J'avoue ne pas avoir été très active sur ce blog ces derniers temps. Normal, je profite de mes vacances. Du coup, comme j'écris de bien loin, je dois dire que je suis passé à côté de la bourrasque cannoise (pas grave) et que je n'ai pas encore vu Mad Max (là, ça l'est sûrement) parce que j'ai trop de choses à voir ici pour fréquenter une salle de cinéma...
J'ai cependant eu le temps de voir quelques films, que j'avais ratés ces derniers temps au cinéma et même si vous en avez déjà entendu beaucoup parlé, j'ai quand même bien envie d'en rajouter une couche.
On commence avec Whiplash, un film de baston musicale de Damien Chazelle qui raconte l'histoire d'un jeune virtuose de la battoche qui fait face à un très méchant professeur qui trouve que le meilleur moyen de faire sortir ses tripes à un artiste, c'est de lui couper la bidoche, de lui faire faire des abdos jusqu'à ce que ses 7 mètres d'intestin se soit dévidés puis de lui demander de sauter à la corde avec. Le tout à 180bpm. Cool, on parle de death metal aujourd'hui? Bah non, c'est du jazz, mais ça reste aussi subtil que du Slayer.
Vous l'aurez compris, je n'ai pas, mais alors pas du tout aimé ce film qui a reçu beaucoup de critiques positives, et je m'en vais vous expliquer pourquoi en quelques points:
1. Si tu veux que j'aime ton film, fais-moi aimer ton personnage
Et oui déjà ça commence mal, parce que le personnage principal est un petit roquet arrogant, arriviste et autocentré au possible. C'est pas la faute du pauvre Miles Teller, acteur qui fait ce qu'il peut avec ce qu'on lui a écrit et qui est finalement une tête à claque et des membres au click tout à fait crédible. On sent qu'il y a du boulot, là derrière, de la performance (dieu sait combien cette notion est importante dans le film), mais que ce n'est pas au service d'un rôle très aimable. Parce que moi, cet Andrew Newman, j'ai passé une partie du film à vouloir lui mettre un coup de boule, l'autre à m'en foutre royalement. Je n'ai absolument pas réussi à avoir une quelconque compassion pour cette petite ordure prête à marcher sur tout le monde pour réussir, à renier sa famille (son père est un loser de professeur de lycée -la honte-, il préfère se choisir un père spirituel qui s'il est un tortionnaire, a la mégaclasse en t-shirt moulant noir), à être imbuvable avec la seule nénette qui est parvenue à ne pas fuir devant son melon gigantesque. Parce que oui, c'est le genre de mec qui, quand il veut reconquérir le coeur de la belle qu'il avait traité comme une grosse bouse, n'hésite pas à lui dire "Oui, je sais, j'ai pas été très cool, mais je joue avec mon band ce week-end, ça te dirait de venir me voir me la raconter à mort?".
Son antagoniste, J.K. Simon, qui reprend simplement le rôle du Sergeant Hartman de Fool Metal Jacket: non seulement c'est le sosie de R. Lee Earney, mais en plus y'a une scène hommage de fat bashing pour que tu comprennes bien la référence. Encore une fois, ce n'est pas bien la faute de l'acteur qui fait ce qu'on lui demande et sait parfaitement être odieux, comme s'il était le fils naturel de Cruella d'Enfer et de l'Orangina Rouge, avec un côté j'me la pète que même Miles Davis à côté, c'est l'humilité incarnée.
Du coup, si les combats de coqs ne t'intéressent pas et que tu aimes bien t'attacher à des personnages, passe ton chemin ou apprend à développer ton syndrome de Stockholm, parce que les deux zigotos ne vont pas évoluer d'un iota pendant tout le film: les deux vont s'obstiner dans l'arrogance et l'égocentrisme. Chouette non?
2. La caméra n'est pas une batterie
Déjà, en musique, je ne suis absolument pas une adepte de la performance virtuose. Je suis capable d'être admirative devant un solo de gratte au bas du manche, devant une vitesse de frappe de double phénoménale, mais pour moi, ça reste du spectacle, pas de la musique. Parce que moi ce que j'aime c'est la mélodie, où le moment d'exploit ne se déploie que s'il est nécessaire.Ce que j'aime c'est les musiciens qui sont capables d'atteindre ces sommets, mais ne le font qu'au moment où c'est justifié, pas juste pour me montrer qu'ils peuvent le faire. Ce que j'aime, c'est la reine de la nuit qui atteint la note la plus haute quand elle est arrive au climax de sa folie vengeresse.
Ben pour la caméra, c'est pareil. J'aime les plans audacieux, les beaux mouvements de caméra, mais il faut qu'il soit justifiés. Sinon, ça devient ce que j'appelle du "cinéma de l'épate".
Qu'est ce que c'est le cinéma de l'épate? C'est celui qui consiste à dire "Eh tu l'as vu mon beau panoramique/travelling/fondu, etc?" Parce que tout ce qu'il y a à remarquer dans ton plan, c'est la manière dont tu l'as fait.
Alors oui, Chazelle sait tenir une caméra, y'a pas de souci, mais il fait tout pour qu'on le remarque. Il nous fait "un solo de caméra". Oui, son plan à la steadycam dans l'orchestre de Fletcher au début du film est très bien fait. A quoi il sert? Ben , euh...
C'est dommage, parce qu'à mon avis, il traite son film comme une performance musicale: la virtuosité est là, on peut être épaté, mais on ne peut pas être ému (t'as déjà chialé à un concert de free jazz?). Pour moi, ce qu'il y a dans l'image doit toujours être plus important que l'image elle-même.
3. Si la musique c'est ça, je préfère devenir sourde
Qu'on ne se méprenne pas, j'ai rien contre le jazz, encore moins si c'est du Duke Ellington et j'avoue que la musique qu'on entend dans Whiplash est très belle.
Non, mon problème, c'est la vision de musique qui est décrite dans le film. Une vision à laquelle je ne souscrit pas du tout. Si on s'intéresse à la manière dont fonctionne les motivations des personnages, la musique, c'est tout sauf une affaire collective. Ici, la musique c'est un truc d'égo. les autres ne sont là que pour soutenir un talent individuel, ou comme menace personnelle. Pour moi, un jazzband, c'est tout sauf ça, mais je dois vivre chez les bisounours qui pensent que le plaisir de la musique est dans l'émulation collective des artistes qui prennent plaisir à s'écouter et à jouer ensemble... Parce que grâce à Whiplash, j'ai appris que la musique, c'était juste un moyen de montrer qu'on était plus fort, plus beau, plus puissant.
Et puis la musique, c'est pas un truc de gonzesse. Y'a qu'une seule fille dans toute l'école de jazz, et c'est la seule qu'on entend réellement jouer faux. On vous l'a dit la musique, c'est comme le concours de celui qu'a la plus grosse: c'est un truc de mâle! Les filles, ça y comprend rien, y'a qu'à voir la pauvre copine du héros, qui n'a aucun objectif dans sa vie (loseuse!) et n'a pas grand intérêt si ce n'est créer un contraste avec le personnage principal.
4. Et finalement, c'est quoi la morale?
Ben la morale, c'est que le meilleur moyen de moucher un gros con arrogant qui t'opprime c'est de faire exactement ce qu'il attend de toi et de devenir à ton tour un gros con arrogant. Après, vous pourrez vous respecter, là-haut, dans votre monde de gros cons arrogants et vous foutre de la gueule des pauvres débiles en bas qui font de la musique pour le plaisir (losers!).
Et là, je peux le dire, j'ai proprement détesté le film. Ca arrive peu souvent, je peux être déçue, je peux ne pas apprécier un film mais y voir certaines qualités. Mais là, je n'aurai aucune indulgence. Le boulot est bien fait: c'est bien réalisé dans l'ensemble, bien joué, mais le tout pour une histoire et un résultat tout simplement abject.
Alors moi je laisse le jazz de New York à Damien Chazelle et je retourne à New Orleans