pelloche

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lundi 26 janvier 2015

Foxcatcher: le revers de la médaille



Fait pas chaud en ce moment. Le ciel est gris, l'atmosphère est humide et froide. On se sent glacé à l'intérieur. Alors c'est le bon moment pour aller voir Foxcatcher. Pas parce que vous allez tout de suite vous sentir mieux, vous lover dans ce film comme dans un pull angora. Nooooon, mes petits amis, mais parce que vous êtes dans l'ambiance idéale pour vous prendre de plein fouet la bourrasque de ce film, pesant (dans le bon sens du terme) comme les nuages qui nous bloquent la vue, glaçant comme la bruine qui s'épaissit autour de nous, et toujours prêt à basculer comme nos pieds sur le verglas... Alors préparez vos moufles et vos bonnets, et faites une petite cure de vitamine: Winter has come, et cette semaine, c'est avec ce film de Bennett Miller qu'il s'installe bel et bien.



L'histoire, aussi incroyable que réelle, c'est celle de deux frères lutteurs médaillés aux jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, Dave et Mark Schultz. Et on parle de l'or, rien que ça. Dave, le plus vieux, ici interprété par Mark Ruffalo (hiiiiii), est déjà une star, il a son club, sa petite famille qu'il aime protéger et entraine deux fois par jour son jeune frère, Frank. Ce dernier (Channing Tatum) est lui aussi un champion mais son aura est quelque peu éclipsée par celle de son illustre frangin, qui est visiblement un génie technique du sport. Il habite seul, rêve de gloire patriotique et de devenir le meilleur. Ca tombe bien, c'est justement ce que lui propose John Du Pont (Steve Carrel, pas reconnaissable), de la famille Du Pont, un multimilliardaire fan de lutte qui a décidé de financer son entrainement, et celle de toute une équipe triée sur le volet pour les JO de Séoul. Le nom de l'équipe? Foxcatcher, le même nom d'équipe qu'utilise sa reine mère (Vanessa Redgrave) pour les canassons qu'elle monte pour la chasse à cours... Vous commencez à la sentir l'ambiance pas super cool???



Parce que oui, il se trouve que John Du Pont est un type assez étrange qui a un rapport particulier avec sa môman, et dont le seul ami, enfant, était payé pour l'être. Il rêve lui aussi d'une chose, être un mentor, un type prêt à inspirer la réussite et à amener l'Amérique (rien que ça) à la gloire internationale qu'elle mérite. Et lui, il a les moyens de vivre ses passions (les trains électriques, l'ornithologie, la philatélie, les armes, la lutte) à grande échelle... Quant à Frank, c'est un gamin un peu perdu, prêt à être influencé par quiconque voudra bien croire un peu en lui, parce que lui-même en est incapable. Tout pour réussir une relation saine et enrichissante entre deux personnes, non?

Vous l'aurez donc compris, le rêve va tourner sournoisement au cauchemar, et un jeu de domination et de massacre va bientôt prendre place.


Autant vous le dire tout de suite, j'ai passé la séance entière bouche bée, les mains cramponnées à mes accoudoirs. Ce film est une réussite absolue. D'abord parce que la mise en scène est simplement parfaite. Tout est fait pour que l'on ressente l'atmosphère pesante, froide et viciée de cette histoire. Le domaine des Du Pont est vite filmé comme un lieu clos, hors du monde, une prison dorée en dehors de la réalité. Les espaces sont à la fois chargés et vides, on y ressent l'opulence alliée à la profonde solitude. Et vindiou, moi qui suis pas très sport, ces derniers temps, je vois au cinéma parmi les plus grandes scènes du genre. Ici, la première scène d'entrainement entre Dave et Mark est un coup de Maître. On y voit toute la vélocité, la technicité et la beauté de ce sport que personnellement, je ne soupçonnait pas. Mais surtout, en début de film, cette scène pose magnifiquement les personnages: la compétition sourde entre les deux, la frustration du plus jeune, la protection compréhensive du plus vieux, tout est déjà là, sans aucun mot, dans la confrontation de ces deux corps si différents.



Son prix de la mise en scène à Cannes, Miller ne l'a franchement pas volé, même si je suis déçue qu'il ait eu à la partager avec Xavier Dolan (mais ça, on en parle très bientôt): elle est subtile, entièrement maîtrisée, très intelligente et ne fait aucun cadeau au spectateur: pas un seul creux, pas un relâchement de la tension, un film retenu par des rennes de monteur prodigieux, qui ne sont lâchés qu'au moment opportun. Et surtout, Miller nous fait confiance: il croit à notre intelligence et à notre exigence, ne nous ménage jamais et, sans tape à l'œil ni fausse note, nous entraîne avec ses personnages dans cette spirale des plus inquiétante.



Le scénario, lui aussi, écrit à deux mains par E. Max Frye et Dan Futterman (qui avait déjà travaillé sur Truman, le précédent film de Bennett Miller), est une perle. Je salue notamment une écriture des personnages au poil, d'une précision chirurgicale et d'une humanité désarmante. On est obligé de croire à ses personnages. Bon vous me direz, ils ont existé, c'est facile. Mais là où il font un travail de titan c'est qu'aucun d'eux, à part peut être celui interprété par Mark Ruffalo (hiiiiiii) n'est tout à fait sympathique. Pourtant, on ne peut s'empêcher de ressentir une véritable compassion pour eux, ce qui est un tour de force quand on aborde John Du Pont, qui est peut-être le personnage qui m'a fait le plus froid dans le dos depuis Norman Bates.

Sans compter que l'interprétation des acteurs est sans faille. Channing Tatum, mâchoire inférieure en avant, tête enfoncée dans les épaules fait de Mark Schultz un gorille effrayé, une proie à la carrure de monstre... Mark Ruffalo (hiiiiiii) amène toute son humanité à un personnage qui n'a qu'un seul objectif: le bonheur de sa famille, parfois au prix de son intégrité (la scène d'interview légèrement orientée est incroyable de justesse). Enfin, Steve Carrel est simplement parfait: il est à la fois dérangeant, détestable, attendrissant parfois, slimy à souhait. Il donne des frissons de dégoût et, juste après, des remords. Je ne serais pas étonnée qu'il ramène bientôt une petite statuette dorée pour ajouter à sa salle des trophées...

Alors, bravez les éléments et allez voir ce film, ce serait trop bête de passer à côté de ce coup de blizzard flamboyant par simple peur d'un rhume...

PS: Je tiens à m'excuser, j'ai toujours une réaction hystérique lorsque j'évoque Mark Ruffalo (Hiiiii),
c'est plus fort que moi. Il a beau s'enlaidir comme pas possible dans ce film, ça continue de faire son effet...


9 commentaires:

  1. Ton enthousiasme quant à ce film est communicatif. Je vais peut-être le voir.

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    1. Merci, ça me fait très plaisir. Et si ça te donne envie d'aller le voir, c'est encore mieux, parce que je pense qu'il le mérite amplement.

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  2. Ayé j'ai bravé les éléments et je me suis même levée tôt ce matin pour aller moi aussi voir Foxcatcher et boudiou, je ne le regrette pas.
    La première scène d'entrainement entre les 2 frères m'a fait le même effet.
    Combien d'heures d'entrainement pour arriver à une telle maîtrise/justesse de cet enchainement virtuose.Première grosse claque, et il y en aura d'autres, le ton est donné.
    Casting impeccable et bluffant. Et puis Marc Ruffalo (Grrrrrrr).
    Après le baseball avec Le stratège, la lutte avec FoxCatcher....(Il manque plus que la gymnastique rythmique avec Nadia Comaneci ^^).
    Ce début d'année 2015 est,comme pressenti, très prometteur.
    Si le film a reçu le prix de la mise en scène, je te décerne quant à moi celui de la critique ciné.
    Bah ouais je le dis et le redis, j'adooore lire tes critiques.
    Tu analyses tout avec passion, justesse et enthousiasme.
    Souvent après les avoir lues je me dis que j'aimerais bien en être l'auteure.
    Vivement ton prochain article!

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    1. Pétard, je ne sais même pas quoi répondre à ça. A part que je suis très contente que tu aies aimé ce film (j'en doutais pas, en même temps), que je suis profondément touchée par tous ces compliments (sérieux, je suis pas loin de verser une larme), et qu'une fois de plus, je me sens particulièrement honorée de te compter parmi mes lecteurs.

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  3. Ooooooh tu me donnes envie! Par contre il va falloir que je trouve quelqu'un qui vienne avec moi parce qu'un film comme ça, je vais avoir besoin de discuter après, de ne pas tout garder pour moi.
    En tous cas bravo pour ta critique, elle est super bien écrite. Je viens de découvrir ton blog via "un nuage, une plume" et ça donne envie de continuer de te suivre!

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    1. Faut absolument trouver une bonne âme pour t'accompagner, alors, parce que ce serait trop dommage de rater ce petit chef d'oeuvre de début d'année.
      Merci pour tous ces compliments. C'est vrai que All mad(e) Here, en plus d'être le blog DIY le plus rigolo et cinéphile de la toile, c'est aussi un peu ma frangine de blog, ma plus fidèle lectrice et mon attaché presse de choc. Franchement, quelqu'un qui fait des magnets les Goonies, ça peut être que quelqu'un de bien. http://allmadehere.fr/2015/01/les-goonies-ont-30-ans/

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  4. Oups, je me mélange dans mes blogs, c'est de chez Allmadehere que j'arrive!

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    1. Ah bah quand même! ^^
      T'as bien fait de passer par ici en tous cas.

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