lundi 3 août 2015

Les biopics bof

Au cours de ce premier semestre, j'ai vu quelques biopics, au ciné ou sur petit écran. Je n'en ai pour l'instant rien écrit, tout simplement parce que je n'avais pas assez à dire sur chacun d'eux. Mais je me suis rendue compte qu'au final, ils partageaient pas mal de points communs, en particulier celui d'avoir suscité chez moi cette réaction molle, ou plutôt cette absence de réaction qui se traduit souvent par un "mouaif" ou un "bof". Du coup, mis bout à bout, je me suis dit que j'avais assez pour rédiger quelque chose.

Je ne sais pas si c'est lié au genre, mais c'est bien possible, parce que je suis souvent rendue compte que les biopics avaient tendance à suivre les mêmes schémas (du type ascension, apogée, déclin, rédemption), mais aussi qu'ils s'étalaient souvent sur une période de temps trop longue à mon goût. Autre faille que beaucoup d'entre eux partagent: un manque de choix dans l'angle pour traiter leur sujet, qui rend souvent le film, comment dire.... mou du genou et insipide.

Imitation game, Morten Tyldum


Pourquoi j'ai voulu le voir: La première raison, c'était l'histoire d'Alan Turing, un personnage absolument fascinant, qui réussit à décoder Enigma durant la seconde guerre mondiale. La deuxième raison, c'est Benedict Cumberbatch (say no more...)

Pourquoi j'aurais pu éviter: En 114 minutes, le film veut beaucoup trop en raconter: le défi scientifique du décodage d'Enigma, les histoires d'espionnage/contre-espionnage, le génie de Turing, ses difficultés relationnelles, son homosexualité, sa déchéance finale et l'ingratitude du Royaume Uni à son égard, son amitié avec Joan Clarke, l'intelligence et le soutien de celle-ci, les dilemmes moraux, son amour de jeunesse. Chaque sujet, en soi, était passionnant. Mais comme Morten Tyldum se refuse à choisir un angle précis par lequel attraper son sujet, ils ne sont tous qu'à peine évoqués. C'est dommage, parce qu'on tenait là un sujet en or. Mais ici, les différentes parties de la personnalité de Turing sont si nombreuses qu'elles ne peuvent être qu'effleurées, et on passe en surface de ce qui aurait pu être un grand film. En comparaison, Un homme d'exception était bien plus intéressant.

Pourquoi c'est pas si pire: Les acteurs sont plutôt bons, même Keira Knightley, qui est ici plutôt sobre. Le montage alterné apporte un peu de rythme au film qui serait sinon assez soporifique. Les images sont belles, la reconstitution de l'Angleterre sous le Blitz est très émouvante, la réalisation est certes classique, mais léchée. Ca se laisse regarder.


A dangerous Method, David Cronenberg



Pourquoi j'ai voulu le voir: David Cronenberg

Pourquoi j'aurais pu éviter: En 93 minutes, non pas une mais trois biographies croisées: celle de Freud, celle de Jung et celle de Sabina Spielrein, les rapports médecin/patient, maître/élève puis S/M entre Jung et Spielrein, les rapports père/enfant, maître/disciples entre Freud et Jung, leurs séparations respectives, leurs pulsions, leurs visions de la psychanalyse, la légende en création, l'histoire en marche. Pareil. Un film sur les rapports entre deux personnages par exemple, aurait été largement suffisant. Mais ici, en refusant de choisir un angle d'attaque précis, Cronenberg ne finit par raconter que des platitudes, rendant insipides les conflits intellectuels autant que les drames passionnels qui devraient pourtant nous emporter. Keira Knightley a beau en faire des tonnes et multiplier les ouvertures de bouches, Fassbinder et Mortensen ont beau lustrer leur moustache, les trois ont beau tenter de contrefaire des accents plus ridicules les uns que les autres, on s'ennuie.

Pourquoi c'est pas si pire: C'est une bonne introduction aux pensées de Jung et Freud, l'époque est bien rendue, les costumes sont beaux. La réalisation est décevante pour un Cronenberg, de facture tout à fait honorable si on compare à la production filmique en général. On bâille un peu, mais comme ça n'est pas trop long, ça passe.


Big eyes, Tim Burton



Pourquoi j'ai voulu le voir: Tim Burton, qui pour une fois, ne fait pas dans l'autoparodie, l'histoire intrigante de Margaret Keane, artiste kitschouille auteur de nombreux portraits d'enfants aux grands yeux (perso, moi je trouve qu'ils sont quand même très inspirés de nos Poulbot), qui se sont vendus comme des petits pains sous le nom... de son mari, Walter Keane.

Pourquoi j'aurais pu éviter: En 105 minutes, Burton a voulu nous raconter toute l'histoire de Margaret Keane: ses débuts, son mariage, sa famille, son inspiration, son procès, mais sans rien vraiment nous dire sur elle. Dommage. Parce qu'il y a de très bonnes idées dans ce film, mais qu'elles ne vont pas jusqu'au bout. Burton tente une intrusion fantastique dans la psychée de Keane, nous montrant son obsession des grand yeux. Mais d'où vient-elle, que représente-elle, à quoi sert-elle dans la suite du récit?  A rien, les belles scènes de trips horrifiques n'amènent rien au film, ne déclenchent rien chez le personnage. On sent pourtant que le poids du trauma et de l'horreur est là, dès la première fuite conjugale de Margaret Keane, mais ce n'est qu'effleuré. C'est dommage, il y avait là un angle intéressant mais il n'est absolument pas exploité.

Pourquoi c'est pas si pire: Burton n'est pas dans l'auto-parodie et ça, ça fait du bien. Amy Adams est très bien et même si Christoph Waltz en fait des caisses, c'est parfois réussi, comme dans la scène complètement loufoque du procès, qui est pour moi LA scène burtonienne (au bon sens du terme) du film. Et puis bon, une apparition de Terence Stamp, ça suffit à illuminer ma journée


L'antidote: Walk hard, l'histoire de Dewey Cox, Jake Kasdan

Si vous aussi, vous trouvez que les Biopics se transforment souvent en Bofopics, vous allez adorer vous en moquer grâce à cette parodie, passée totalement inaperçue en France (et pour cause, non distribuée au cinéma).

Ici, Judd Appatow et Jake Kasdan utilisent tous les poncifs du biopics, et en particulier du biopic musical, pour raconter la vie du début à la fin d'une star fictive, Dewey Cox, une sorte d'Elvis/Johnny Cash . Tout y est. Le trauma initiale, la revanche à prendre sur la vie, la vie qui influe l'œuvre, la drogue, les femmes, les 60's, les 70's, l'ascension, la chute et la réhabilitation.

C'est super bien vu, c'est débile et tordant et c'est avec un des meilleurs acteurs comique et dramatique au monde: John C. Reilly. Et surtout, ça montre bien tout ce qu'il ne faut pas faire sur un biopic, et qui est souvent, malheureusement, fait.










13 commentaires:

  1. J'ai pas encore vu le Tim Burton (oui, je sais un comble ^^) mais j'ai a priori pas un grand amour pour les biopics...

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    1. J'avoue que Burton m'avait beaucoup déçue ces dernières années. il était pour moi devenu une caricature de lui-même, répétant inlassablement et de manière outrée les tics filmiques qui avait fait son succès, mais en n'y injectant plus la poésie et l'humanité de ces films précédents. Bizarrement, ce film m'a plutôt réconciliée avec lui.
      D'abord, parce qu'il a enfin l'audace de tenter autre chose. Ca n'est pas réussi, ça n'est absolument pas abouti, mais il y a en gestation sous Big Eyes un grand film, sur la répétition du trauma et l'identité artistique. Il le touche parfois du doigt, mais on sent qu'il se retient d'aller dans cette direction narrative, sûrement par respect pour Margaret Keane, toujours de ce monde. C'est dommage, parce que c'est justement lorsqu'il s'éloigne du réalisme que le film devient intéressant, et on se prend à rêver de ce qu'il aurait pu être s'il avait osé faire sienne cette histoire. Malheureusement, en tiédissant ce propos du film et en plongeant dans le biopic classique, il finit par m'ennuyer un peu. Mais ça me redonne espoir en lui.

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  2. Je comprends ton avis de saturation des biopics. Big Eyes et Imitation game m'ont vraiment paru intéressant mais en terme de qualité de films, ça aurait pu être mieux :).

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    1. Pour moi, ces trois films avaient tout pour être intéressants. Il y avait là 3 sujets en or et des personnages bigger than life. Cela prouve pour moi qu'il y a une chose extrêmement importante dans le biopic, c'est de choisir un angle narratif et de ne pas vouloir tout traiter. C'est ce qui pour moi fait la réussite de mes biopics préférés: Amadeus, Ragging bull ou récemment le formidable Foxcatcher, par exemple.

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  3. Pour ma part, j'ai bien aimé Big Eyes malgré ses défauts et sa dimension un peu trop classique (même si cela n'a rien d'insultant), disons que j'ai trouvé le traitement des thèmes très intéressants. J'ai bizarrement retrouvé la patte de Burton et pour moi c'est son meilleur film depuis Sweeney Todd (en sachant que ce dernier n'est pas non plus totalement nickel).
    Par contre je n'ai pas du tout A Dangerous Method, c'est d'un ennuiiii ce film, c'est trop bavard, et à part Viggo, je trouve que les acteurs jouent mal surtout Keira (oooh je suis méchante).
    Pas encore vu Imitation Game, j'en ai entendu beaucoup de bien mais je me méfie toujours (bien que j'adooore Benedict).
    Moi non plus je ne suis pas une grande friande de biopics et ahahah Walk Hard mon dieu j'adore ce film, il a tout compris ce film !

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    1. Comme je le disais plus haut, je n'ai pas complètement détesté Big Eyes, et c'est aussi pour moi le meilleur film de Burton depuis longtemps (depuis Big fish en ce qui me concerne). En fait, je suis même agréablement surprise qu'il ait délaissé l'autotune pour se lancer enfin dans un projet différend.
      Je n'ai effectivement rien contre le classicisme, sauf si cela signifie l'ennui, ce qui a quand même été le cas pour moi ici. Le souci pour moi dans ce film, c'est que Burton y a décelé de très grandes idées, que j'aurai adoré le voir poursuivre, mais qu'au nom sûrement de la vérité historique, il n'a probablement pas voulu développer. C'est dommage, parce que les obsessions du personnage sont fascinantes et c'est ce film là (qui était quand même celui de la bande annonce), un thriller à la fois inquiétant et grotesque, que j'aurai aimé voir. On y est presque dans certaines scènes. Celle du procès, par exemple, est un plus bel hommage à Lewis Caroll que ce qu'il a fait avec Alice au pays des merveilles. C'est dommage qu'il ne soit pas laissé aller sur cette pente, parce qu'il aurait pu faire quelque chose de la trempe d'un Ed Wood. Pour moi, ce n'est pas le plus réussi des trois films, parce qu'à quelques exceptions, je me suis quand même plus ennuyée que pour The Imitation game, qui est il est vrai plus classique, mais mieux maîtrisé. Mais ça me laisse entendre que Burton en a encore sous le capot et que s'il se fait un peu confiance, il peut encore nous étonner.
      Et A dangerous Method est pour moi un ratage complet. Effectivement Keira Knightley est insupportable (pourtant je l'aime beaucoup ailleurs), mais les mecs cabotinent aussi. Michael Fassbinder réussit à ne pas être sexy (un comble!). Les scène SM sont plus planplans qu'un plat de carbo (et encore, je suis certaine qu'un plat de carbo pourrait être plus excitant). Mais je me demande si depuis quelques temps, Cronenberg, après avoir travaillé longuement sur la chair, ne ferait pas un trip sur la désincarnation de notre société, le fait de parler sans cesse du corps sans jamais l'approcher, une société bavarde qui se projette sans cesse mais n'agit jamais. A y réfléchir, c'est le sujet de Cosmopolis et de Maps to the stars également. Nom de Zeus, faut que je me penche là-dessus...
      Sinon Walk Hard, je l'aime d'amour. D'abord parce que j'aime la grosse comédie américaine si peu souvent distribuée par nos contrées, et ça me crève le cœur. Et puis John C. Reilly est un des meilleurs acteurs possible. Il est génial partout où il apparaît que ce soit dans Magnolia ou Frangins malgré eux. Et enfin, ça fait tellement plaisir de voir qu'ils ont tout compris aux recettes hollywoodiennes, et qu'en nous en montrant les poncifs, ils arrivent non seulement à nous faire mourir de rire, mais aussi à nous faire réfléchir sur le besoin qu'a ce genre d'essayer de se renouveler. Je pense, tout à fait sérieusement, que ce film est salutaire et que si les scénaristes des trois films précédents l'avaient vu, cela aurait peut être donné de très bons films.

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    2. J'avoue que j'ai un peu du mal avec Big Fish, intéressant, émouvant, fait sincèrement mais je l'ai toujours trouvé un peu artificiel.
      Je suis d'accord sur le fait que Burton aurait pu aller plus loin dans sa mise en scène, c'est un peu sage mais je trouve le job bien fait. Peut-être mieux que ses soi-disant grains de folie de ses dernières années qui dissimulaient derrière de véritables ratages.
      Je confirme : dans A Dangerous Method, Fassbender est moche (bouuuuh). Et les SM, mon dieu, ridicules !
      Je suis totalement d'accord avec toi en ce qui concerne les nouveaux thèmes de Cronenberg, hélas je ne trouve pas que ses films suivent forcément les bonnes idées et son intérêt pour des sujets profonds.
      Je ne suis pas si fan de la grosse comédie américaine, ni de la bande à Apatow, mais celui-là je l'aime car il est finalement si juste et à peine exagéré !

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  4. Je n'ai vu que Big Eyes... Mais je verrais bien les autres à l'occasion ! :)

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    1. Pour moi, privilégie plutôt Imitation game que A dangerous Method, il est plus prenant. :-)

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  5. Tu m'éclates avec tes réponses aux commentaires qui sont presque à elles seules des articles! c'est également plaisant à lire car on sent que tu as envie de partager et d'échanger sur les sujets traités.
    Sinon moi je suis une grande fan des biopics ( chacun ses défauts) et j'attendais plus des 3 premiers films dont tu parles. Je suis tout à fait d'accord avec toi quand tu parles de l'importance de l'angle de traitement du sujet.
    Je me suis mortellement ennuyée avec A dangerous method, j'ai été déçue par Imitation Game car je pense comme toi que la personnalité passionnante d'Alan Turing était un sujet en or. Pour Big Eyes c'est le gros mouais...Je note avec empressement "Walk hard" sur ma liste.

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  6. Hahaha! C'est vrai que pour des films pour lesquels je ne trouvais rien à dire...
    C'est vrai que le biopic, c'est pas trop ma came, mais quand le sujet m'intéresse, j'y vais quand même. Et après tout, qu'Est-ce que Citizen Kane sinon un formidable biopic fictif? Aucune honte donc à aimer le genre, quand il est bien fait.
    C'est vrai qu'avec ces trois sujets, mais aussi avec deux réalisateurs pas piqués des vers, on attendait quand même beaucoup mieux...
    Fonce sur Walk Hard, c'est aussi débile que malin (si si, c'est possible)

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  7. Enfin quelqu'un qui pense comme moi -:) ! les biobipcs, qui ont le vent en poupe à l'heure actuelle, ne m'ont jamais vraiment emballée : les réalisateurs essaient tellement de coller au sujet qu'ils en oublient que faire un film à partir d'une vie, c'est aussi accepter de prendre des libertés avec elle. Pour cette raison, je n'aime que l'Allée du roi, de Nina Companeez (ah, Samuel Labarthe!) et Romance inachevée, avec Stewart et Allyson, sur la vie de Glenn Gould. Très sympa. des bises miss, et je suis très heureuse de pouvoir de lire à nouveau!

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    1. Effectivement, le biopic part souvent d'une bonne idée, d'un bon personnage, mais il est effectivement difficile d'en faire une œuvre véritable. Mais c'est tout à fait possible. Je suis sûre que ça n'est pas toi qui me contradira sur l'Impératrice rouge, par exemple ;-). Mais c'est vrai que cela demande vraiment au réalisateur et au scénariste de ne pas se laisser gagner par la paresse d'y voir un "prêt à filmer". Ca me fait toujours plaisir de te voir passer par ici. Des bises et à bientôt!

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