Dans la collection Oldies but Goodies, un film vu aux Hallucinations Collectives, dont j'avais pu voir des remakes, mais jamais l'original, un film d'épouvante de la Paramount, l'Ile du Docteur Moreau, de 1933.
Grand bien m'en a pris car ce classique maintes fois repris, pas toujours pour le meilleur (à mon humble avis, ce n'est pas très grave si vous faites l'impasse sur le Frankenheimer de 1996 avec le grand duo de cabotineurs Marlon Brando et Val Kilmer) est ici assez formidable.
1932. Les films d'aventure et d'épouvante fonctionnent plutôt bien. La Paramount a décidé d'adapter un roman H.G. Wells, plutôt un bon choix puisque peu d'écrivains peuvent se targuer d'avoir inspiré autant de films, et pas que des moindres, s'il vous plait: L'homme invisible (et ses suites), La machine à explorer le temps, La guerre des mondes. Le studio choisi L'île du Docteur Moreau, un roman de science-fiction et d'aventure trépidant.
L'histoire est celle d'un naufragé qui se retrouve après quelques péripéties sur une île mystérieuse et si petite qu'elle n'est pas indiquée sur les cartes. Il découvre qu'elle est dirigée de main ferme par le Docteur Moreau, un scientifique aux pratiques qui semblent douteuses, et qu'elle est habitée d'étranges personnages, mi-humains, mi-animaux...
Pour interpréter le Docteur Moreau, exilé d'Angleterre sur cette petite île, on choisit l'acteur britannique Charles Laughton. Ce n'est alors que son deuxième grand rôle dans un film américain, et il n'a pas encore réalisé son unique film et immense chef d'œuvre, La Nuit du chasseur. Il accepte le rôle, mais bien loin du personnage et ayant pour ce scientifique aux ambitions grandiloquentes et adepte de la vivisection une véritable aversion, il va transférer tout ce dégoût dans son interprétation. Il crée ainsi un personnage odieux, suintant et fourbe, d'un vice et d'une pédanterie dingue. Tu m'étonnes que Marlon se soit cassé les dents dessus après ce tour de force. Parce qu'il faut bien le dire, l'élément le plus effrayant dans ce film, c'est bien Laughton. Laughton et son fouet, Laughton et son costume blanc, Laughton et sa loi, Laughton et ses sourires en coin, Laughton et sa volonté de devenir le dieu vivant d'une société qu'il a forgée de toutes pièces. Le voir torturer de pauvres créatures, la mèche plaquée de côté, un léger sourire à ses lèvres boudeuses a quelque chose d'un ice bucket challenge. La légende veut que Laughton se soit inspiré de son dentiste pour créer ce rôle... à mon avis, il aurait dû en changer...
Les autres membres du cast ne sont pas mal non plus. On passera vite fait sur le couple de héros Richard Arlen et Leila Hyams, qui s'il font une performance très honorable, n'ont rien de bien excitant, pour passer au grand mystère du film, l'argument de vente de celui-ci, l'élément wow du film: la femme panthère. Je dit la femme panthère, mais c'est exactement comme ça qu'elle est nommée au générique. Parce que oui, à l'époque aussi on aimait faire le buzz, et que comme dans les freak shows, on aimait faire croire que nous n'étions pas face à des êtres humains, mais des êtres hybrides. En fait, La femme panthère, c'est simplement Kathleen Burke, une jolie pépette de 19 ans aux yeux envoûtants et à la démarche féline, qui est une parfaite vamp à l'allure animale. Malheureusement pour elle, ce film sera un peu une malédiction, puisqu'on ne lui proposera par la suite que des rôles similaires.
Et puis, pour les amateurs, il y a aussi Bela Lugosi. Oui, Monsieur Dracula, exactement. Mais je dois l'avouer, si je n'avais pas lu son nom au générique, je ne l'aurais pas deviné. Il joue un rôle assez secondaire, "Le diseur de loi" et est complètement grimé. Mais sa performance est excellente, même meilleure que dans certains Dracula où il avait tendance à partir un peu trop dans l'expressionisme. Là, il est juste, émouvant et bien flippant sous sa masse de poils.
Si l'on s'intéresse au maquillage, justement, il y a de quoi réjouir tous les fans d'effets spéciaux. Ils sont tout bonnement splendides et n'ont rien à envier aux maquillages actuels, des griffes de la femme panthère à la truffe de l'homme chien, tout colle parfaitement et participe à créer des personnages qui ont une véritable caractérisation.
Le résultat, c'est un film qui fonctionne très bien sur tous les plans. Le film d'action et d'aventure est trépidant, on ressent la moiteur de la jungle, le danger qui rode, le brouillard autour de l'île et l'on ne s'ennuie pas une seconde. Le film d'épouvante a été, pour moi, une sacrée révélation. Comme je le disais précédemment, Laughton n'y est pas étranger. Mais en dehors de ce fameux docteur, il y a des éléments d'une violence assez inouïes, dont des scènes de vivisections qui, si elle ne montrent pas tant que ça, suggèrent parfaitement l'horreur contenue dans "la maison de la douleur". Pas étonnant que le film ait été censuré au Royaume Uni lors de sa sortie! Mais le pire reste vraiment l'horreur que suscite la société créée par Moreau: une société totalitaire, où tout semble calme et contrôlé (la violence et les armes sont interdits, sauf s'ils sont utilisés par le docteur), mais qui peut se renverser au moindre grain de sable dans le rouage de la machine. Et lorsque cette société retourne à son état d'origine, son état sauvage, c'est une révolution sanglante, un chaos à la fois nécessaire et barbare: celui de la nature qui reprend ses droits...
J'adore les films classiques de type fantastique, science-fiction, avec celui-ci, je vais me régaler ;).
RépondreSupprimerIl y a de grandes chances que ce soit le cas! Tiens moi au courant si tu le vois ;-)
SupprimerC'est un des films que je souhaite voir! Le pitch me rappelle un peu celui des Chasses du comte Zaroff. Très jolie femme panthère au fait, elle méritera un Cliché du jour... Très bel article sur les vrais bons films d'anticipation! des bises Miss Girlie!
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ce gentil message! C'est vrai qu'elle en jette cette femme panthère. En plus, elle a une très belle voix!
SupprimerAh c'est un des films que je désire le plus découvrir, le pitch me rappelle celui des Chasses du comte Zaroff! la femme panthère est impressionnante, une vraie brune vénéneuse. Très bel article sur les vrais bons films d'anticipation des années 30 (je ne reconnais jamais Bela Lugosi moi non plus, au passage)!
RépondreSupprimerOui, c'est vrai qu'il y a un peu de ce film là, ils sont d'ailleurs sortis la même année...Mais si je l'avais bien aimé, j'avoue avoir une petite préférence pour Laughton dans le rôle du méchant. Leslie Banks est bien, mais il est un peu trop mignon...
SupprimerComment ne pas avoir envie de regarder ce film après un tel article.
RépondreSupprimerJ'ai quelques réserves néanmoins car je suis très impressionnable ( Encore?). Mais bon vu que je viens de lire l'article à Môsieur, je n'ai plus le choix...^^
Sur la liste, je t'en dirai des nouvelles...
Avec grand plaisir. Si ça aide, la violence n'est pas vraiment graphique, mais j'ai trouvé que celle qui était suggérée était assez horrifique. J'avoue avoir ressenti quelques frissons, mais j'avoue que j'aime bien ça...
SupprimerJ'attends des nouvelles avec impatience...
On ne peut qu'être emballé par ton article. Ca doit être impressionnant de voir les prouesses déjà possibles à cette époque comme les films antérieurs que je prends plaisirs à décortiquer, mélies en tête évidemment ;)
RépondreSupprimerMéliès, un bonheur! Si tu as la possibilité de voir ce petit chef d'oeuvre, n'hésite pas, ça n'a pas pris beaucoup de rides!
SupprimerJ'avoue ne pas avoir vu cette première version qui m'a l'air passionnante à la lecture de la chronique. J'en prends bonne note, en espérant qu'elle soit meilleure (ce qui ne devrait pas être trop difficile) que la dernière en date
RépondreSupprimerSi tu parles du concours de cabotinage Brando / Kilmer, c'est sûr que c'est bien meilleur. C'est même meilleur que la version de South Park. C'est même très bien!
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