Oui, je fais les choses dans le désordre. Mais je vais vous parler aujourd'hui de ma dernière journée au festival Hallucinations collectives qui m'a permis une nouvelle fois, de découvrir pléthore de films très bons. Cette année, j'avoue m'être pas mal concentrée sur les avant-première, ce qui fait que je vais laisser quelques chroniques de côté en attendant la sortie française des films, mais en attendant, j'ai encore un peu de temps pour vous parler des films qui ne seront pas distribués en salles.
Du coup, je vous parle ici de deux films, qui m'ont fait passé une journée vraiment hallucinée en Asie, pour le meilleur, mais je dois bien l'avouer en ce qui me concerne, aussi pour le pire...
I, S. Shankar
J'avoue qu'en cuisine, comme au cinéma, j'aime beaucoup le Masala, mais surtout à la maison. En cuisine, parce que j'adore cuisiner avec ces délicieux mélanges, en cinéma, parce que ce genre baroque à souhait de Bollywood, qui mixent les genres comme les épices et peut être très roboratif (souvent plus de 3h) nécessite souvent qu'on puisse le mettre sur pause, ne serait-ce que pour boire un lassi ou manger un loukoum... C'est vrai que pour moi, c'est souvent le plaisir excessif d'un dimanche après-midi pluvieux, qui ne demande que des couleurs et de la guimauve, des chansons, des bastons incroyables, des héros à moustaches et des héroïnes à longs cheveux ventilés, et du product placement à outrance.
Du coup, même si j'avais très envie de découvrir I, le dernier grand Masala de S. Shankar, l'idée de le voir enfermée dans une salle pendant 3h, sans pause pipi-thé-chocolat (c'est Pâques, quand même!), avec un risque de torticoli aigu me freinait un peu. Mais ma gourmandise, comme souvent, a eu raison de moi, et je me attablée à ce véritable festin de masala.
Grand bien m'en a pris, parce qu'en plus d'être sucré, salé, épicé, voir parfois brûlant, ce film n'a en aucun cas été indigeste. Je n'ai pas vu le temps passer (mes cervicales, par contre, l'ont bien senti), et j'ai été happée par ce film qui s'il s'inscrit clairement dans la veine du Masala, n'hésite pas à sortir des sentiers battus en étant parfois très audacieux et en tirant sans vergogne vers l'horreur, le thriller et le fantastique.
Comme vous l'imaginez, un film pareil est impossible à résumer. Je vais donc essayer de vous en faire un petit teaser. Lingesan est un culturiste un peu lourdingue qui rêve de devenir Mister India. Il rêve aussi de rencontrer la belle Diya, mannequin superstar. Mais le jour où la carrière de Diya est mise à mal suite à une sombre histoire de harcèlement sexuel, la vie de Lingesan va changer...
Alors voilà, tous les ingrédients qu'on aime du Masala sont là. Y'a des chansons, y'a de la dance (même si il faut bien l'avouer, Amy Jackson est toute mignonne, mais niveau bootyshaking, on est plus proche du balai à frange que de Katrina Kaif), y'a des couleur over saturées (que tes yeux ils saignent devant un champ de coquelicots), y'a une histoire d'amour impossible entre un type un peu bêta et une belle jeune femme que sa mère veut marier à tout prix (oui, dans les films de Bollywood, il est très fréquent que les mères tombent gravement malades si leur progéniture ne se marie pas), y'a du dodelinage de tête, du comique slapstickesque, des bastons ultra impressionnantes où le héros affronte à lui seul une armée, y'a des méchants très méchants, des gentils très gentils. Y'a de la trahison et des quiproquos. Y'a du placement de produits tous les deux plans: comme cela se passe dans le monde du mannequinat, en plus, on peut s'en donner à cœur joie avec facilement 2 minutes de pubs réelles au milieu du film (mais bon, un film avec un tel budget, ça se finance, non?)
C'est un grand spectacle et au niveau réalisation, effet spéciaux et maquillage, ce film n'a rien à envier à n'importe quel film grand spectacle. Je pense qu'Eric Besson pourrait facilement être jaloux comme un pou d'une scène de poursuite en bmx sur des toits en chine (ouais, des bmx sur des toits, franchement, vous avez plus cool comme idée?), que les scènes de bastons seraient pas complètement nazes à côté de celles de Hong Kong, que la structure en flashback fonctionnerait très bien pour n'importe quel thriller. La différence, c'est juste qu'on pousse le toner à fond, et qu'on n'hésite pas à en faire trop (parce que refaire ses lacets en trois mouvements de chevilles, y'a qu'à Bollywood qu'on peut se le permettre). Bref, tout est over-the-top et c'est tout ce qu'on demande à un Masala.
Mais comme le too much, pour I, ça reste pas assez, alors on n'hésite pas à aller dans la transgression des codes et c'est en ça que ce film, en plus de m'avoir beaucoup divertie, m'a également étonnée. Pour comprendre combien le film va loin, il faut se souvenir que c'est un film indien et que souvent, il y a une sorte d'autocensure très forte dans ce pays au niveau de la violence et du sexe. Pendant très longtemps, on n'a même pas vu de baisers sur les écrans indiens.
Et ben là, on peut dire que le film ose beaucoup de choses, surtout si l'on s'intéresse aux derniers évènements qui ont secoué le pays. Très fréquemment, la violence sexuelle des hommes sur les femmes est mise en avant. Diya est une top model, mais son partenaire au travail la harcèle sans relâche pour qu'elle étende ce partenariat en dehors du domaine professionnel. Ben ça a l'air de rien, mais montrer une fille dont le métier est d'être aguichante et sexy et rendre coupable et assez dégoûtante la pression sexuelle qui est exercée sur elle, sans juger la demoiselle sur cet aspect de sa personnalité, c'est sacrément culotté. D'autant plus que cette demoiselle finira par vivre avec l'homme qu'elle aime et prendre des bains avec lui SANS être mariée. Et si là on n'est pas dans la subversion, je sais pas où on est... Ajoutons à cela un personnage transgenre qui, s'il n'est pas bien traité, est le seul méchant qui ait de véritables sentiments, un pédophile qui rêve d'épouser une fille depuis ses 10 ans et réellement montré comme un gros dégueulasse, une violence parfois extrème, une dénonciation de la dictature de la beauté. Ce film est finalement beaucoup plus "coup-de-poing" qu'il ne le laisse paraître et vu ses records de fréquentations en Inde, ça n'augure que du bon pour ce que ce cinéma nous réserve pour les prochaines années...
Vous aurez donc compris que je vous conseille vivement ce film baroque si vous arrivez à tomber dessus. Son circuit de distribution en salle a été très confidentiel (1 salle en France), mais je pense que d'ici quelques mois, il sera peut être possible de le voir en DVD (au pire, y'a toujours les boutiques spécialisées qui proposeront des imports en VOST Anglais). A tenter si vous n'avez jamais vu de Masala, avec les recommandations d'usage (attention, c'est long, c'est excessif, c'est complètement dingue). A voir absolument si vous aimez ça.
Tokyo Tribe, Shion Sono
La promesse du film était belle: une comédie musicale hip hop revisitant Romeo et Juliette en pleine guerre des gangs tokyoïte. La bande-annonce était punchy et foisonnante. J'étais très excitée à l'idée de voir ce film.
Déception totale. Je vais être très rapide, parce que le film ne sera pas distribué dans les salles et ne sortira en DVD qu'à la fin de l'année. Pas besoin donc de charger la mule.
Je ne sais même pas par où commencer... Déjà, pas de scénario: aucun personnage intéressant, un héros totalement insipide, des éléments scénaristiques qui apparaissent et disparaissent sans qu'on sache pourquoi (par exemple, on apprend que l'héroïne est la fille d'un grand prêtre sataniste qui veut la sacrifier... Gros danger en vue. Ben finalement, non! Le danger, comme le personnage de super boss des méchants sont complètement oubliés....), pas d'enjeux, pas d'intérêt au niveau de l'histoire. Ca commence mal.
On passe aux acteurs. Les méchants sur-surjouent, (genre le susnommé I paraît un summum de la subtilité à côté). C'est complètement hystérique, contrairement au jeu des rappeurs qui lui, est inexistant.
C'est dommage, parce qu'on a l'impression que ce film n'a été fait que pour eux. J'en veux pour preuve la scène d'exposition la plus longue de l'histoire du cinéma, où ils se présentent tous. On a d'ailleurs l'impression que pour temporiser les susceptibilités, on a essayé de donner autant de présence à l'écran de chaque protagoniste pour un ego trip en bonne et due forme. Du coup, on se retrouve face à un film qui a un vrai problème de rythme, un vrai comble pour un film où la musique est incessante.
Le montage? Une blague! Le moindre clipeur (puisque ce film n'est qu'un clip de 2h) sait faire une post synchro au moins correcte. Là, non! Les décors? Hideux, surchargés, on se croirait sur la scène d'une comédie musicale de bas étage. Même musicalement, à quelques exceptions près, c'est pas terrible. L'humour est si grossier et débile que t'as envie de comparer American Pie à Citizen Kane.
Le seul truc à sauver, pour moi: les bastons. Elles sont belles, bien filmées, bien chorégraphiées, bien interprétées. Mention spéciale à Nana Seino et à son jeune acolyte (pas trouvé son nom, désolée) qui sont non seulement les comédiens les plus crédibles du cast, mais qui envoient de la buchette en kung fu. Y'a un peu trop de flashage de petite culotte à mon goût, mais ça reste très honorable.
Si je dois résumer mon état à la sortie du film, ce serait ça:
Une déception sur cette fin de festival. Un peu dommage, parce que j'ai quand même passé un week-end assez exceptionnel aux Hallu. Je vous en dis plus très vite...