pelloche

pelloche

mercredi 25 mai 2016

Men and chicken (Hallucinations collectives): la génétique est une chienne (ou un hibou, ou un poulet, ou un boeuf)



Après "famille, je t'aime", il est temps de dire, "famille, je t'aime bien, mais franchement, y'a des trucs chez toi dont je me serais bien passé"... Parce que bon, c'est bien gentil l'amour, la camaraderie fraternelle, la sécurité filiale, mais il faut pas oublier qu'on n'hérite pas forcément que de bonnes choses. T'as le nez bossu de ta grand-mère, les cheveux impeignables de ta tante, la brioche de ton oncle et le diabète de ton père, alors que ta frangine a hérité de la chevelure abondante et soyeuse de la grand-mère, du teint rayonnant de ta tante, de la santé de fer de ton oncle et des dents parfaitement alignées de ton père? Ben oui, on en a la preuve tous les jours en regardant les Corrs, les Fonda, les Leigh-Curtis ou, pour d'autres raisons, les Marx Brothers: la génétique est une grognasse au cœur de pierre.

Et ça n'est pas Men and chicken, le film complètement taré (au sens génétique du terme) de Anders Thomas Jensen, que j'ai eu la chance de découvrir en avant-première aux Hallucinations Collectives (où il a obtenu le prix du public) et qui sort cette semaine, qui va me contredire là-dessus: quand l'ADN a décidé de jouer avec les chromosomes d'une famille, ça peut être pour le meilleur comme pour le pire. Et bien évidemment, ce n'est pas le meilleur auquel s'intéresse le réalisateur danois du déjà très drôle et très grinçant Adam's Apple (déjà avec Mads Mikkelsen, que je vous conseille avec ferveur!).



Men and Chicken, c'est d'abord l'histoire de 2 frères, Elias et Gabriel. Elias (Mads Mikkelsen) est un gros bourrin à la fois étrange et insupportable, aux manières aussi délicates qu'une chanson de Manowar, qui a donc bien du mal à trouver une partenaire de copulation. Gabriel est lui plus réfléchi et sensible, mais pas moins seul. Autant dire que ces deux caractères opposés n'ont pas vraiment une relation paisible et douce. Et lorsqu'ils apprennent qu'ils ont été adoptés et que leur père biologique est un généticien reclus sur une île, ils décident d'aller à sa rencontre. Ils vont découvrir un trio de frères tout à fait particuliers et comprendre à quel point les chromosomes qu'ils partagent sont tordus.

Ce film a été un véritable coup de cœur! Ce film est tout simplement taré (dans le sens fou du terme, ici!), et Anders réussit là un coup de maître. On ne sait pas comment tout ça peut fonctionner, comment il parvient à tenir un équilibre alors que ça part dans tout les sens. Mais force est de constater, ça tient: sur des planches vermoulues, sur de la paille pourrie, sur un sol crotté, mais bon sang, ça tient. Ca foisonne de partout, c'est un bordel sans nom, mais c'est absolument jouissif. On pense à Kervern et Delepine, on pense à Affreux, sales et méchants, on pense à l'Ile du Docteur Moreau, on pense à Buster Keaton et aux Marx Brothers, et en même temps, c'est complètement différent. On a ici un film d'une originalité démente, à la fois drôle, cruel et tendre, qui a un potentiel de film culte énorme.




Déjà, il y a un scénario béton. Et vu comme tout part en sucette, laissez-moi vous dire que pour que ça tienne, il fallait bien des fondations mastoc. Et tout, même les moments les plus frappadingues, est réglé au cordeau, chaque détail sert, chaque élément de conversation sert. C'est découpé au scalpel, même si on a l'impression que c'est tailladé à coups de hache. C'est très très bien écrit, que ce soit l'histoire ou les personnages.

Les personnages d'ailleurs, parlons-en! Là encore, je ne sais pas comment ce film s'y prend, mais ils ont beau être complètement idiots, violents, égoïstes, sexistes, vulgaires, on les aime quand même. Y'a comme une boule de tendresse dans ces grosses brutasses que l'évolution darwinienne semble avoir oublié, comme un trop-plein d'amour dans les maraves à coups de poutres et d'animaux empaillés. En plus, ils sont servis par des comédiens qui prennent autant de plaisir à les incarner que nous à les voir évoluer. Cette famille là, on serait prêt à bouffer notre extrait de naissance pour ne pas en faire partie, mais elle est pourtant terriblement attachante, parce que même dans sa complète démence, dans sa monstrueuse anomalie, elle ressemble à la nôtre: elle a ses rivalités et ses secrets, ses ressemblances involontaires, ses effets d'attraction-répulsion, elle est le foyer et la prison, le rire et les larmes, le lieu où on se fait mal parce qu'on s'aime.



Ajoutez à cela une très belle photo de Sébastian Blenkov et des décors géniaux de Mia Stensgaard, qui permettent à l'histoire de se développer dans une atmosphère chaude et rance.

J'essaie de ne pas vous en dire trop, parce que ce film est une surprise de scène en scène, et que je ne voudrais pas vous la gâcher. Personnellement, j'ai passé une séance à écarquiller les yeux d'étonnement, à m'étouffer de rire à des moments où je ne m'y attendais pas et à regarder incrédule le reste de la salle dans le même état que moi. C'est un film à la fois choquant et attendrissant, délicieux et tonitruant, à ne pas rater!












17 commentaires:

  1. Je suis tombée sur les affiches du film dans le métro parisien et je me suis dit "que quoi qu'est-ce ? ce titre est génial cette affiche est géniale Mads Mikkelsen est génial il faut que je voie ce film." Ton opinion me conforte dans l'impression générale que dégage l'affiche, je vais filer voir Men and Chicken ce week-end :) !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Fonce! C'est une vraie explosion d'idées, de rire et d'émotion!

      Supprimer
  2. Je l'ai vu tout à l'heure...
    et je dis CHEF D'OEUVRE!!! Mon dieu que c'était bien!!!!! Ç faisait des mois que je n'avais pas vu un film aussi génial, aussi drôle, émouvant, innovant, original, enfin bref c'était monstrueusement parfait! Et ton article lui rend parfaitement honneur.
    Maginfique, magnifique, magnifique!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Monstrueusement parfait", c'est exactement ça!

      Supprimer
  3. Raaahhhh je rage, il ne passe pas dans mon cinéma alors que ça a l'air trop bien et que je suis une fan d'Adam's Apples !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Change de cinéma illico! Une programmation sans Men and Chicken? Mais où va-t-on?

      Supprimer
  4. Bah le truc c'est que je suis dans une ville où il y a trois cinémas et d'habitude j'ai vraiment tous les films possibles diffusés ! C'est un cas ultra rare ! Il n'est pas non plus dans les villes d'alentour, c'est un cauchemar !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ca c'est vraiment pas cool, ce film fait tellement de bien, il faudrait qu'on puisse le voir partout, c'est un parfait remède à la morosité actuelle

      Supprimer
  5. Il a l'air bien barré ce film :) Évidemment, il ne passe pas chez moi mais comme j'habite la cambrousse, rien d'étonnant à cela.
    Il a un look le Mads, un vrai look de bouseux. Qui eût cru que ce BG puisse un jour ressembler à un gros bizu. La magie du cinéma ! ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Rho, quel dommage que tu ne puisses pas le voir, c'est vrai que la performance de Mads est assez surprenante, mais tout le film l'est. J'espère que tu pourras bientôt le rattraper en DVD

      Supprimer
  6. Intriguant, très intriguant...(Sauf lorsque tu dis que ça fait penser à Affreux, sales et méchants. Là j'avoue que cela m'a refroidie 2 secondes).
    L'affiche m'avait interpellée, la bande-annonce m'a enthousiasmée et comme souvent ton article vient valider ce sentiment d'ensemble qui me dit d'aller voir ce film. Je vais essayer de convaincre Môsieur. Bon WE!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ne t'inquiètes pas pour Affreux sales et méchants, je trouve que Anders Thomas Jensen a beaucoup plus de tendresse pour ses personnages qu'Ettore Scola, même si plusieurs aspects du film peuvent être assez perturbants (mais là, je peux rien te dire, il faut voir le film) Hâte d'avoir ton avis, en tous cas! Bonne semaine!

      Supprimer
  7. Depuis le temps que je vois passer cette moustache et ce titre sans rien comprendre ! J'ai jubilé à la lecture de ton billet, il semble contenir tout ce que j'aime. Du Kervern et Delepine (<3) sans le côté sordide en somme.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On peut pas dire que le film soit totalement dénué de sordide, mais c'est abordé avec une telle tendresse, une telle bienveillance et un tel humour, notamment visuel (la fan de Rick Mayal devrait apprécier!

      Supprimer
    2. Rahh tu me prends par les sentiments. Je pense que je vais me caler une petite séance vendredi !

      Supprimer
  8. Il paraît que ce film est complètement déjanté ou disjoncté.. pas sûr de pouvoir l'aimer!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il l'est, mais il y a tant de tendresse inopinée dans ce film, qu'elle emporte la mise

      Supprimer