-être pas du tout le cas, mais le manque de point de vue m'interroge tout de même. Bref, j'hésite à parler plus du scénario, parce que je risquerai d'en dévoiler trop, trop vite, parce qu'il faut bien dire que ce film est tout de même assez court (1h15), mais ce format convient plutôt bien à cette histoire.



Si le scénario me laisse un peu dubitative, je ne peux en dire autant de l'esthétique de Till Kleinert qui m'a conquise. Il le dit lui-même dans l'interview qui suit le film, ce qui l'intéresse avant tout, c'est de créer des images qui touchent. Et là, on peut dire que ça a vraiment marché sur moi. Tout d'abord parce que le directeur de la photographie, Martin Hanslmayr fait avec de petits moyens un travail très impressionnant: la nuit profonde est superbement rendue, éblouie de flash de couleurs très saturées: le blanc de la robe du samourai, le jaune verdâtre des éclairages publics, le vert éclatant de la forêt et surtout, le rouge du sang. On pense à la fois au giallo et à une forme de réalisme à l'allemande, ce qui correspond tout à fait à l'atmosphère du film, qui oscille entre un réalisme rural et rugueux, et un fantastique à la lisière des contes de fées.

Quant à la création d'images, j'ai été servie, car nombreuses sont celles qui ont imprimé ma rétine par leur beauté et leur singularité: une séance de maquillage dans une maison délabrée, aussi inquiétante qu'envoutante, une poursuite à la fois ludique et menaçante dans la forêt, rythmée par des éclairs de lampes torche, un duel sur une écluse, une scène de danse très casse-gueule, qui pourrait être à la limite du ridicule, mais qui se révèle assez belle et émouvante, un final flamboyant...



Quant au duo d'acteur choisi pour tenir ce film à bout de bras, j'avoue que j'ai été très séduite. Ils ont en commun d'avoir des physiques très singuliers, à la fois très beaux et inquiétants, et ils sont tous les deux assez troublants. Pit Bukowski, le samourai, avec son sourire que l'on dirait coupé au fil de son sabre, est d'une grâce assez incroyable (ce qui, soit dit en passant, en courant dans la forêt en robe de mariée ne doit pas être donné à tout le monde), même si je regrette le un peu un cabotinage ponctuel à la Nicholson. Mais c'est surtout Michel Dierck, avec ses yeux tout en pupilles et ses faux airs de John Simm qui m'a le plus impressionnée. Il est absolument parfait pour incarner toute la complexité de son personnage: sa douceur et sa violence rentrée, sa frustration, son goût du devoir et ses désirs de transgression. Je l'ai trouvé à la fois touchant et bien flippant (donc carrément craquant, c'est l'effet Anthony Perkins). Tous les deux forment un très beau duo et j'ai été très séduite par leur relation faite de jeu, de menace, de défis, mais surtout d'un désir terriblement fort, qui crève l'écran et qui en font un beau couple de cinéma (les plus beaux couples du cinéma sont toujours des ennemis mortels).

Petit mot sur la musique également, je n'en parle pas souvent, mais là, j'ai vraiment craqué sur la bande originale de Conrad Oleak, très inspirée des films d'horreur 80's, qui convient tout à fait à l'univers de Der Samourai.

Le DVD

Le DVD, édité par Blaq Out (présent aussi sur Facebook) est sorti le 17 novembre 2015.

En premier lieu, je dois dire qu'ayant reçu le DVD de manière assez exclusive, je ne pense pas avoir reçu un DVD destiné à la vente, parce qu'il ne possédait pas d'étiquette (Du coup, bien évidemment, la première fois que je l'ai mis dans mon mange-dvd, je l'ai mis à l'envers parce que je suis une grosse maline...). Il y aura peut être des différences avec les dvd en vente, et quelques erreurs seront sûrement absentes dans ces derniers.

Tout d'abord, la pochette du DVD est cartonnée (c'est idiot, mais mes étagères à dvd aiment, elles se sentent tout de suite plus belles qu'avec des pochettes plastifiées), et elle présente la magnifique affiche dessinée (ouais, comme au bon vieux temps) du film. Un artwork absolument sublime, ça fait tout de suite envie.



Pour les bonus, il y a une interview particulièrement intéressante de Till Kleinert, qui permet de mieux approcher son travail, et notamment la conception esthétique qu'il en a. Il y a aussi 2 courts métrages: Kokon, sur une coupe de cheveux, qui n'a guère d'intérêt, et Cowboy, sur lequel j'aurai bien de mal à me prononcer. En effet, les sous-titres ne correspondaient pas au film et mon allemand n'étant plus qu'un lointain souvenir s'arrêtant à l'Hymne à la joie et au Erkölnig, je me suis arrêtée au bout de 5 minutes. J'ai juste pu observer une nouvelle fois une très belle photographie et la présence de Pit Bukowski. Dommage!




mardi 1 décembre 2015

La belle promise: de belles promesses?


Grâce au site Cinetrafic qui, en cette fin d'année, présente ses coups de cœurs 2015 et les sorties ciné 2016, j'ai eu la possibilité de découvrir, en DVD, le film La Belle Promise, la première réalisation de fiction de la scénariste Suha Arraf (La fiancée Syrienne, Les citronniers).

La Belle Promise (j'avoue y préférer le titre original Villa Touma, beaucoup plus parlant à mon avis, et moins gnan gnan) raconte l'histoire de la jeune Badia (Maria Zreik), une orpheline recueillie dans une belle maison à Ramallah , un peu à contre-coeur, par ses tantes, aristocrates palestiniennes chrétiennes, qui ont pratiquement tout perdu au lendemain de la guerre des six jours, si ce n'est leur maisons et leurs très bonnes manières. Les trois sœurs vivent recluses dans leur maison, portant les mêmes tenues que dans leurs plus jeunes années, et ne laissent rien pénétrer du tumulte du monde qui les entoure. A l'arrivée de Badia et de ses jeans, tout va changer. Badia va devoir devenir une parfaite fille de bonne famille et une promise idéale, et les 3 sœurs vont bien devoir s'ouvrir sur le monde extérieur.



Décidément, avec Mustang et Notre petite sœur, 2015 aura été l'année des frangines, du gynécée et du sista powa, mais les personnages féminins intéressants n'étant pas toujours légion, on ne va pas s'en plaindre. Le scénario La Belle Promise se situe d'ailleurs bien entre les deux films, entre la réclusion et la volonté de marier à tout prix de Mustang et l'arrivée d'une nouvelle sœur dans Notre Petite sœur. Pour moi, le film n'atteint pas le lyrisme du premier, ni la tendresse profonde du second, mais reste un très joli film. Sans être un gros coup de cœur, j'avoue l'avoir apprécié sur de nombreux points.

Tout d'abord, le scénario assez resserré (le film dure 1h22) de La belle promise est assez bien écrit. On a, en très peu de temps, la possibilité de vivre une période avec la famille grâce à une alternance de scènes de la vie quotidienne et de scènes dramatiques, qui nous font percer l'intimité des personnages et leurs conflits. Les personnages sont assez bien écrits, on apprend peu à peu à les découvrir et avec une belle économie du scénario, Suha Arraf nous permet de les approcher, de mieux les comprendre et les apprécier.

Il faut dire que la réalisatrice peut ici compter sur un bon casting: Nisreen Faour campe une Juliette aux allures de gouvernante délicieuse de rigidité, Ula Tabari joue une Violette torturée, la jeune Maria Zreik, pour qui c'est un premier rôle, apporte une belle innocence et fragilité à son personnage et surtout, la belle Cherien Dabis (réalisatrice d'Amerrika et May in the Summer) illumine complètement le film dans le rôle d'Antoinette, personnage solaire à la jeunesse sacrifiée, ressurgissant grâce à la présence de Badia.



Le ton du film est difficile à cerner: on est entre la comédie sociale, le drame familial et la tragédie. On rit parfois de bon cœur (par exemple quand Juliette, avec tout le dédain dont elle est capable, déplore qu'aujourd'hui, tout le monde puisse avoir du diabète, la maladie étant réservée aux seuls aristocrates dans le bon vieux temps) et on peut être aussi très émus. Le souci, c'est qu'on peut avoir un peu de mal à se situer dans ce mélange des genres qui rend l'harmonie générale du film parfois assez bancale.

La réalisation est somme toute assez classique, mais ne manque pas de subtilité, et la lumière est assez belle, mettant bien en évidence l'opposition entre l'univers claustrophobique de l'intérieur de la maison et la clarté de l'extérieur.

Sans être un chef d'œuvre, La Belle Promise reste cependant un joli premier film, et je vais désormais m'intéresser de plus près à Suha Arraf qui fait ici des débuts prometteurs derrière la caméra.



Le DVD

Edité par KMBO Editions, le DVD sorti le 3 novembre se présente dans une belle pochette cartonnée en getfold (oui, je parle en vinyl), un détail que j'apprécie toujours face aux pochettes plastifiées.

Dans les bonus, on peut retrouver une interview de Suha Arraf , très intéressante puisqu'on y découvre comment elle en est arrivée à la réalisation, les difficultés (notamment pécunières) qu'elle a rencontrées, et la génèse du scénario, qui est une belle histoire. Il y a aussi des scènes coupées tout à fait pertinentes. J'avoue même que j'aurais aimé les voir dans le film, car elles apportent pour certaines, plus d'émotion et d'informations, notamment pour le public que nous sommes, pas forcément au fait de la société palestinienne.

La seule chose que j'ai regrettée, c'est que le doublage ne soit proposé qu'en Français, ce qui peut être dommage si l'on souhaite faire découvrir le film à des amis non-francophones. Une version anglaise aurait été bienvenue.