Ce mois-ci, c'est le blog Costumes de film qui est en charge du ciné-club. Romy a donc choisi un thème proche de son sujet deprédilection: les films en costumes. En petite couturière et tricoteuse que je suis, les costumes sont souvent un point auquel je porte pas mal d'attention, et les films sont également une dose d'inspiration non négligeables pour ma garde-robe. Et en matière de costumes, j'ai de nombreuses passions cinéphiliques: l'immense classe d'Edith Head (qui a signé les plus belles robes du cinéma hollywoodien), la géométrie et la couleur des tenues sixties d'Agnès B., de Courrèges et de Rudi Gernreich, la magnificence des parures du cinéma chinois se passant sous la dynastie Qing.
Pourtant, quand il a fallu choisir un film en rapport avec ce thème, je n'ai pas eu une once d'hésitation. Parce qu'il existe une film qui, en plus d'être un des plus beaux films qui aient jamais été réalisés, comporte aussi la garde-robe la plus enviable du monde: In the mood for love.
J'ai déjà à plusieurs reprises déclaré mon amour indéfectible pour ce film, et il était vraiment temps qu'il ait droit à son billet à lui tout seul.
Il est des films comme des gens La famille avec qui l'on grandit et à laquelle on reviendra toujours, les amis fidèles avec qui l'on se retrouve régulièrement, les copains d'une période, qu'on voit intensément pendant un temps, puis qui disparaissent, les flirts et les coups d'un soir, avec qui on a passé un bon moment, mais qu'on n'a pas forcément très envie de revoir, ceux qu'on peut pas saquer après qu'il nous aient ruiné une soirée, ceux qu'on ne sent pas et qu'on évite sans même les connaître, les premiers émois qu'on oubliera jamais. Et puis il y a le grand amour.
Je l'avais déjà écrit ici: Wong Kar Wai et In the mood for love, c'est mon grand amour. Le plus beau, le plus romantique, le plus tragique. C'est celui qui bouleverse tout sur son passage, qui vous transforme, et dont on ne se remet jamais vraiment. Celui qui s'en va avec une partie de vous dont on ne regrettera jamais le sacrifice.
Tout d'abord parce qu'In the mood for love est pour moi la plus belle histoire d'amour que j'ai vue au cinéma, mais aussi la plus mélancolique. Une histoire où le temps et le hasard prennent toute leur dimension comme dans la vraie vie: où les coïncidences et les actes manqués rapprochent puis éloignent les amants et se jouent de leur destin.
Et cet amour, il n'a l'air de rien comme ça, il a presque l'air froid. En effet, les rapports de M. Chow (le toujours sublime Tony Leung) et Mme Chan (Maggie Cheung, tout simplement parfaite, au somment de son art), voisins mariés à des conjoints de plus en plus distants, semblent bien policés et tout simplement cordiaux. Rapprochés par leur solitude et leur goût pour la littérature, on n'a pas tout de suite l'impression de voir une passion naître. Mais dans le frôlement des corps qui se croisent, dans l'abandon d'une tête sur une épaule, dans la fumée d'une cigarette, le désir interdit est tangible, et bouleversant.
Avec ce film, Wong Kar Wai réalise son chef d'oeuvre, une splendeur impressionniste où l'émotion s'installe par petite touches, lentement mais sûrement, durablement. Tout comme d'un premier grand amour, je ne me suis jamais remise de ce film. Je me souviens très bien en être sortie émerveillée par la beauté visuelle, sonore et scénaristique, mais pour une fois sans les yeux bouffis. Mais c'était compter sans le deuxième effet Kar Wai. Quelques heures après l'émerveillement passé, la profonde mélancolie de l'histoire m'a renversée, et je me suis retrouvée en sanglots, incapable d'accepter l'idée que M. Chow et Mme Chan n'aient effectivement fait que se croiser entre leur foyer et le vendeur de nouilles. Encore aujourd'hui, après les années passées et les nombreuses visions, je ne peux simplement y penser sans être authentiquement émue.
Mais cette histoire ne serait rien sans l'absolue perfection de tout le reste. La réalisation de Wong Kar Wai au sommet de son style, utilisant le rapport temporel à l'image, les ralentis, les répétitions, les montages alternés comme un véritable discours sur l'amour et ce qu'y produit le temps. La photographie de Christopher Doyle et Mark Lee Pee-Bing en font une des oeuvres visuelles les plus fortes de ces dernières décennies. Tony Leung et Maggie Cheung sont magistraux, arrivant à incarner subtilement la tempête intérieure cachée sous des dehors très stoïques. La bande-son est parfaitement choisi, au point où il n'est plus possible d'entendre Nat King Cole sans penser à ce film.
Et puis parce qu'on est là pour en parler, il y a les costumes. Ceux de Tony Leung sont déjà absolument classes. Mais les robes de Maggie Cheung... Gros coeurs à la place des yeux.
Elles sont pratiquement toutes basées sur le même patron (Mme Chan a bien compris un truc; quand tu as trouvé la robe parfaite, change juste les tissus!): une robe fourreau à col montant assez prêt du corps, à la fois sexy en diable et d'une rigueur maîtrisée. Et je rêve toutes de les avoir dans mon placard (mon anniversaire, c'est le mois prochain, je dis ça, je dis rien).
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