samedi 29 avril 2017

Le ciné-club de Potzina: Films costumés: In the mood for love




Ce mois-ci, c'est le blog Costumes de film qui est en charge du ciné-club. Romy a donc choisi un thème proche de son sujet deprédilection: les films en costumes. En petite couturière et tricoteuse que je suis, les costumes sont souvent un point auquel je porte pas mal d'attention, et les films sont également une dose d'inspiration non négligeables pour ma garde-robe. Et en matière de costumes, j'ai de nombreuses passions cinéphiliques: l'immense classe d'Edith Head (qui a signé les plus belles robes du cinéma hollywoodien), la géométrie et la couleur des tenues sixties d'Agnès B., de Courrèges et de Rudi Gernreich, la magnificence des parures du cinéma chinois se passant sous la dynastie Qing.

Pourtant, quand il a fallu choisir un film en rapport avec ce thème, je n'ai pas eu une once d'hésitation. Parce qu'il existe une film qui, en plus d'être un des plus beaux films qui aient jamais été réalisés, comporte aussi la garde-robe la plus enviable du monde: In the mood for love.




J'ai déjà à plusieurs reprises déclaré mon amour indéfectible pour ce film, et il était vraiment temps qu'il ait droit à son billet à lui tout seul.


Il est des films comme des gens La famille avec qui l'on grandit et à laquelle on reviendra toujours, les amis fidèles avec qui l'on se retrouve régulièrement, les copains d'une période, qu'on voit intensément pendant un temps, puis qui disparaissent, les flirts et les coups d'un soir, avec qui on a passé un bon moment, mais qu'on n'a pas forcément très envie de revoir, ceux qu'on peut pas saquer après qu'il nous aient ruiné une soirée, ceux qu'on ne sent pas et qu'on évite sans même les connaître, les premiers émois qu'on oubliera jamais. Et puis il y a le grand amour.

Je l'avais déjà écrit ici: Wong Kar Wai et In the mood for love, c'est mon grand amour. Le plus beau, le plus romantique, le plus tragique. C'est celui qui bouleverse tout sur son passage, qui vous transforme, et dont on ne se remet jamais vraiment. Celui qui s'en va avec une partie de vous dont on ne regrettera jamais le sacrifice.

Tout d'abord parce qu'In the mood for love est pour moi la plus belle histoire d'amour que j'ai vue au cinéma, mais aussi la plus mélancolique. Une histoire où le temps et le hasard prennent toute leur dimension comme dans la vraie vie: où les coïncidences et les actes manqués rapprochent puis éloignent les amants et se jouent de leur destin.



Et cet amour, il n'a l'air de rien comme ça, il a presque l'air froid. En effet, les rapports de M. Chow (le toujours sublime Tony Leung) et Mme Chan (Maggie Cheung, tout simplement parfaite, au somment de son art), voisins mariés à des conjoints de plus en plus distants, semblent bien policés et tout simplement cordiaux. Rapprochés par leur solitude et leur goût pour la littérature, on n'a pas tout de suite l'impression de voir une passion naître. Mais dans le frôlement des corps qui se croisent, dans l'abandon d'une tête sur une épaule, dans la fumée d'une cigarette, le désir interdit est tangible, et bouleversant.

Avec ce film, Wong Kar Wai réalise son chef d'oeuvre, une splendeur impressionniste où l'émotion s'installe par petite touches, lentement mais sûrement, durablement. Tout comme d'un premier grand amour, je ne me suis jamais remise de ce film. Je me souviens très bien en être sortie émerveillée par la beauté visuelle, sonore et scénaristique, mais pour une fois sans les yeux bouffis. Mais c'était compter sans le deuxième effet Kar Wai. Quelques heures après l'émerveillement passé, la profonde mélancolie de l'histoire m'a renversée, et je me suis retrouvée en sanglots, incapable d'accepter l'idée que M. Chow et Mme Chan n'aient effectivement fait que se croiser entre leur foyer et le vendeur de nouilles. Encore aujourd'hui, après les années passées et les nombreuses visions, je ne peux simplement y penser sans être authentiquement émue.



Mais cette histoire ne serait rien sans l'absolue perfection de tout le reste. La réalisation de Wong Kar Wai au sommet de son style, utilisant le rapport temporel à l'image, les ralentis, les répétitions, les montages alternés comme un véritable discours sur l'amour et ce qu'y produit le temps. La photographie de Christopher Doyle et Mark Lee Pee-Bing en font une des oeuvres visuelles les plus fortes de ces dernières décennies. Tony Leung et Maggie Cheung sont magistraux, arrivant à incarner subtilement la tempête intérieure cachée sous des dehors très stoïques. La bande-son est parfaitement choisi, au point où il n'est plus possible d'entendre Nat King Cole sans penser à ce film.

Et puis parce qu'on est là pour en parler, il y a les costumes. Ceux de Tony Leung sont déjà absolument classes. Mais les robes de Maggie Cheung... Gros coeurs à la place des yeux.

Elles sont pratiquement toutes basées sur le même patron (Mme Chan a bien compris un truc; quand tu as trouvé la robe parfaite, change juste les tissus!): une robe fourreau à col montant assez prêt du corps, à la fois sexy en diable et d'une rigueur maîtrisée. Et je rêve toutes de les avoir dans mon placard (mon anniversaire, c'est le mois prochain, je dis ça, je dis rien).



Si vous ne connaissez pas le ciné-club de Potzina, je vous rappelle un peu le principe: à la base créée par la blogueuse Potzina, il a pour but de partager des chroniques ciné sur un thème donné chaque mois, et de découvrir ainsi un max de bons films. Tous les mois, un blogueur ciné participant propose un thème et répertorie tous les articles des bloggueurs participants. Pas de pression, aucune obligation de participer tous les mois, juste une envie de se stimuler les uns les autres. Si vous avez envie de participer, n'hésitez pas à nous retrouver sur notre page facebook.







lundi 17 avril 2017

Dyke hard: tröm'arc en ciel

 
Les éditions Outplay m'ont fait le grand plaisir de me faire parvenir le DVD d'un film sur lequel je lorgnais dès l'annonce de sa sortie, à la simple vue de sa sémillante jacquette, le film suédois et hautement barré Dyke Hard.

En effet, difficile de résister à une telle avalanche de "mauvais" goût d'excellente facture: du glam rock avec perruques et spandex fleurant bon les souvenirs émus de Jem et les hologrammes, des arts martiaux, des couleurs qui flashent, une typo so 86 et un titre-jeu digne des meilleures productions Troma. En bonne amatrice de ces dernières productions, de John Waters et de cinéma queer survolté, quelque chose me disait que ce film allait me plaire.


Dyke Hard, c'est l'histoire d'un groupe de rock féminin déclinant qui veut retrouver les chemins de la gloire et, pour cela, participe à un concours. Mais les embûches sont nombreuses, entre une maison hantée, un étrange complot et une effroyable ancienne chanteuse en mode Terminator. Même le pitch super foutraque n'était qu'une promesse de délicieux divertissement.

Outplay ne s'était pas trompé: j'étais bien la cible idéale de ce film de Bitte Andersson.

D'abord parce que Dyke Hard est un film Z revendiqué, qui porte haut son étendard coloré de film queer et fauché. C'est avant tout le film avant tout le film d'une communauté suédoise qui a décidé de s'amuser, malgré les tout petits moyens, et qui nous fait partager son plaisir. En effet, tout a commencé par une annonce posée par la réalisatrice dans une librairie, recrutant des volontaires pour réaliser un film à petit budget, comme un projet culturel pour rassembler la communauté locale. Ce film est donc le fruit du travail de nombreux non-professionnels et le fait d'assumer complètement le manque de moyen pour s'ancrer résolument dans le Z fait preuve d'un excellent choix de positionnement de la part de la réalisatrice.



Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce choix s'est porté sur un film de genre foutraque: Bitte Andersson vient d'un univers que les zinéphiles connaissent bien, puisqu'elle a travaillé dans les studios du Xanadu du Z, Troma.

Les studios Troma sont responsables de films de genre, souvent fantastiques, aux budgets aussi serrés que les combis en skaï de ScarJo et à la distinction qui donnerait des crises cardiaques à Cristina Cordulla: Toxic Avenger, Tromeo et Juliette, Cannibal The Musical. Au programme, des effets spéciaux en mode DIY, des acteurs au talent contestable, des scénarii à la waneguène (comment ça, ça se dit plus, waneguène?), et beaucoup, beaucoup de fun.

Dyke Hard ne renie rien de cet héritage et utilise les mêmes recettes de Gloubiboulga follement jouissive: du glam-rock, du film de prison, de la comédie musicale, du teen-movie, des fantômes, de la SF, du taekwondo, de l'amitié et de l'amour. c'est foutraque, ça va n'importe où, n'importe comment, ça joue comme ça peut mais c'est du fun en barre. Tout le monde donne l'impression de s'éclater comme des fous et c'est terriblement communicatif.



L'autre influence qui me semble planer sur ce film, c'est celle de notre bien-aimé John Waters. Le même vision de la sexualité débridée et décomplexée que le moustachu, la même drôlerie régressive, le même goût du mauvais goût, la même façon de l'ériger au rang d'art, le même amour des personnages hauts en couleur, la même joie visible à l'écran.

Alors oui, Dyke hard, parce que c'est un film communautaire, a quelque longueurs tout à fait compréhensibles: quand des gens acceptent de participer bénévolement, voire à aider à financer un tel projet, c'est difficile de couper la scène où ils apparaissent, donc cela reste à mon sens relativement acceptable.



D'autant que malgré quelques côtés "Amateur" et le petit budget, il y a quelques morceaux de bravoure qui me donnent bien envie de suivre ce que va faire Bitte Anderssen par la suite: des effets visuels numériques tout à fait honorables, du SFX DIY d'excellente facture, et de l'audace de mise en scène par moment qu'on attendait pas forcément dans un tel film.

Aucune raison donc de bouder son plaisir devant ce film ludingue (ludique et dingue, j'ai décidé que ce mot existait) dont la seule ambition est de nous faire partager le plaisir pris à le faire. En ce qui me concerne, l'objectif est atteint.