Vous comprendrez que je me suis soudain sentie comme Valérie Damidot devant le nuancier 2016 de Dulux Valentine. J'étais parti sur du dur de dur, du Carpenter (entre nous, de The Thing au Village des damnés en passant par Invasion Los Angeles, y'avait le choix). Et puis je me suis dit que Carpenter était à la mode en ce moment, et qu'il n'avait pas trop besoin de moi. Je me suis alors tournée vers les comédies comme Paul ou Voisins du troisième type, et puis je me suis dit que j'avais chroniqué pas mal de grosses comédies ces derniers temps. Et puis, je me suis dit que c'était le bon moment pour revoir et peut-être réévaluer un film que j'avais vu à sa sortie il y a bien longtemps, à l'époque où j'étais dans une période chieuse snobinarde du genre "si tu passes pas à Cannes ou que t'es pas indépendant, tu m'intéresses même pas!". Un film que j'avais donc vu du bout des yeux alors, pleine de mon dédain crasse d'étudiante prout-prout, et qui méritait bien une deuxième chance à la lumière de ces quelques années de profond mûrissement, de réflexion et de sagesse. Bref, j'ai décidé de revoir The Faculty, de Robert Rodriguez, et c'était une sacrée bonne idée!
Le pitch, en gros, est le suivant: Les profs du Lycée sont des extra-terrestres! Ça commence comme ça: une entité extraterrestre prend peu à peu possession des corps de la population entière d'un lycée en commençant par le personnel enseignant. Mais c'est sans compter sur une équipe d'ados très différents mais tous pleins de ressources...
Franchement, mais que n'ai-je su apprécier à sa juste valeur ce très chouette film? D'abord, ne serait-ce que pour son casting de fous: Josh Harnett en glandeur de génie, Elijah Wood en adorable nerd, la trop rare Clea Duvall en rebelle outcast (what else?), Famke Janssen en prof coincée, Salma Hayek en infirmière sexy, Usher, Laura Harris... Franchement, ce cast réunit tout ce qu'il y avait de plus fresh et séduisant à la fin des années 90, ça sent bon le crop top et le nombril percé, No Doubt et Sugar Ray, le CK1 et le 501.
Ensuite, parce que j'avais largement sous-estimé l'humour et la portée du film. J'étais restée sur l'idée que c'était un énième film idiot sur des ados, avec un peu de fantastique et d'horreur dedans pour faire vendre du pop-corn. Grossière erreur! Croire cela, c'est croire que Buffy n'est que l'histoire d'une cheerleader qui tue des vampires, c'est croire que Code Quantum n'est que l'histoire d'un mec qui se retrouve coincé à faire des sauts dans le temps, c'est croire que X files n'est que l'histoire de deux agents du FBI qui traitent des affaires que personne d'autre ne veut (Merci M6, d'ailleurs, pendant que j'y suis).
Nan, The Faculty va bien au delà de ça. D'abord parce qu'il ne se prend pas trop au sérieux. N'oublions pas que c'est Roberto Rodriguez qui est derrière les manettes, rarement connu pour sa gravité et que c'est Kevin Williamson, qui avait réussi le tour de force de faire revenir l'horreur et le rire ensemble avec Scream. Il ne faut donc pas oublier que The Faculty est clairement une comédie et tout comme Scream avait été une sorte de détournement du film d'horreur, the Faculty est aussi un détournement et pas des moindres: celui des teen-movie. Clairement, The Faculty, c'est le Breakfast club rencontre le troisième type. Tous les personnages sont là: le sportif, la prom queen, le bad boy, le nerd, la fille zarb. Sauf qu'au lieu d'être réunis par une heure de colle et la révolte contre le monde des adultes qui ne les comprend pas, ceux-là se réunissent pas la force des choses et pour combattre l'envahisseur de l'espace. On joue avec les clichés du teen-movie sans vergogne, et c'est drôle et assez jouissif, notamment quand ça devient borderline (la drogue pour lutter contre les extraterrestres, la sexualité réprimée...)
Et puis c'est finalement pas si bête que ça. Et ça, je l'ai découvert l'an dernier avec le film de Charlie Lyne, Beyond Clueless, une excellente analyse des teen-movie, qui montre en quoi ce film est une "métaphore de l'expérience adolescente" très efficace. En effet, les thèmes de l'individu et du groupe sont très bien posés, à la fois par la dynamique de l'univers lycéen, avec ses différentes cliques plus ou moins populaires, mais aussi par l'invasion extra-terrestre qui travaille notamment beaucoup sur l'intégration à un grand tout, l'absorption de l'individu. Vraiment, je vous conseille à nouveau ce docu en marge de The Faculty: c'est brillant, et ça donne envie de revoir plein de teen-movie.
Enfin, en dehors du fait que ce soit plus fun et moins bête que ça en ait l'air, c'est quand même sacrément foutu. C'est rythmé, plutôt bien interprété, c'est justement équilibré entre comédie et fantastique, et j'ai été particulièrement impressionnée rétrospectivement par les effets spéciaux, notamment ceux de la créature dans l'eau: on a du mal à croire qu'ils datent de 1998.
Bref, si vous aussi vous avez fait la moue devant The Faculty il y a 17 ans, parce que c'était pour les gamins, donnez lui une seconde chance: on ne savoure jamais mieux les films pour les gamins que lorsque l'on en est plus un!