Si vous me lisez régulièrement, vous devez savoir qu'il y a une chose que j'adore, mais que je trouve bien mal accueillie en France, c'est la grosse comédie américaine. Donnez-moi du Ben Stiller, du Farelly, du Jack Black, du Will Ferrel, du Kristen Wiig, une pizza et de la bière, et je passe une soirée de rêve. Parce que oui, je l'avoue sans détour, le pipi-caca-prout bien dosé, les gros gags parodiques et les gens qui se vautrent par terre en beauté, ça fonctionne très très bien avec moi. Je sais que je devrais être une femme distinguée échangeant des sourires entendus devant un bon mot philosophique de Woody Allen et une truculente idée de Wes Anderson, en tordant une moustache imaginaire et en faisant "meuheuheu" (c'est peut-être pas très parlant comme ça, mais Tom fait ça très bien). Mais non, moi j'aime bien exploser de rire devant des gags aussi délicats qu'un vomi inopiné ou une bataille d'essence entre supermodèles. Pour ceux qui ont compris la dernière référence, arrêtez de rougir, et avouez vous aussi, que le film que vous attendez le plus en ce moment et depuis 6 mois, c'est 2oolander (sérieusement, jetez-vous sur la bande-annonce, c'est un régal!).
Bref, vous voulez me faire plaisir, une bonne comédie US sans autre prétention que celle de me faire rire, c'est parfait (clin d'œil: c'est bientôt Noël, je dis ça, je dis rien). Ça a l'air simple, comme ça, mais c'est loin de l'être: trouver une salle qui diffuse ce genre de film en VO à Lyon tient souvent du challenge (j'ose à peine imaginer ce que cela peut être dans des villes qui ont moins d'écrans à leur portée). Parce que le doublage, c'est la mort de ces films-là, il faut le dire. Si vous en doutez, essayer de revoir School of Rock en français (ou plutôt Rock Academy), vous m'en voudrez à mort jusqu'à la fin de votre vie. Quand on voit le succès de certains de ces films en DVD, je pense que certains distributeurs feraient bien de penser à nous, public exigeant qui aime les sons d'origines et les grosses blagues.
Donc autant vous dire que quand j'ai vu qu'il m'était possible de voir en VO et en salle Crazy Amy (titre français de Trainwreck), le dernier film de Judd Apatow avec Amy Schumer, j'ai regardé mon cher et tendre avec les yeux du Chat Potté, et on y est allés pratiquement sur le champ. D'abord, parce qu'en ce moment, j'avais vraiment, vraiment très envie de m'amuser au cinéma. Et puis parce que Judd Appatow, même si je lui préfère les frères Farelly (question de génération, sans doute), est un peu un des Kings du genre actuellement (réalisateur de 40 ans, toujours puceau, En cloque ou Funny People et producteur de Supergrave, Mes meilleures amies ou Walk Hard). Mais surtout, surtout, il y a Amy Schumer, une comédienne incroyablement, drôle, trash et féroce. Avec l'émission Inside Amy Schumer, elle m'avait déjà fait bien marrer avec des sketchs archi gondolants. Pêle-mêle, je vous conseille sur Youtube The Last F***able day, une critique du machisme hollywoodien bien sentie avec Tina Fey, Julia Lewis Dreyfus et Patricia Arquette, le pétaradant Horror Movie qui m'a fait pleurer de rire, ou l'impitoyable Générations sur le racisme ordinaire. Cette fille ose tout, elle n'hésite pas à se mettre en danger ou à se montrer parfois comme une personne détestable, elle est cruelle, souvent méchante, toujours maladroite, et sacrément culottée. Et sous ses gros sabots comiques, il y a un fond très caustique. Après avoir découvert un de ses sketches il y a quelques mois, j'ai passé pratiquement une nuit entière à m'enfiler tous les autres, et à pouffer comme une gamine de 14 ans. Alors quand j'ai vu sa trombine sur une affiche de cinéma, j'étais aussi impatiente que cette gamine de 14 ans à l'annonce d'un nouveau clip de One-D.
Amy, le personnage de la série, est donc un personnage assez proche de Amy, le personnage de l'émission créé par Amy, la comédienne. Amy, donc, est journaliste pour magazine masculin, genre Cosmo pour mâles, et vit à New York. Sa vie nocturne et sexuelle est très animée, et ça lui va parfaitement bien. Son père, aujourd'hui atteint de sclérose en plaques et en maison de retraite, lui l'a bien appris avant de quitter sa mère: "La monogamie, c'est pas réaliste". Si sa frangine n'a rien compris de la leçon, puisqu'elle est mariée et vit en banlieue avec sa famille, Amy, elle l'a bien intégrée et enchaîne les one night stands. Jusqu'au jour où, pour un article, elle va devoir suivre le chirurgien favori grands sportifs, Aaron, romantique et fan d'"Uptown Girl".
Alors oui, c'est vrai, le scénario de Crazy Amy ne révolutionne rien dans le petit monde de la comédie romantique gentillement trashy. C'est bel et bien le schéma habituel des contraires qui s'attirent, du bonheur, de l'échec puis de la reconquête. Et oui, on connait ça par cœur. Mais en ce qui me concerne, c'est pas grave, parce que ce schéma là, il marche à tous les coups, surtout si on nous amène à aimer les personnages, et c'est la recette des meilleures comédies romantiques. Vous ne me croyez pas: revoyez 4 mariages et un enterrement, Un jour sans fin, Quand Harry rencontre Sally: même schéma et je serai bien la dernière à m'en plaindre.
Donc, sans être la comédie de l'année (parce que Shaun the Sheep), mais n'empêche, je me suis quand même franchement marré. Les dialogues fonctionnent bien, la comédie de situation est bien menée, ça va très loin, presque trop loin, c'est même parfois à la limite de l'acceptable, mais ça marche. Franchement, l'alliance Schumer/Apatow, même si on sent parfois qui a apporté quoi, est plutôt harmonieuse.
Oui, étrangement, on peut dire que cette Crazy Amy est finalement pas mal équilibrée. Parce qu'une fois qu'on a allé assez loin dans le trashy, on parvient à nous emmener vers l'émotion, de manière finalement assez subtile (même si on sent que tout ça fait partie du plan du scénario qui n'a rien de bien innovant). Et là, j'ai pu apprécier le talent d'Amy Schumer. Parce que ce n'est pas que le clown de la classe qui raconte des blagues salaces pour faire rire les copines. Elle démontre ici qu'elle peut apporter un fond à ce personnage à une dimension qu'elle avait créé dans ses sketchs. Et elle devient ici émouvante, charmante, tout simplement adorable. Le personnage de comédie romantique auquel toute femme de plus de trente ans a envie de s'identifier. D'autant que face à elle, Bill Hader qui joue Aaron est tout simplement craquant. On lui pardonnerait presque ses goûts musicaux discutables.
La seule chose que je regrette un peu, et qui me manque si je compare aux sketchs d'Amy Schumer, c'est le regard très caustiques sur la société, sa façon de dénoncer sans politiquement correct qui font que j'admire cette actrice. Par exemple, son sketch sur le procès de Bill Cosby, en plus d'être très drôle, était extrêmement culotté et osait mettre en avant l'hypocrisie de la société face au viol. Dans Crazy Amy, on reste quand même assez loin des gros sujets de société et même s'ils sont évoqués en fond (le racisme, notamment), on ne retrouve pas le ton acerbe qu'elle pouvait avoir en petit format.
Je n'ai cependant pas boudé mon plaisir et passé un très bon moment devant ce film, et j'ai passé allègrement la barre du rire tonitruant (tu sais, celui qui sort malgré toi, qui te fais un peu honte parce que tu sens que des gens te regardent, et que tu essaies de cacher, mais qui finit par te sortir par le nez). Et mon coeur de midinette qui aime les comédies romantiques rondement menées a aussi un peu fondu. C'est pourquoi en ces périodes grisâtres, je le conseille vivement. C'est un film chocolat au lait et aux noisettes: tu sais que c'est pas du 90% cacao, que c'est pas la méga-classe, c'est peut être même pas le meilleur chocolat au lait et aux noisettes du magasin (février 2016, 2oolander), mais bon sang, après une journée de daube, c'est un bonheur sans nom de croquer dedans à pleines dents.
PS: Je m'engage personnellement à faire une bise à l'exploitant indépendant qui me permettra de voir 2oolander en VOST pour moins de 9€ à Lyon ou même à St Etienne.