lundi 10 août 2015
Nos futurs, à la recherche du temps perdu
Je n'évoque pas fréquemment Proust. Mais là, le titre me semblait tout à fait adapté. Aussi bien au thème du film (un trentenaire patron de banque, le lendemain arrosé de son anniversaire, décide de renouer avec son ancien meilleur copain et son passé), qu'à mon état en sortant (où sont passées ces 97 minutes que je ne retrouverai jamais?)
Donc voilà, petit résumé en quelques minutes. Yann Querbec (Pierre Rochefort) semble tout avoir pour être heureux: il est patron d'une banque, est mariée à la superbe Estelle (Mélanie Bernier) et pour son anniversaire, on vient de lui offrir un magnifique fauteuil qui ressemble à une machine à voyager dans le temps (wink wink). Mais en vrai, il est malheureux, il est tout coinços, il a pas de copains, il a pas d'enfant et son sous-fifre fait rien qu'à draguer sa meuf. Alors il décide de rappeler Thomas (Pio Marmai) son poto d'enfance, qui n'a pas décollé depuis les années 90 (ou 2000, ça reste très flou) et est resté bloqué dans sa chambre pourrie d'ado, à fumer des bédos au Darjeeling, en buvant du Clos du Cigalou. Décidé à briser le sort qui retient son unique pote dans le temps de l'amour, le temps des copains et de l'aventure, il se décide à contacter tous les anciens du lycée pour reconstituer la super nouba de ses 18 ans.
Alors voilà, j'ai passé une très très longue séance, et je me suis même fait une petite crise de boulimie après (je suis comme ça, m'ennuyer au cinéma, ça me donne envie de pizza, de beaucoup de pizza pour compenser, et d'un gros film d'action). Ce pour plusieurs raisons.
Je vous ai déjà parlé du syndrome "Arrêtez vos salades, commissaire", très chouette article sur ce qu'il y a de pourri dans le royaume des dialogues français. Et ben là, on est souvent en plein dedans. On prononce tous les "ne pas", et c'est blindés de répliques qui sonnent faux, à quelques exceptions qui peuvent être des perles (j'avoue que la réplique de Camille Cottin sur les couches de vomi m'a réveillée de ma torpeur par un rire tonitruant qui m'a moi-même surprise). Mais c'est encore pire quand c'est Pierre Rochefort qui parle. Ce type est totalement amorphe, il ânonne douloureusement son texte, au point qu'on préférerait parfois être devant un concours de récitation de CM2 parce que les gamins, au moins, sont mignons. Alors oui, il joue un type désenchanté, qui a perdu la capacité d'exprimer ses émotions, tout ça, tout ça. Mais c'est pas une raison pour sous-jouer à ce point. Parce que si en plus d'avoir un personnage principal assez peu aimable (par moi, en tous cas), on a un acteur peu performant, ça part quand même très mal.
C'est d'autant plus dommage qu'il est très bien entouré. Pio Marmai essaie tant bien que mal de tenir le film à bout de bras en campant un ado attardé assez convaincant et Kyan Khojandi, Zabou Breitman et Camille Cottin parviennent à assurer quelques rires, par leur simple personnalité. Mélanie Bernier est ravissante et se débrouille comme elle peut avec des dialogues un peu factices pour apporter de l'émotion. Sans ces comédiens assez formidables, j'aurai quitté la salle très rapidement.
En ce qui concerne le genre du film, cela se veut entre la comédie et le drame. Mais pour moi, cela ne réussit aucun des deux, par la faute de l'écriture maladroite et du personnage principal. Mais je pense également que si l'on avait, par une écriture plus drôle, plus dynamique et plus osée, on aurait pu en contrepartie avoir une émotion plus grande. Mais la frilosité du scénario, qui hésite souvent à y aller à fond dans le registre comique, fait qu'on est souvent situé dans l'entre-deux, le tiède: quand on commence à se sentir prêt à rire avec les personnages, on introduit une scène dramatique qui nous refroidit, et finalement on ne peut vraiment atteindre de vraies émotions, trop occupés que nous sommes à nous recentrer à chaque fois. C'est dommage.
Autre problème, j'ai toujours eu un peu de mal avec les approximations, alors quand je vois des détails qui me semblent invraisemblables (et je les remarque vite quand je m'ennuie) ça peut me déranger... En vrac:
- De la Zubrawska à une fête de gamins de troisième. Sérieux? Quel gamin de troisième revient à une fête avec une bouteille de ce type? Et ça n'inquiète visiblement pas le père présent à la fête????
- Le mec, non seulement, est patron de banque à 30 ans. Mais son père l'était au même âge... Ca fait quand même beaucoup...
- Un patron de banque invite ses employés à une fiesta chez lui pour son anniversaire...Normal, quoi! Qui n'a jamais été invité par son grand patron, à son domicile, pour lui fêter ses 30 ans?
- On peut faire le tour de la France en scooter en très peu de temps.
- Y'a du vin tellement pas bon qu'on peut trouver des offres 2 bouteilles achetées, 4 offertes.
Bon, là, ceux qui ont vu le film vont dire que je suis de mauvaise foi, et ils auront raison. Mais pour que je vous en dise plus, il va falloir que je spoile un peu le film, donc vous êtes prévenus. Si vous voulez le voir, ne lisez pas plus loin.
Ma plus grosse déception est là. J'ai compris au bout de 20 minutes comment le film allait se terminer (en tous cas ce qu'il advient de Thomas). Et une fois que je l'ai compris, Nos futurs n'a plus eu aucun intérêt pour moi. Je n'ai fait qu'attendre que ce qui devait arriver arrive, et puis c'est tout. On n'a plus qu'à ronger son frein d'ici là, et à toutes les allusions au "truc", on a envie de dire "c'est bon, j'ai compris, avance, viiiiiite!". C'est toujours le problème de ce genre de film à chute. Mais bon, après discussion avec d'autres spectateurs après le film, si comme moi, certains ont deviné rapidement, d'autres sont passé à côté et ont été surpris par la fin. Donc je dirais que si vous avez l'habitude d'essayer de deviner la fin des films en étant attentif aux indices semés plus ou moins discrètement, vous risquez de vite trépigner.
Mais en plus de tout ça, on a osé nous faire ce que je déteste le plus dans l'écriture de scénario, le deus ex machina le plus fainéant possible, qui me donne envie de me lever de mon siège et d'hurler à l'escroquerie, le fameux et très imitable "Mais tout ceci n'était qu'un rêve". Pour moi, c'est le truc rédhibitoire d'un scénario. Mais c'est la seule chose qui, à mon sens, peut justifier les trucs bizarroïdes que j'ai évoqué plus tôt.
Voilà, si vous êtes arrivés jusque là, vous en savez peut être trop pour avoir envie d'aller voir le film et je vous l'ai peut être gâté à l'avance. Mais c'était à vos risques et périls, je vous avais prévenu. Et si vous décidez d'aller voir le film, je dirais que c'est la même chose...
Outch! Je pensais le proposer (entre autres ) à une copine pour une petite sortie ciné cette semaine. Je l'enlève directos de la liste malgré ♡ Pio ♡.
RépondreSupprimerJe vais revoir ma copie.
Je vous demande pardon? Oui j'ai une confiance aveugle ^^.
Je comprends. Mais rassures-toi, ton Pio chéri n'est pas en cause ici. Il assure comme d'hab
SupprimerCe genre de films ne me plaît pas d'ordinaire. Je suis fan d'histoires plus originales. J'adore le cinéma français et d'auteur mais je comprends ce que tu veux dire, il y a des clichés comme pour le cinéma américain.
RépondreSupprimerLes acteurs ont l'air d'être bons.
A part l'acteur principal, les autres sont plutôt pas mal. Ici, les clichés utilisés ne sont pas uniquement propre au cinéma français malheureusement, surtout dans l'écriture du scénario. En revanche, cette façon d'écrire des dialogues comme en 4ème, avec des jolies liaisons et des termes surannées parce que ça fait mieux à l'écrit, alors que personne aujourd'hui ne parle comme ça, c'est assez significatif d'une certaine production en France. Et ça demande vraiment aux comédiens de faire un boulot phénoménal pour arriver à les faire passer.
SupprimerOuais le film classique du ciné français qui essaye de se la jouer comédie mais pas que. Qui tourne en boucle pour ne finalement rien dire, et comme toi je déteste les escroqueries scénaristiques censées nous faire avaler des couleuvres!
RépondreSupprimerEn fait, la comédie à émotions peut tout à fait fonctionner, même en France. Des films comme Le nom des gens ou Un air de famille continuent de me faire pleurer de rire et d'émotion sans souci. On peut donc être assez bons pour ça. Mais il ne faut pas hésiter sur l'aspect comique. Plus ce sera drôle, moins on aura peur du grotesque, plus on s'attachera aux personnages, et plus leurs déboires vont nous toucher. On sait ça depuis Chaplin.
SupprimerEt puis effectivement, le "tout ceci n'était qu'un rêve", ça me gonfle au plus haut point, mais ce n'est malheureusement pas qu'un syndrôme français...
Je n'ai pas vu ce film (et je connais déjà la "chose", lu par hasard un big spoiler, j'ai pas pu m'en empêcher malgré l'avertissement) mais ton avis ne m'étonne pas, j'en ai un peu marre de ce cinéma français avec ses mêmes insupportables tics... En tout cas je me suis bien marrée en lisant ta critique !
RépondreSupprimerMerci! Si ça peut au moins faire rire, c'est déjà ça.
SupprimerC'est dommage parce que ça pourrit un peu la comédie française indépendante qui, par ailleurs, peut être formidable. Mais bon, j'imagine que ce genre de films à l'écriture bofbof type télévisuelle existe aussi partout dans le monde, mais qu'on a la bonne idée de moins les distribuer chez nous.
Rah pour une fois que je voulais en voir un... Ca me rappelle tous ces films où les parisiens, même au chomâge, habitent dans un appart mouluré de 120 m2 (coucou Rue Mandar).
RépondreSupprimerEn ce moment j'en ai ras le bol des fils à papa et maman. Ils leur suffit d'être justes pour être salués (bordellllllll). J'en ai aussi marre des profils à la con et ultra stéréotypés. Sur ce point j'ai préferé le personnage de Camille Chamoux dans les Gazelles, même si ses copines libérées sont forcément nympho. Est-ce si difficile de filmer ce que signifie être bien, c'est à dire en accord avec soi-même et non pas en opposition avec les autres...
Oops, désolée ;-)
SupprimerMoi je n'ai pas grand chose contre les fils à papa, mais c'est juste que ça m'étonne que dans le contexte actuel, où les banques sont des grands groupes soumis à des actionnaires, qu'on laisse un homme aussi jeune que lui à la tête, simplement parce que c'est le fils du grand patron, qui lui même est mort quand il avait une trentaine d'années (qui a pris la place entre les 2? je me demande bien...)
Arès n'ayant pas vu les gazelles, donc je ne suis pas forcément apte à en parler. Mais il reste des films parisiens et justes, avec des personnages bien sentis. Dans le genre, je te conseille Dans la cour qui, pour coup, réussit parfaitement l'alliance comédie/drame, a des personnages justes et est extrêmement bien joué. Et bonus pour les fans (elles se reconnaîtront), Pio Marmai est de la partie!
mitigé… c'est le sentiment que j'ai eu!
RépondreSupprimerJe comprends...
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