En ces temps de grisaille météorologique, sociale et morale, il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir salvateur de la grosse déconne cinématographique. Ouais, y'a des moments comme ça, où on a envie d'envoyer bouler le cinéma réaliste, parce que la réalité on peut plus la voir en peinture, et je parle même pas de la pellicule. On a juste envie d'évasion, de fuite de cerveau, de rires gras, d'action badass et d'une tonne de whatthefuck. On a envie d'arrêter d'être intelligent, juste pour quelques heures, de dire des gros mots, de rigoler comme une débile, de chanter du Wham, d'admirer la plastique parfaite de beaux garçons en vêtements moulant. Et comme 2oolander ne sort que dans quelques semaines et que j'avais salement besoin de me prendre une bonne murge de ciné popcorn-pastiche-pouetpouet, on peut dire que Deadpool est arrivé au bon moment.
Deadpool, vous en avez au moins entendu parler pour ces entrées faramineuses (et, encore une fois, vue l'ambiance actuelle, tu m'étonnes!), c'est un super-anti-héros de Marvel irrévérencieux comme disent les gens polis, gouailleur, pervers, whatthefuckiste (une sorte de nihilisme, mais en très con), violent, et parfois un peu lent de la comprenette. Deadpool, c'est un peu The Mask en plus rouge, Son Goku en moins simiesque, HK forbidden super-hero en moins culotté (je soupçonne vivement les communicants pour Deadpool d'avoir vu ce film méga barré, parce que les affiches posées en mode sexy-craignos, c'est carrément ça).
Très rapidement, pour vous situer un peu la narration. Le film raconte la genèse de Deadpool: un ancien militaire reconverti mercenaire de bas-étage, qui tombe amoureux d'une ancienne prostituée, apprend une mauvaise nouvelle (on va quand même essayer de pas tout vous spoiler) et aura pour seule issue d'accepter d'être transformé en machine de guerre par un supervilain dépourvu de toute compassion pour son prochain: Ajax, aka Francis si on veut se foutre de sa tronche en lui rappelant son vrai prénom qui sent la guitare sèche, la moustache et la sarbacane. Ainsi va naître un héros un peu cheap (n'est pas Bruce Wayne qui veut), pas toujours ni très fin, ni très malin, mais au panache et à la hargne indiscutables: un héros qui veut tout sauf en être un, qui fait des omelettes en cassant beaucoup d'œufs, et qui en a assez pris plein la tronche pour avoir des envies de vengeance irrépressibles.
Bon, on va pas se mentir, Deadpool n'est pas le film de l'année. La réalisation, par Tim Miller, ancien des FX, si elle est honorable dans l'ensemble, ne casse pas non plus 3 pattes à un canard, et c'est pas vraiment au niveau de l'image qu'on en prend plein la gueule. Rien de très moche cependant, si ce n'est le décor palette graphique de la dernière scène dont je suis pas une immense fan. Le scénario n'est pas non plus d'une originalité absolue, on reste dans la grande tradition de la genèse du héros de comics, même si ce héros-là est plus anti- que super-.
Mais il y a tout de même de très bonnes choses à mettre au crédit de ce film. J'ai d'abord plutôt apprécié la construction narrative du film, assez éclatée, permet d'obtenir un récit très dynamique, toujours assez trépidant. On ne s'ennuie pas une minute, et en terme d'Entertainment, on en a pour son argent.
C'est aussi plutôt bien joué, notamment par Ryan Reynolds qui fait, à mon avis, carrément bien le job. Et j'avoue que revoir Morena Baccarin (la jolie Inara de Firefly) fait tout de même plaisir. tous les deux, il forment un joli couple un peu déjanté et se payent même le luxe de quelques scènes véritablement émouvantes et bien écrites. Je citerai notamment une scène chez le médecin qui permet vraiment de s'attacher à ces personnages un peu perdus mais profondément humains.
Et puis surtout, il y a l'humour qui soutient tout le film, qui donne une véritable bouffée d'air délicieusement vicié. C'est cracra, c'est lourdingue, c'est violent, c'est bêta, mais qu'est-ce que ça peut faire du bien! Et heureusement que c'est là, parce qu'il y a quand même une partie du film qui est sacrément noire et désespérée, on pourrait presque parler de torture porn à certains moments (donc, on n'y va pas avec son neveu de 8 ans - et de toute manière c'est interdit au moins de 12 ans). Au niveau de la blague, y'en a pour tous les mauvais goûts: masturbation, drogues, quotidien lessivesque des superhéros sanglants, pipicacaprout... C'est la fête du slip sur les collants, et si c'est pas d'une finesse à toute épreuve, et que ça le fait pas forcément en soirée en ville de dire qu'on s'est bien poilé devant Deadpool, c'est définitivement libérateur. Et en ce qui me concerne, la monde merdique de ce crétin m'a fait oublié le nôtre pendant quelques heures et s'il n'a rien de chevaleresque, il m'aura tout de même vaillamment sauvé d'une grosse morosité bien plombante.