Grâce au site Cinetrafic (qui propose en ce moment une liste de films plus que populaires et met à jour celle des meilleurs films de cette année) j'ai pu découvrir un film éthiopien que j'avais raté en salles mais dont la jolie bande annonce m'avait bien enthousiasmée: Lamb, de Yared Zeleke.
Alors déjà, en bonne tricoteuse et gambadeuse de collines, j'ai un vrai faible pour les moutons (j'en avais déjà parlé ici). C'est comme ça. Depuis ma plus tendre enfance et mon copain Bébert (un gros mouton au poil noisette dont la peau moelleuse a longtemps abrité mes siestes après son triste décès), j'adore ces divins ovins. C'était déjà un bon point pour ce film dont le protagoniste a un lien privilégié avec son agneau.
Lamb est donc l'histoire de ce garçon, Ephraïm, qui doit quitter sa terre natale dans les terres volcaniques éthiopiennes suite à une famine qui a causé la mort de sa mère. Son père le confie, ainsi que sa seule possession, l'agneau Chuni, à son oncle le temps de trouver à Addis-Abeba assez de ressources pour faire vivre sa famille. Ephraïm se retrouve donc accueilli par cette famille rurale qui a déjà bien du mal à nourrir les siens et ne rêve que d'une chose: rentrer chez lui avec cet agneau que d'autres verraient bien finir en broche. Mais pour cela, il va avoir besoin d'argent, et de beaucoup d'astuce.
Dès le premier plan du film, l'histoire est installée: un main d'enfant flatte le flan laineux et roux d'un animal. Le plan est assez long et nous permet tout de suite de comprendre cette relation qui va être au centre du film: cet attachement d'Ephraïm (puisque c'est lui) à cet agneau infertile qui est la seule chose qui le rattache à sa maison, et à sa mère disparue, ce lien qui semble inébranlable entre ces deux êtres frêles et seuls.
Nous sommes bien ici dans le récit initiatique, celui de l'enfant séparé de ses parents qui va devoir apprendre à se reconstruire une famille et à devenir adulte et responsable. Mais pour y arriver, il va y avoir des épreuves, des efforts à fournir, des sacrifices à faire. Cette histoire est vieille comme le monde, mais on ne se lassera jamais de l'écouter, c'est un mythe sans cesse renouvelé et universel, qui puise sa résonnance en chacun de nous, et le film fonctionne très bien à cet égard.
Même si je n'ai pas été totalement transportée par le film, notamment à cause de certaines longueurs, ce qui assez dommage pour un film relativement court (1h34), j'ai passé quand même un joli moment de cinéma.
D'abord parce que plastiquement, Lamb est un très beau film. La lumière est splendide et met parfaitement en valeur les superbes paysages éthiopiens qu'arpente le jeune Ephraïm. La caméra sait se faire discrète et nous laisse profiter de ces paysage dans de très beaux plans larges, mais elle n'hésite pas à nous faire entrer dans l'intimité des personnages en les filmant au plus près. J'ai par exemple beaucoup aimé les scènes à l'intérieur de la petite habitation de l'oncle d'Ephraïm, où l'on sent à la fois la chaleur d'un cocon familial et la pression d'un monde très fermé (notamment pour la cousine d'Ephraïm, Tsion). Cet espace très matriarcal, dominé par une grand-mère assez formidable, semble s'élargir d'un coup lors d'une scène de fête, pleine de joie et de vigueur.
J'aime aussi beaucoup les personnages qui ont été écrits avec une véritable tendresse. Ephraïm (interprété par l'adorable Rediat Amare) est un formidable petit garçon plein de douceur et de détermination, malin et émouvant. Il a gardé de sa mère un vrai don pour la cuisine (entre parenthèse, si comme moi, vous avez un penchant pour la cuisine ethiopienne, ses galettes et ses samossas vous mettrons l'eau à la bouche), cela pourrait être un détail mais ce don est à la fois un lien fort avec la mère absente et un outil important pour le personnage, ce qui fait que les scènes de cuisine sont souvent assez émouvantes. Je vous ai déjà parlé du personnage de la grand-mère matriarche, que j'apprécie beaucoup, sa douceur et sa sévérité, sa générosité. J'aime aussi beaucoup le personnage de Tsion, la rebelle de la famille, qui étudie de près le journal et se passionne pour l'agronomie, toujours en conflit avec sa mère, qui, à son âge, aimerait bien la voir mariée au lieu de trainer au village avec les hommes à parler politique. Tsion (la belle Kidist Siyum) représente une jeunesse qui sera apportera peut-être un futur meilleur à l'Ethiopie, une jeunesse militante, qui voit dans la révolution agronomique (il est d'ailleurs intéressant de noter que le réalisateur, Zared Zekele, qui avoue que ce film comporte de nombreux éléments autobiographiques, a fait des études d'agronomie avant de travailler pour des ONG).
Et s'il y a une raison pour laquelle ce film est réussi, c'est aussi grâce à sa manière de traiter avec douceur et simplicité des situations extrêmement graves. Et là, c'est même alarmant: on parle de famine, d'exode, de la perte d'un parent proche. Zared Zekele fait aussi le portrait d'un pays très en souffrance (et malheureusement, les évènements du 15 avril dernier ne font que confirmer ce triste constat). Mais il le fait avec une vigueur et un espoir et un dynamisme contagieux. Car même dans avec une toile de fond aussi grave, ce film reste léger et parvient à véhiculer une belle leçon sur la famille, à portée universelle.
N'ayant reçu qu'une copie de distribution du film, je ne peux évaluer le DVD. Sachez en tout cas que la qualité de l'image était irréprochable, ce qui est toujours bienvenue sur des films comme celui-ci où le travail sur la lumière est aussi important. Le DVD, édité par Blaqout (qui a aussi sa page facebook), est sorti le 4 mars 2016.
J'aime beaucoup les récits initiatiques.
RépondreSupprimerJ'aimerai bien le voir.
Bisous à toi!
Celui-ci est assez joli. Et le cinéma éthiopien est bien trop rare pour ne pas en profiter...
SupprimerLe résumé est magnifique. On imagine très bien une vie teintée de drame racontée avec douceur et dignité.
RépondreSupprimerC'est exactement ça, une jolie découverte!
Supprimerça me rappelle Va, vie et deviens, non? C'est en tout cas un cinéma rarissime, le cinéma éthiopien. j'espère avoir la chance de voir cette pépite! Assassin de Hou Hsia Hsien, que je pensais adorer, m'a finalement laissée... perplexe. Comme quoi...
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu Va vis et deviens, mais là, ça se passe tout le long en Ethiopie et c'est réalisé par un Ethiopien, ce qui permet d'avoir un regard interne sur un pays que l'on voit peu au cinéma et qui pourtant regorge de beautés qui méritent bien qu'une caméra s'y attarde.
SupprimerDésolée pour Assassin, j'ai quelques amis qui m'ont rapporté la même impression. Mais je pense que c'est le genre de film ou qui plait au premier abord, et donne envie de le voir plusieurs fois afin d'en percer le mystère, ou ne crée pas cette attirance et du coup, laisse un peu sur le bord de la route les spectateurs qui ne sont pas séduits de prime abord.
Entre ton beau billet et la bande-annonce, j'ai bien envie de voir ce film dont je n'avais même pas entendu parler. C'est la magie de Cinetrafic de nous faire découvrir des films qui passe inaperçus :)
RépondreSupprimerpassent !!! Oh là là :((
SupprimerC'est un joli film délicat, n'hésite pas à le découvrir. Mais c'est vrai que je ne l'aurai sans doute pas vu sans Cinétrafic! (t'inquiète pas pour les fautes, à chaque fois que je me relis, j'en trouve une)
SupprimerLa bande-annonce est très prometteuse et affiche déjà cette qualité plastique et esthétique évoquée, un vrai plaisir pour les yeux. On y découvre d'emblée la relation forte et exceptionnelle qui lie les deux protagonistes. Sans avoir vu le film et en relisant ton résumé je me dis que tu as parfaitement su capter et surtout nous retranscrire les émotions ressenties. Encore une chouette découverte.
RépondreSupprimerMerci :-)
SupprimerC'est vrai que la qualité esthétique de ce film aussi bien visuelle que sonore (j'ai oublié de parler du son, mais il est aussi très bien travaillé dans ce film, notamment dans les scènes extérieures) est indéniable. Et c'est une jolie histoire, je pense que c'est typiquement le genre de film qu'on peut voir avec un enfant d'une dizaine d'années.