pelloche

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mardi 14 avril 2015

Goodnight Mommy: Are you my mummy? (Hallucinations collectives)



Les fans du Doctor Who (dont je fais peut être partie) auront reconnu dans mon titre une référence à un des épisodes les plus terrifiants de la série, qui joue comme Goodnight Mommy sur une de nos peur les plus primales d'enfant: celle de l'abandon par la mère. Ce film autrichien, que j'ai pu découvrir aux Hallucinations Collectives sort demain en salles.



Deux jeunes jumeaux, Lukas et Elias, qui habitent une immense villa moderne perdue à la campagne. Après une absence pour cause d'hospitalisation, ils voient revenir une femme qui dit être leur mère. Mais rien n'est moins sûr: son visage est bandé et il est très difficile aux deux enfants de reconnaître leur maman dans cette femme qui affiche une certaine froideur, voire parfois une véritable cruauté à leur encontre...



Alors je sais pas vous, mais moi, rien que le pitch, ça m'effraie. Ca touche à mes peurs les plus anciennes, mes peurs les plus intimes, et je pense que nous sommes tous en mesure de sentir la douleur de ces enfants qui ne comprennent pas pourquoi leur maman n'est plus la même et semble déceler sous son apparence un grand danger... Vous vous souvenez du Loup qui montre patte blanche pour se faire passer pour maman chèvre et dévorer les petits chevreaux? Vous vous souvenez du Grand méchant loup déguisé en Grand mère pour mieux manger le petit chaperon rouge? Vous le voyez le mythe horrifique qui se répète? Donc, indéniablement, l'épouvante fonctionne très bien à ce niveau. Mais accrochez-vous à vos accoudoirs, ça ne fait que commencer...



Il m'est difficile de vous parler réellement de ce qui m'a vraiment plu dans ce film, parce que cela m'obligerait à en spoiler une bonne partie. Je vais donc rester... bouche cousue (et là, ceux qui ont vu le film trouvent que j'ai fait une blague hilarante). Sachez en tout cas que le scénario est vachement bien écrit, en tout cas moi, il m'a complètement bluffée, du genre à être contente d'être déjà assise pour ne pas tomber lourdement sur ses fesses et à vouloir se mettre des baffes de pas l'avoir vu venir! Mais je m'arrête là, parce que ça va tout vous gâcher...

Du coup, j'ai quand même la possibilité de vous parler un peu de la réalisation, ici signé d'un duo assez efficace, Veronika Franz et Severin Fiala, qui ont apparemment eu l'idée de ce film en voyant une émission de télé-réalité montrant des enfants perplexes suite au relooking chirurgical de leur génitrice... Dans ce film, on reste justement dans une atmosphère très clinique, voire glaçante et rapportée au cocon familial, il y a un véritable malaise qui se crée. La maison très moderne dont les murs sont chargés de photos de mannequins au visage flouté est un univers aseptisé et dénué d'amour, vraiment pas l'endroit où l'on rêverait d'élever des enfants et y voir errer cette toute petite cellule familiale (la mère et les deux enfants) crée quelque chose de fantomatique et d'assez perturbant. La nature environnante, si elle paraît attirante, n'en est pas moins vénéneuse: la mort et le danger y sont sans cesse présents et les jeux des enfants y sont assez effrayants (se poursuivre dans un champ de maïs, pénétrer dans d'obscures grottes, s'approcher d'un peu de trop près des feux de paille...). Dès le départ, on sait instiller l'inquiétude et le malaise chez le spectateur et les rapports étranges de la mère avec ses enfants ne vont faire que renforcer ce sentiment de froid et d'étrangeté.



Rajoutons à cela une lumière assez éclatante et un choix chromatique proche du blanc hopital pas franchement joyeux, ainsi qu'une bande son qui laisse une large place au silence, aux chuchotements et aux bruits de la nature, ce qui renforce le sentiment d'absence de vie humaine, de la joie et de lu dynamisme qu'on associe souvent à l'enfance.

On retrouve ce côté clinique dans certaines scènes où viennent jaillir la violence, ce qui la rend d'autant plus choquante et réaliste. On n'est pas ici dans le grand-guignol, dans le gore-ketchup. La violence a finalement peu de présence dans la durée du film mais sa fulgurance et son intensité sont telles qu'elle s'imprime véritablement. Il est donc conseillé d'avoir l'estomac bien accroché pour certaines scènes, parce que je préfère vous prévenir, on ne va pas vous épargner. Et comme tous les bons films du genre, ce que vous allez voir sera toujours moins perturbant que tout ce que vous pourrez imaginer car plus que la violence physique, la violence morale de ce film fait assez mal.


Le grand plus de ce film, c'est son interprétation, les deux jeunes acteurs qui s'appellent réellement Lukas et Elias (Schwartz) sont très crédibles dans toutes les scènes, et la direction d'acteur est sûrement à saluer ici. Ils savent parfaitement équilibrer l'innocence et la brutalité des personnages qui sont avant tout des gamins qui se sentent un abandonnés et qui, je pense que ça joue pas mal, s'emmerdent comme des rats morts dans cette citadelle perdue au milieu de nulle part. En cela, ils savent livrer une bonne dose d'humour noir à ce film qui, sans cela, serait à la fois plus sérieux mais peut être aussi moins dérangeant. Imaginez Sa majesté des mouches sans le côté ludique: ça n'a plus le même intérêt quand même...

C'est en tous cas plutôt une réussite, et Goodnight Mommy a, à mon avis, bien mérité le prix que le public lui a accordé à la fin du festival Hallucinations Collectives (perso, j'avais choisi Spring). La seule chose que je pourrai lui reprocher, mais c'est un peu le défaut de ce type de films coup-de-poing, c'est qu'une fois le choc passé, on en retire finalement pas grand-chose sur le long terme. Mais dans le genre, il est tout à fait convaincant et efficace. Et ça donne envie d'appeler sa maman....


9 commentaires:

  1. Bon... je suis pas sûre que j'irai voir le film mais j'ai bien apprécié lire ton article par contre ;)

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    1. Merci beaucoup. Je comprend ta réticence, ça fait un peu froid dans le dos, cette histoire...

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  2. Je ne sais pas ce qui m'a fait le plus flipper, ton pitch sur le retour de la maman méconnaissable avec son visage bandé...ou ta blague sur la bouche cousue... Je suis trop impressionnable, ça risquerait de me filer des cauchemars pendants des jours. Cependant comme d'habitude j'apprécie ta plume. ( mais arrête avec les films qui font peur svp).

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    1. Mouhahaha! Bon je te l'accorde, il est pas super youpi, ce film là. Mais dans le genre, très efficace. Je vais aller un peu plus mollo avec les films qui font peur, le prochain, c'est Shaun le mouton, ça change la donne, non?

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  3. Un film qui a l'air vraiment excellent dis donc :).

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    1. Il est assez saisissant en tous cas. Si tu es amatrice de sensations fortes, je te le conseille!

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  4. Je l'ai vu dans le cadre de Cinetrafic (ma chronique devrait arriver bientôt) et au début je dois avouer que je n'avais pas vraiment aimé mais finalement même si mon avis reste assez mitigé, il y a vraiment des choses intéressantes, surtout dans le rapport de perception et d'apparence. Mais la dernière demie-heure m'a tout de même déçue, ça m'a paru limite long...

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    1. J'avoue que je n'ai pas vu venir la fin, du coup j'ai beaucoup aimé la dernière partie, même si elle joue sur du torture porn pour lequel j'ai d'habitude bien peu de sympathie. Et j'avoue que le travail de mise en scène, jouant sur un décor très anxiogène et une lumière très clinique m'a beaucoup impressionnée

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  5. Perso le torture porn m'a vraiment gâchée, je comprends pas pourquoi les réalisateurs n'ont pas décidé de rester dans la subtilité et la suggestion comme ils l'ont plutôt bien fait jusqu'à présent. Par contre, totalement d'accord, très bon travail de mise en scène, c'est évident, surtout quand on connait le "twist".

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