pelloche

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mardi 26 avril 2016

The green room (Hallucinations collectives): Sauve qui punk!



Bon, c'est vrai que mon jeu de mots de titre est un peu pourri, mais comme il m'a quand même fait rire, je me suis dit "Hey Ho, let's go", on parle de punk, alors sur ce coup-là, j'ai le droit d'être une idiote.

Parce qu'aujourd'hui, je vous parle d'un très chouette film qui sort demain, que j'ai pu voir en avant-première au festival Hallucinations collectives. Un film un peu crade, un peu dégling', bien bruyant, bien bourrin, mais sacrément honnête et libérateur, à l'image de la musique auquel il balance une déclaration d'amour sous forme de grosse taloche: Green Room, de Jeremy Saulnier.



Ce chouette film nous fait suivre les aventures d'un jeune groupe de punk parti en tournée. Le rêve de tout groupe de musique qui a envie de faire un peu de route. Mais loin d'être des vacances au soleil, ce trip entre potes va vite se révéler ardu: complètement fauchés, ils se voient contraints de piquer de l'essence sur les parkings et dormir dans leur van. Et quand un concert est annulé, ils n'ont d'autres solutions que d'accepter le seul concert de remplacement qu'on leur propose. Arrivés sur les lieux, ils comprennent qu'ils ne pénètrent pas dans la maison du bonheur: le bar en question est un repère de néo-nazis. Y'a déjà de quoi se poser la question de partir ou rester... Mais quand ils se retrouvent accidentellement témoins d'un meurtre et prisonniers de cette fameuse Green Room avec au-dehors, une meute de skins plus armée qu'à Brixton aux abois, trouver un moyen de s'échapper de cette salle d'attente de la mort devient une question de survie.

Alors moi, je dois dire que ce film m'a carrément enthousiasmée. Je suis sortie avec une la banane du Velvet sur la tronche et l'envie de gueuler dans un micro et faire cracher des enceintes. Parce que bon, voilà, The Green Room est un film qui envoie de la buchette à la vitesse d'une mitrailleuse. C'est pas très distingué, y'a plus d'hémoglobine que dans les veines d'un public du CBGB un samedi soir de 1974 et plus de speed que dans celles de Sid Vicious, mais bordel, y'a du bouzin!



Déjà, il y a un super bon premier point: un scénario simplon, mais béton! On part d'une idée simple et très connue: le huis-clos et le siège. C'est vieux comme le monde, mais on sait depuis bien longtemps que c'est une situation parfaite pour un bon film d'action (Rio Bravo, Assaut, Shaun of the dead). Et encore une fois, ça marche: c'est construit, ça s'enchaine à une allure folle et ça tient gravement bien la route. Et ça, notamment grâce à une écriture des personnages bien plus subtile qu'elle n'en a l'air.

Il y a d'abord les 4 membres du groupe, The Ain't Rights, dont on comprend assez rapidement qui ils sont et en quoi cela va apporter quelque chose ou pas à leur survie, le tout interprété par un casting de jeunes loups du ciné qui menacent de tout exploser sur leur passage. On a Tiger (Callum Turner, qu'on a pu voir dans Dr Frankenstein), le punk, le vrai de vrai, le puriste qui collectionne les vinyles originaux et un look destroy parfaitement authentique; Sam (interprétée par Alia Shawkat, la jolie cousine d'Arrested developpment), la digne héritière de Poison Ivy (la rousse et vénéneuse gratteuse des Cramps), forte en gueule, mais pas que; Pat (Anton Yelchin, qu'on a vu dans Star Trek, Terminator Renaissance, Frightnight...), l'artiste un peu timide et réfléchi et Daniel (le graou Max Webber de Peaky blinders), qui déboîte à la batterie et au ju-jitsu. Ils sont parfaitement crédibles et en tant que groupe, et en tant qu'individus. Le scénario nous donne peu d'informations sur eux, mais assez pour que l'on comprenne quelles sont leurs relations, leurs intentions, leurs rêves. Il suffit par exemple de la bête question du "quel disque emmèneriez-vous sur une île déserte?" pour qu'on comprenne quelle est l'apparence que chacun veut se donner, et qui ils sont en réalité. La caractérisation de ces personnages est incroyablement intelligente et leur donne finalement pas mal de profondeur, ce qui fait qu'on s'attache très vite à eux, et qu'on a vraiment, mais alors vraiment envie de les voir s'en tirer. On ajoute au petit groupe des assiégées une bird skinette (la belle Imogen Poots) à l'esprit d'une vivacité à toute épreuve, et on a une sacré équipe. Parce si le punk affiche la fin des héros, ces cinq gamins vont bien malgré eux devoir en devenir et vérifier si le bon vieil adage punk tient toujours "If the kids are united, they will never be divided". Du côté des bad guys, on fait pas dans la dentelle, entre un grand chef bien flippant incarné par le grand Patrick Stewart, un maître-chien sadique, un tenancier malin et une armée de skins décérébrés: c'est un peu David contre Golliath, en plus bruyant.



Il faut dire aussi que ce film a de quoi titiller les oreilles. Jérémy Saulnier dit qu'il a passé son adolescence à faire des films de zombies et chanter dans un groupe de punk. Et ici, sa passion pour cette musique est manifeste. Déjà, on a une bande-son parfaite qui a en plus le bon goût de se terminer par un morceau ENORME de Creedence (c'est pas du punk, mais c'est tellement bon), et surtout, c'est gavé de références, de Fugazi aux Cramps en passant par Bad Brains.  Et puis il y a une sincérité qui sent l'expérience personnelle à 1000 lieux. Je pense que tous ceux qui ont fait partie d'un groupe se revoient dans les Ain't Right: il y a cette scène, d'une crédibilité dingue, où le groupe se retrouve à jouer devant le mauvais public. Cette colère et cet effroi à voir des bras se lever de la pire manière qui soit lorsqu'on est sur scène, elle m'a semblée d'une parfaite authenticité (et je pense que de nombreux musiciens de rock ou de punk qui beute un peu pourront aussi en témoigner). La réponse des Ain't Right, qui est aussi celle des Dead Kennedys, est simplement idéale et complètement jouissive.


L'autre passion de Jérémy Saulnier ado, c'était donc les films de zombie, ce qui n'est guère étonnant quand on voit combien la situation de siège choisie par le réalisateur est proche de nombreux films du genre, à commencer par Zombie, de Romero. Parce qu'autant vous le dire, si vous vous attendez à un divertissement familial, vous vous trompez! Il y de la baston, il y a aussi beaucoup de sang, beaucoup de gore et une sacrée dose d'horreur. Je vous avoue que moi-même, qui suit pourtant plutôt aguerrie, j'ai difficilement supporté certaines scènes (mais je pense que ça tient surtout au fait que je me suis beaucoup attachée aux personnages). Heureusement, Jérémy Saulnier sait très bien alléger son bloody Mary d'un peu d'humour très bienvenu, parce que sachez-le, y'a des images qui collent à la rétine et ça pique un peu. Donc oui, c'est un peu cradingue par moment, mais ça fonctionne vraiment, vraiment bien, d'autant que le rythme du film et la tension sont parfaitement bien tenus, on reste en haleine sur tout le film et on croise bien fort les doigts pour que nos petits keupons préférés soient les derniers à mourir face à ce piège qui semble ne présenter aucune solution.

En résumé, ce film tient résolument ses promesses: on s'amuse, on a peur, on trépigne et on entend de la très bonne musique. D'ailleurs en parlant de bonne musique, si vous avez lu ce billet sans cliquer sur les liens, je vous conseille, pour une expérience complète de procéder ainsi:
- Si vous êtes tranquille à la maison, montez le son de votre ordi, dans tout lieu public, munissez-vous d'un casque ou d'oreillettes
- Relisez le billet (si si, faites-le!) et cliquez sur les liens-pochettes surprises.
- Dégustez bien frappé!

PS: Une fois n'est pas coutume, je dédicace cette chronique à mes compagnons de fortes tunes. Des Joke à Sora, j'vous aime les gars!
 

jeudi 14 avril 2016

Summer: l'éveil et l'envol



Grâce au site Cinétrafic (qui le recense parmi les meilleurs films traitant de l'homosexualité et sous les thèmes du cinéma gay et lesbien),  j'ai pu découvrir un film que j'étais très curieuse de voir à sa sortie en salles en 2015, mais que j'avais raté parce que parfois, je suis une sacré flemmarde qui a du mal à se bouger le derche même quand elle sait qu'un film a peu de chance d'être diffusés sur plusieurs semaines (et le pire dans tout ça, c'est que j'habite Lyon et que je suis à maxi 20 minutes à pieds d'au moins 4 cinémas). Bref, j'ai finalement pu voir le film lituanien Summer, d'Alanté Kavaïté.

Summer, comme son nom l'indique, raconte un été, un été très important pour la jeune protagoniste, qui répond au joli nom de Sangaïlé. Sangaïlé ne pète pas la forme: sa mère, une ancienne ballerine, lui reproche d'avoir brisé sa carrière, elle se scarifie, bref, elle ne se sent pas très bien dans sa peau. Et à première vue, ce n'est pas en passant des vacances près d'un lac alimenté en chaleur par une centrale électrique qui devrait y changer quoi que ce soit. Oui, mais pas cet été. Parce que cet été, elle se rend à un show aérien où, en plus d'observer des avions qui l'obsèdent, elle va rencontrer Auste, qui semble être son parfait contraire. Elle vont se lier d'une amitié qui va bientôt se transformer en histoire d'amour.



J'avais entendu parler de ce joli film chez les copains de blogs, qui louaient notamment le charme de l'image d'Alanté Kavaïté et la sensualité de ce long métrage. Sous cet angle-là, j'avoue ne pas avoir été déçue. Alanté Kavaïté sait créer de belles images, souvent poétiques. Pour son second long métrage, elle a su se faire épauler par un chef opérateur qui a déjà souvent fait ses preuves, Dominique Colin, qui a déjà exercé ses talents à plusieurs reprises chez Cédric Klapisch et Caspar Noé. Il trouve ici la lumière juste pour ce film. Une belle lueur d'été, douce, mettant en valeur des pastels bleus et roses, créant une atmosphère intime et délicate pour cet amour naissant, sublimant les grains de peau des jeunes actrices.

Et les images imaginées par Alanté Kavaïté sont souvent très belles, l'attention étant portées à chaque détails présents dans le cadre, et aux décors, souvent naturels: une cantine vide qui accueille un premier échange sucré, un premier baiser au crépuscule dans des robes de fées, une lutte amoureuse dans les bois, des regards autour d'un feu de bois et des cigarettes échangées près d'un lac, une chambre lilas, pleine de trésors et de découvertes, une sobre chambre de bois aux murs esseulés...



L'histoire, si elle n'est pas d'une originalité folle et qu'elle tient sur un quart de feuille A4 (vous savez, le format des interros express surprise) fonctionne plutôt bien, et je pense que c'est surtout dû au deux jeunes actrices qui sont particulièrement investies et absolument charmantes. Julija Steponaitite, frêle et diaphane, campe à la perfection la fragile et secrète Sangaïlé, mal dans sa peau, éthérée comme les cieux qu'elle rêve de toucher et qui, grâce à Auste, va découvrir qu'elle possède la force et la volonté de réaliser ses rêves. Face à elle, la formidable Aiste Dirziuté (c'est dans des moments comme ça que je suis bien contente d'écrire et pas de faire un podcast), sous ses faux-airs de Maggie Gyllenhall, est absolument merveilleuse dans le rôle de la rayonnante Auste. C'est un joli personnage un peu extraverti, très créatif, mais surtout très généreux. On sent que des deux jeunes femmes, l'amoureuse, c'est elle, qui s'investit et donne sans compter. La scène où, patiemment, avec amour et dévotion, elle patronne et coud pour sa bien-aimée m'a réellement émue.

Et en ce qui concerne la sensualité, c'est sûr, elle est bien là. Cela reste assez éthéré et peut parfois manquer de corporalité. Mais Alanté Kavaïté parvient parfaitement à nous faire partager une expérience sensorielle: tout est histoire de peau, de toucher, de soupirs. C'est d'un érotisme peut être un peu suranné, mais assez envoûtant, notamment grâce aux lumineuses actrices qui savent nous faire partager ce trouble adolescent.

 
Le DVD

Sorti le 17 février et édité par Outplay, le DVD propose uniquement la version original en lituanien avec des sous-titre français. J'ai beau militer pour la VO, j'avoue que j'aime toujours bien avoir des sous-titre en Anglais pour voir le film avec des amis qui ne sont pas francophones (ou lituanophones, dans ce cas précis).
Peu de bonus, mais plutôt intéressants:
- Les photos d'Austé: c'est assez anecdotique, mais comme on les voit très vite dans le film, on peut ici apporter plus d'attention
- Le court-métrage d'Alanté Kavaïté Trois ans plus tard: une interview des deux jeunes personnages de Summer, trois ans après leur été. Ce film permet d'apporter un éclairage supplémentaire sur les personnages et leur relation. Cela permet de combler des questionnements qu'on peut avoir sur les personnalités des deux filles (notamment sur Sangaïlé, qui reste un personnage assez opaque). Même si j'aurais préféré que le long-métrage travaille plus à me les faire comprendre, ce petit film reste intéressant.
-Le moyen-métrage d'Alanté Kavaïté How we tried a new combination of light: un film-poème inspiré d'une pièce symphonique d'Olivier Mellano. Un peu trop conceptuel et abstrait pour moi, mais la musique et les images sont belles. Difficile pour moi d'accrocher, mais à le regarder comme j'écoute parfois de la musique, c'est à dire en faisant autre chose en même temps, c'était tout de même assez agréable.









mardi 12 avril 2016

Hallucinations collectives: This is the end

Rassurez-vous, je ne suis ici ni en train de vous annoncer la fin du blog, ni même celle des articles concernant les Hallucinations collectives (d'autres arrivent pour les dates de sortie des films en avant-première). Non, je vais parler ici de deux films qui traitent tous les deux du même thème, celui de la fin. Innocence, le joli film de Lucile Hadzihalilovic, s'intéresse à la fin de l'enfance et Appel d'urgence, de Steve de Jarnatt, nous présente rien moins qu'une interprétation de la fin du monde... Comment arrive-t-on à la fin? Peut-on y échapper? Qu'y a-t-il après la fin? Les deux cinéastes, à leur manière, explorent ces questions et livrent deux longs-métrages très intéressants et personnels.

Innocence, Lucile Hazihalilovic, 2004



Voilà un film bien particulier que cet Innocence. Par son sujet, par son parti-pris esthétique, par son rythme. Un véritable ofni, plein d'audace, un conte onirique, une fable fantastique, comme on aimerait en voir plus souvent par nos contrées.

Innocence nous raconte donc une année dans un bien étrange pensionnat de jeunes filles. A la rentrée, chaque "maison" accueille une nouvelle pensionnaire de six ans, qui débarque en cercueil. Une "maison", c'est un ensemble de 7 fillettes, de 6 à 12 ans (une par tranche d'âge) qui vivent sous un même toit. Lors des récréations, toutes les maisons se réunissent. Lors des classes, chaque tranche d'âge se réunit pour étudier la danse avec Mademoiselle Eva (Marion Cotillard) et la biologie avec Mademoiselle Edith (Hélène de Fougerolles). Tout semble n'être qu'ordre et beauté dans ce petit pensionnat parfait, entouré d'un épais mur en pierre. Mais le mystère règne... Où sont les garçons?Où vont les filles de 12 ans, le soir? Et qu'y a-t-il derrière le mur? Pourquoi celles qui le passent n'en reviennent jamais?



D'abord, ce qui frappe dans ce film, c'est l'image, le parti-pris esthétique fort et qui correspond complètement à l'histoire racontée. Dans un beau 35 mm (qui a causé quelques soucis de bobine à la projection, vite oubliés face au bonheur de voir de telles images sur pellicule), Lucille Hazihalilovic choisit de nous montrer ce monde de l'innocence, représenté par deux couleurs en particulier: le blanc (l'immaculé que portent les fillettes) et le vert (celui du parc, qui rappelle la forêt des contes de fées). En extérieur, le film bénéficie d'une très belle lumière mettant en valeur le passage des saisons, parfait écrin pour cette histoire sur l'enfance qui passe doucement. Dès qu'on entre en intérieurs, on entre dans des climats beaucoup plus austères. On croirait pouvoir sentir la soupe, la naphtaline et la craie. Dans ses deux mondes, on va avoir tout le questionnement des fillettes: faut-il préférer l'extérieur, sa belle lumière vive, sa joie, mais aussi ses mystères, sa nuit? Ou bien les murs de l'intérieur du pensionnat, sa sécurité, l'amitié des autres fillettes, malgré ses aspects de prison?



J'aime beaucoup la construction du film qui dure le temps d'une année scolaire. La progression va nous faire évoluer de points de vue, depuis le regard de la petite fillette de 6 ans, qui découvre l'école comme nous, puis à la fillette de 10 ans, qui brûle d'envie d'être choisie pour son excellence par la directrice de l'école, à celle de 12 ans, qui sait qu'elle va bientôt devoir la quitter. Ce schéma nous permet de (re)vivre toute une enfance, mais à travers le regard de personnages bien différents: passionnées ou timides, audacieuses ou obéissantes, capricieuses ou responsables. La bonne idée de ce film, c'est de ne pas montrer l'enfance d'une seule petite fille et de faire ainsi une parabole généraliste de ce qu'elle peut être, mais de nous montrer des enfances, et combien la perte de l'innocence est autant une affaire d'âge que de personnalité.



J'essaie de me réfréner mes envies de vous parler plus en avant sur ce film, parce que je pense que c'est un film qui se délivre peu à peu et qu'il serait dommage que je vous le gâche à l'avance. Je vous conseille simplement de voir ce beau film au charme envoûtant. Je dois en revanche vous prévenir: le rythme du film est assez lent. Moi ça ne me dérange pas, et je trouve même que ce rythme permet de suivre au plus près l'évolution des personnages, de cette époque de la vie où les silences sont toujours emplis de questions qu'on a envie de poser...



Appel d'urgence, Steve de Jarnatt, 1989



Ce film de 1989 est une rareté qui trimballe une jolie petite réputation de film culte. Et pour moi, il a été le gros coup de cœur des Hallucinations collectives. Cela a été une véritable découverte, et je me suis complètement laissé emportée par cette histoire complètement folle, séduite par un scénario très audacieux, mais parfaitement cohérent, et émue par une très très belle histoire d'amour.

Et pourtant, Appel d'urgence (Miracle Mile pour le titre original) déjà pas facile d'accès aujourd'hui, a bien failli ne jamais voir le jour. En effet, le scénario absolument formidable de Steve de Jarnatt est resté une dizaine d'années en hibernation dans les tiroirs d'Hollywood (les producteurs, vu la situation politique de l'époque, étaient frileux à parler d'un tel sujet). De Jarnatt parvient finalement à racheter son script et à le faire produire avec un petit budget de 3.5 millions de dollars par la Hemdale Film Corporation.



L'histoire est tout simplement géniale: Harry, musicien dans un orchestre de jazz profite de sa venue à Los Angeles pour visiter le musée d'Histoire naturelle. Et là, c'est le coup de foudre. Il tombe sur une jolie serveuse au mulet flamboyant (bon, c'est les années 80, on ne juge pas!) et se dit que c'est la bonne. Il réussit à lui parler et passe une très belle journée avec elle. Il rencontre ses deux grands-parents qui refusent de se parler depuis des années, la dépose devant le diner dans lequel elle travaille et s'apprête à se reposer un peu en attendant de la retrouver à la fin de son service. Bref, une belle comédie romantique commence.

Mais voilà, il suffit d'une panne d'électricité, d'un rendez-vous manqué et d'un étrange appel sur une cabine téléphonique pour que tout bascule: une menace nucléaire imminente pèse sur Los Angeles et Harry doit absolument retrouver la belle Julie avant que ne survienne l'apocalypse. Il n'a qu'1h10 pour la sauver.



Ce film est la preuve qu'un très bon film n'est pas une histoire de moyens, mais une histoire de bonnes idées. Et là, je dois dire que des bonnes idées, il y en a à la pelle. On part déjà d'un scénario béton, où tout est parfaitement bien traité. D'abord, on a de très beaux personnages, auxquels on s'attache instantanément. Harry, joué par le décidément trop rare Anthony Edwards (vous savez, Dr Green) est un magnifique amoureux, qui du gentil gars un peu gauche va devenir un véritable héros par passion. Julie, interprétée par Mare Cunningham est terriblement touchante et on comprend très vite la volonté de notre protagoniste de tout faire pour la sauver.

De plus, de Jarnatt réussit un pari vraiment très osé: le mélange des genres. Ici, on est à la fois dans la comédie romantique, la comédie, le film d'anticipation et le film catastrophe. Le mélange est parfaitement équilibré, ce qui est d'autant plus difficile que le film est relativement court aussi bien dans sa durée fictive (une nuit) que dans sa durée réelle (87 minutes). Quand on voit qu'il a fallu 100 minutes de plus à Cameron pour réussir un tel défi avec Titanic (que j'aime beaucoup, soit dit en passant), on comprend à quel point le scénario de De Jarnatt est efficace. Ici, on est dans une économie du scénario parfaitement maîtrisé: il n'y a rien de trop, rien d'inutile: tout comme ses personnages qui n'ont pas de temps à perdre pour des broutilles, De Jarnatt va à l'essentiel. Et ça fonctionne complètement, on est tenu en haleine tout au long du film et on ne sait jamais ce qui nous attend au coin de la rue. Sérieusement, ce scénario est une pure merveille!



Mais surtout, là où je ne l'attendais pas du tout, le film m'a véritablement émue. Parce que moi, derrière mes allures de bourrine amatrice de films d'horreur et d'action, j'ai un petit cœur en pâte d'amande qui bat très fort devant une belle histoire d'amour. Et celle-là, mes amis, croyez-en votre amie très fleur bleue sur les bords, c'est une magnifique histoire d'amour. Une histoire de coup de foudre qui va se vivre à 100 à l'heure, parce qu'elle n'a pas d'autre choix que l'urgence.









vendredi 8 avril 2016

Hallucinations collectives: les films que vous ne pourrez peut-être pas voir

Il arrive que le monde de la distribution soit absolument impitoyable, et heureusement, les festivals sont là pour nous rendre ce monde un peu plus acceptable, et nous faire découvrir des films auxquels on aurait du mal à avoir accès autrement.

Cette année encore, les Hallucinations collectives ont permis à des films qui ont difficilement trouvé les voies des salles voire même des lecteurs dvd en France, de trouver un public enthousiaste. Et comme c'est toujours un plaisir de faire des découvertes (même si les films ne m'ont pas tous complètement fait décoller), je voulais partager un peu de ce plaisir avec vous. Un plaisir un peu mêlé de frustration, parce que je sais qu'il vous sera difficile d'y accéder. Mais c'est en en parlant qu'on pourra peut être donner l'envie à des distributeurs de leur donner une vie plus longue. Et que, pour certains notamment, ça vaudrait vraiment le coup!

Der Nachtmahr, Akiz



Je vais faire assez vite sur ce film-là, parce que je dois bien avouer que c'est clairement le film que j'ai le moins aimé de ceux que j'ai pu voir. Sachant que c'est un premier long métrage et qu'en plus, il n'est pas très chanceux en terme de distribution, je vais éviter d'être trop incisive (parce que j'avoue que j'ai quitté la salle un peu vénère sur le coup), même si je me dois d'expliquer les raisons de mon manque d'enthousiasme.

Der Nachmahr, c'est l'histoire de Tina, une ado, qui profite de l'absence fréquente de ses parents pleins aux as pour s'égarer au maximum dans les nuits berlinoises, ses rave-partys stroboscopiques et ses cocktails de pilules colorées. Mais après une soirée un peu trop trippante, elle se voit victime de visions récurrentes d'un monstre fœtal.



Pour faire vite, je reprocherais à ce film ce qu'on peut souvent reprocher à certains premiers long métrages, la volonté de trop en faire.

Là, Akiz est à la fois scénariste, réalisateur et créateur plastique (c'est d'ailleurs maintenant dans l'art contemporain qu'il œuvre désormais). Il sait effectivement à mon avis créer des images, mais pour moi, le scénario n'est vraiment pas au point. Le vrai problème principal, pour moi, ça a été le personnage principal. Tina, même si elle est interprétée par une actrice très juste et intéressante, la jeune Karolyn Genzkow, n'est pas un personnage très bien écrit: on ne sait pas ce qu'elle veut, quel est son conflit, et elle n'est pas du tout caractérisée, on a l'impression de voir tout au long du film une coquille vide qui subit sans cesse les évènements et on a donc pas trop envie de la suivre. Si je dois comparer ces jeunes personnages aux autres que l'on a pu voir lors du même festival, notamment dans Green Room ou Alone dont on parlera à leur sortie, il y a quand même un monde au niveau de l'écriture et de la vision de l'adolescence. Dans les autres films, en 5 minutes, on comprend tout de suite à qui on a affaire: il suffit de quelques répliques pour que chacun des gamins soit caractérisé et on a tout de suite envie de partir avec eux. Dans Der Nachtmahr, on ne comprend pas bien ce qui les différencie les uns des autres, on ne sait même pas vraiment s'ils sont autre chose que des adolescents (je veux dire, des personnes à part entière). C'est un peu dommage, d'autant plus que le scénario un peu décousu en mode Est-ce vrai/Est-ce faux? laisse une part un peu trop libre à l'interprétation, sans nous donner vraiment d'indice sur les intentions du film (et je ne parlerai pas de l'utilisation du gimmick qui me met hors de moi, le fameux "tout ceci n'était qu'un rêve"). Le rythme du film pâtit également de gros trous, et il y a de nombreuses scènes qui ne servent pas à grand-chose.



Et puis surtout, y'a un côté arty farty qui a tendance à m'énerver un peu, où on sent la volonté de faire un film "hype" en parlant d'une jeunesse riche mais désoeuvrée. Déjà chez Sofia Coppola, je m'en fous royalement... alors là... Et il y a une vision de la jeunesse assez moraliste qui me gêne un peu ("Ah ma bonne dame, les jeunes d'aujourd'hui, avec leurs téléphones portables et internet et les drogues, ils sont complètement déphasés, ils savent plus ce que c'est que la réalité... Et puis avec ces parents qui travaillent tout le temps et qui pensent que leur argent va compenser leur absence...") tout en voulant "faire jeune" (avec des avertissements pour les vieux qui écoutent pas la musique assez fort et les épileptiques). Et aussi (et là c'est mon avis de fille), un aperçu de la psyché féminine un peu trop clichée pour avoir été écrite par quelqu'un d'autre qu'un homme.

Après, je reconnais qu'il y a de très bonnes choses: les relations entre Tina et ses parents sont plutôt bien dépeintes (une très belle scène de repas), les apparitions de la créatures sont plutôt réussies, d'autant que la créature en question est une vraie réussite plastique.

Mais dans l'ensemble, je pense que ce film aurait largement gagné à être un court métrage: cela aurait permis d'évacuer les nombreuses scènes un peu inutiles du film, de recentrer l'action et l'énergie du film, et de pallier aux vides du scénario, notamment concernant le personnage principal. Et je pense que sous ce format là, on aurait pu être face à un très bon film (même si j'avoue que je reste quand même très hermétique au thème).


Blind Sun, Joyce A. Nashawati



Pour ce film, qui est aussi un premier film, je vais aller très vite, puisque je lui reprocherais exactement la même chose qu'au précédent.

On enlève l'ado à Berlin, on la remplace par Ashraf, un immigré qui devient gardien d'une maison chicos dans une Grèce en crise et en mal d'eau. Et lui non plus va pas super bien dans sa tête et a des visions, ce que la solitude et le soleil de plomb ne fait rien pour arranger.

Premier problème identique: la réalisatrice, aussi scénariste, aurait peut-être bien fait de se faire épauler sur l'écriture du scénario. De même que pour le précédent, le personnage principal n'est pas vraiment caractérisé, on ne comprend ni ses intentions, ni ce qu'il désire, ni vraiment quel est son problème (même si pour moi, y'a du post-trauma là-dessous, mais cette interprétation en vaut bien une autre). Il y a beaucoup de scènes assez inutiles, qui alourdissent le rythme du film et qui l'ont rendu pour moi, je dois le dire, assez difficile à supporter sur la longueur. De même, le scénario laisse encore une fois un telle part à l'interprétation libre du spectateur, qu'on peut réellement s'interroger sur la présence ou non d'un point de vue. Et encore une fois, je pense que ce film aurait largement gagné à être scrupuleusement ratiboisé et aurait pu devenir un excellent court-métrage en resserrant tout autour du personnage principal.



Mais je dois avouer que les thèmes évoqués dans Blind Sun, en revanche, m'intéressent, et qu'ils soulèvent plein de questions intéressantes, sur la crise économique en Grèce doublée d'une crise écologique, sur la violence engendrée par les différences sociales qui ne cessent de se creuser, sur le statut d'immigré ou de réfugié, la menace constante qui pèse sur eux. Dommage que ces sujets ne soient pas exploités et qu'une nouvelle fois, on ne ressente pas vraiment quel est le point de vue du film.

En revanche, si j'ai quelques doutes sur le potentiel de scénariste de Joyce A. Nashawati, je n'en ai absolument aucun sur ces talents de réalisatrice. Elle réussit tout à fait à créer une expérience sensorielle, rendant palpables la sécheresse de l'air, la chaleur suffocante, la lumière écrasante du plein cagnard. On en ressort comme victime d'insolation, le bourdonnement des insectes incessants aux oreilles, les membres et la tête lourds. Elle parvient également à bien imposer la tension tout au long du film, malgré les longueurs qu'il comporte. Il y a une démarche esthétique forte et réussie, soulignée par le travail magnifique de Giorgos Arvanitis, le directeur de la photo qui sait filmer ce "soleil aveugle" comme personne.



Donc, même si ce film m'a déçue, j'espère véritablement voir Joyce A. Nashawati s'attaquer à un autre scénario (peut-être écrit avec ou par un autre scénariste) où elle puisse mettre tout son talent au service d'une histoire plus efficace et plus recentrée, parce que sa maîtrise picturale est très impressionnante.


Scare Campaign, Cameron & Colin Cairnes



Alors là, on est tout de suite dans un registre complètement différent. Ici, avec les Cairnes, on plonge sans complexe dans le film d'horreur traditionnel, avec du gore, des sursauts et des blagues qui tournent mal. C'est le deuxième film de ce duo australien qui ne cache pas son goût pour l'hémoglobine.

J'aime beaucoup l'idée de départ de ce film, que je trouve assez rigolote. L'équipe d'une émission de téléréalité spécialisée dans les caméras cachées horrifiques doit faire de sa dernière émission de la saison un hit sous peine de déprogrammation. Ils décident donc de se surpasser dans le foutage de chocottes, mais la réalité dépasse cette fois la fiction...




Alors d'abord, c'est toujours agréable, même si c'est pas très original, de s'en prendre au cynisme des émissions de télé-réalité qui sont prêtes à tout pour augmenter leurs chiffres d'audience: à jouer avec les émotions des participants et des spectateurs, à mentir, à humilier et ici, à faire complètement flipper, sans s'inquiéter des conséquences parfois fatales de leurs inconséquences (et en France, on a eu notre dose de tragédies!).

Du coup, on a droit à des personnages assez savoureux. L'héroïne est bien évidemment la caution éthique du film, une comédienne qui en a assez de bosser pour ces vilains méchants de la télé, mais qui accepte tout de même une toute dernière émission, le producteur est sans scrupule mais complètement dévoué à son métier, la directrice de programme est impitoyable, l'équipe technique est efficace et sympa (donc première victime désignée), la nouvelle recrue passe sa vie sur son portable et veut devenir une scream queen.



Ici, rien de bien étonnant ni de bien nouveau, mais un travail honnête qui fonctionne plutôt bien. On peut tout de même déplorer un scénario très téléphoné (en ce qui me concerne, j'avais compris comment tout allait fonctionner dès le premier tiers du film), qui aurait pu laisser des indices moins évidents, parce qu'on a parfois l'impression qu'on a un gros panneau lumineux avec plein de flèches qui nous les montre. Mais malgré cela, la tension reste assez constante, on sursaute un peu, les scènes gores sont bien sanguinolentes et on se laisse quand même porter. En plus, on a de bons acteurs, qui s'amusent et nous amusent (l'aspect comique de la satire marche plutôt bien).

Et puis surtout, c'est un des rares film d'horreur à base de "found footage" que je peux respecter (et si vous saviez combien je suis allergique au genre, vous sauriez que c'est un immense compliment). Pas de caméra qui bouge dans tous les sens, parce que les mecs sont des pros avec des caméras stables et du matos de son, ce qui explique enfin (presque) pourquoi ça ne sature pas (parce que les mecs qui filment avec leur portable en hurlant, avec un son top niveau dans les films, il faudra m'expliquer où ils achètent leur téléphone qui peut faire studio d'enregistrement). Les séquences en found footage sont intégrées dans le film, et pas trop nombreuses, donc supportables.

Bref, on n'est pas ici devant le film d'horreur du siècle, c'est certain, mais on passe tout de même un très bon moment entre rires et frissons.



Le complexe de Frankenstein, Alexandre Poncet et Gilles Ponso



Là, je dois dire que ce documentaire un de mes gros coups de cœur du festival. D'abord, son sujet est des plus fascinants: la création de monstres au cinéma de Méliès à Cameron au fil des différentes techniques, du maquillage à la modélisation 3D. Pour moi qui adore les créatures diverses et variées, qui suit fan des Muppets comme des Gremlins, qui rêve de monter sur Falcor au studio Babelsberg et ai failli défaillir devant une Gorgone de Ray Harryhausen, c'est le documentaire rêvé!

Déjà, on peut dire que le film est un film de passionnés. Alexandre Poncet, journaliste à Mad Movies, et Gilles Ponso, journaliste à l'Ecran fantastique sont des fous furieux des effets spéciaux. Ils avaient déjà réalisé ensemble un documentaire sur leur héros, Ray Harryhausen, le Titan des effets spéciaux, qui leur avait demandé 4 ans de travail afin de sillonner les Etats-Unis et de réunir des archives et des témoignages absolument exceptionnels. C'est à cette occasion qu'ils ont eu l'idée de ce nouveau film, en rencontrant les maîtres des effets spéciaux hollywoodiens.



Et là, en terme de rencontres, c'est quand même le bonheur, parce qu'on a droit à des interviews des plus grands spécialistes des effets spéciaux: Steve Johnson (élève du génie Rob Bottin auquel le film rend un bel hommage, papa du Slimer de Ghost Busters ou des créatures sublimes d'Abyss, et sosie non-officiel de Robert Dawney Junior), Rick Baker (papa du Loup garou de Londres et des effets beurk de Videodrome), Alec Gillis et Tom Woodruff (pour les bébêtes alien de Starship troopers) Greg Nicotero (le maquilleur responsable du teint éclatant des zombies de la série Walking Dead), Phil Tippet (papa de Jabba the Hutt, qui s'est fait soufflé les dino de Jurassic park par le numérique) Chris Walas (le papa des Gremlins)... Mais on a droit aussi à des interviews de metteurs en scène qui vouent un culte aux effets spéciaux Joe Dante et John Landis (qui règlent en bons copains leurs rivalité sur le sujet des loups-garous entre Hurlements et le loup garou de Londres), Guillermo Del Toro (qui avec le Labyrinthe de Pan et Hellboy a une sacré expertise en beaux monstres) ou Kevin Smith.

Le déroulement du film, s'il est un peu répétitif (et c'est l'unique reproche que j'aurais à faire à ce film), est très didactique. On suit une sorte de fil chronologique qui nous fait naviguer sur le fil de l'évolution des techniques d'effets spéciaux. On passe du maquillage, à la stop motion, aux créatures animées mécaniquement, à celles animées électroniquement (animatronic, mon amour), aux animations 3D, et, tout au long de l'histoire, à l'utilisation hybride de plusieurs techniques. On découvre comment fonctionnent ces techniques, qui en sont les grands maîtres, dans quels films elles ont été utilisées et pourquoi.

Et si comme moi, vous êtes un peu fétichiste de ces créatures, vous allez êtres ravis: on a accès à des archives exceptionnelles où l'on voit les créateurs aux prises avec leurs monstres, les dessinant, les sculptant, les animant... On comprend alors le titre du film, cette excitation du créateur à jouer à être dieu, et ce moment de ravissement où ce qui n'était qu'une idée se met à s'animer, et où l'on a envie de s'écrier: "It's alive! Aliiive!"



Mais surtout, le film présente de vrais parcours humains, et nous fait partager une dimension émotionnelle forte, qu'on ne soupçonnait peut-être pas. On assiste à l'explosion de la carrière de certains créateurs FX, puis à leur oubli une fois venu le temps du numérique. Et si l'on comprend souvent le choix des producteurs qui se tournent vers la 3D par économie et rapidité, on regrette toutefois la disparition progressive de ces métiers de magiciens, d'illusionnistes formidables, d'artisans du rêve, et de leur monstres fabuleux. Mais la nostalgie a ses côtés bénéfiques et le film, même si l'on en ressort un peu triste, nous livre un espoir pour l'avenir: la collaboration des effets mécaniques, électroniques et numériques pour des effets encore plus époustouflants et une impression de réel saisissante. De plus en plus de réalisateurs amoureux des effets spéciaux (Del Toro, notamment) l'ont bien compris, et savent que ce n'est pas la création qui doit s'adapter à la technique, mais que c'est au contraire à elle de déterminer quelles sont celles qui la rendront la plus vivante, et dans quelles situations, et que même s'ils sont devenus minoritaires, les maquilleurs et les créateurs d'effets mécaniques et électroniques ont toujours un rôle à tenir dans la réalisation de nos rêves, ou de nos pires cauchemars...

Pour l'instant, ce petit bijou n'a pas de distribution prévue, mais j'espère qu'on pourra tous très bientôt avoir accès à ce joli film, parce que j'ai déjà envie de le revoir très vite.



vendredi 1 avril 2016

Hallucinations collectives: Soirée animokatak: du poil et des antennes!

Me voilà de retour après une fin de semaine complètement dingue passée aux Hallucinations collectives. J'en reviens la tête chargée d'images et je suis complètement lessivée (à tel point qu'à ma grande déception, une énorme migraine m'a empêché de voir le film de clôture, que j'attendais pourtant beaucoup- et à en croire môssieur, y'avait de quoi, High Rise de Ben Wheatley). Bref, après cette surconsommations de films hallucinatoires, me revoilà pour vous parler de la sélection. Dans les jours à venir, vous aurez donc une petite rétrospective des films que j'y ai vus, même si je garde de côté pour leur sortie française les chroniques sur les films qui sont prévus pour bientôt (parce que c'est pas très gentil de spoiler avec plusieurs semaines d'avance).

On commence aujourd'hui par un petit rapport sur une soirée assez sympathique: la soirée Animokatak.  Comme l'indique son titre que perso, j'adore (toi qui as lu cette chronique, tu comprends pourquoi), cette soirée était consacrée à deux films mettant en scène des animaux pas très sympa, avec une sacrée dent (enfin, défense ou mandibule, c'est selon) contre l'humanité. Au programme, le film culte australien Razorback sur un sanglant sanglier géant, et Phase IV, le film d'invasion fourmilière de Saul Bass. Un programme qui donne envie de se désinscrire de WWF et de prendre des actions chez Baygon.

Razorback, Russel Mulcahy, 1984



Pour moi, un grand mystère régnait autour de ce film. J'en avais entendu parler depuis longtemps, par papa Girlie Cinéphilie, qui avait souvent évoqué une séance de cinéma particulièrement intense, une plongée dans l'enfer du bush australien. En bonne fille à papa que je suis, il me tardait de voir ce film qui m'avait déjà marqué sans le voir. J'étais donc ravie que les Hallus le programment, et en 35mm original, s'il vous plait, peut-être la même copie que celle qui avait fait tripper le géniteur, si ça se trouve...

Razorback, c'est l'histoire d'un sanglier géant terriblement destructeur, au fin fond du bush australien. Et oui, l'Australie, qui était déjà fournisseur officiel des bébêtes les plus terrifiantes de la planète (me lancez même pas sur l'ornithorynque), avait-elle besoin d'un sanglier de la taille d'un rhino, à la puissance Godzillesque, et à la cruauté sans limite (pire que le dingo d' Un cri dans la nuit, non seulement il enlève des bambins, mais en profite aussi pour refaire la déco en mode bulldozer)? Peut-être pas, et c'est pourquoi le pas tout jeune Jake Cullen a voué sa vie à lui faire la peau. Et si l'arrivée d'une journaliste américaine défenseuse des animaux va compliquer les choses, le danger que représente ce double maléfique de Pumba n'en sera que plus grand.



Russel Mulcahy a été choisi pour réaliser ce film. Il était alors surtout connu pour avoir réalisé des clips pour Kim Carnes, Bonnie Tyler et surtout pour Duran Duran. Et comme je suis une bloggueuse consciencieuse qui fait des recherches sur youtube, je ne peux résister au plaisir de partager avec vous une petite parenthèse vidéo-musicale.

 
Vous comprendrez donc que l'esthétique de Razorback reflète parfaitement son époque: ça claque, les couleurs pètent. Il y a définitivement un côté très clippesque dans la réalisation et le montage de ce film, que l'on retrouvera dans le long métrage suivant de Mulcahy, Highlander.
 
J'avoue que je suis assez partagée sur ce film. Autant j'ai trouvé que de nombreuses scènes étaient très impressionnantes (un mobil home qui se déchire littéralement, emportant un téléviseur loin de son malheureux téléspectateur), et j'ai assez adhéré au délire foutraque qu'on retrouve notamment dans une scène de rêve au décors splendides. Comme souvent, la violence animale est bien là pour souligner la violence humaine qui ici, est pas évoquée à moitié (mention spéciale au méchant, David Argue, une sorte de Sid Vicious boucher vachement vicieux). Et puis on vit une véritable ré-immersion dans les années 80: on est vraiment dans l'esthétique d'une époque, et le fait de le revoir en pelloche, avec l'image qui bouge et qui craque un peu rajoute à la nostalgie.
 
En revanche, j'avoue avoir eu pas mal de soucis avec le montage pas très facile à suivre ((je me suis demandé à plusieurs reprises où l'on se trouvait dans l'espace filmé) et parfois pas très dynamique. Et on peut déplorer un jeu d'acteur un peu trop exagéré à mon goût, mais bon, comme le reste du film est très over-the-top, on s'en arrange.
 
 
 
Non, le vrai problème, c'est la bébête. Je ne sais pas si cela vient du fait que je venais de voir le magnifique documentaire Le complexe de Frankenstein sur la création de monstres sur grand écran (on en reparle bientôt, un des mes coups de cœur du festival), mais j'ai été pour le moins déçue par l'aspect du terrible sanglier. Autant quand Mulcahy utilise la caméra subjective, on y croit, quand le sanglier est immobile, ça fait un peu taxidermie, mais ça passe. Mais quand il est censé se déplacer, et qu'on sent les accessoiristes tirer ou pousser la grosse peluche, j'avoue que ça gâche un peu tout. C'est dommage, parce que dans la suggestion, ça fonctionne plutôt bien...
 
J'ai tout de même passé un très bon moment dans l'ensemble et tout cela m'a replongé à une époque bien lointaine où il m'était strictement interdit de voir ce genre de films. Ca m'a donné envie d'ouvrir un paquet de Treets en buvant du Tang (si tu comprends pas cette phrase, c'est que tu es trop jeune), de me caler au fond du fauteuil rouge et de profiter au maximum de cette belle séance.
 
 
 
 
Phase IV, Saul Bass
 

 
 Après le gigantisme, on passe chez les minuscules. Oubliez tout ce que Fourmiz et 1001 pattes ont voulu vous faire croire: les fourmis ne sont pas du tout des animaux sympas. Ce sont des êtres foutrement bien organisés, intelligents nombreux et capables de se liguer entre plusieurs espèces. Et, dans un futur proche des années 70, elles ont juré de conquérir le monde! 
 
 Mais c'est sans compter la vigilance du biologiste Dr Hubbs qui a bien compris que quelque chose de louche se tramait chez les tites bètes, et qui, accompagné du jeune mathématicien Dr Lesko, compte bien les arrêter en montant un laboratoire high-tech comme rempart à la barbarie des insectes.
 
 
 
C'est le seul long métrage de Saul Bass, surtout connu pour ses mythiques scènes de générique, pour Preminger, Hitchcock ou Scorcese. Mais l'équipe des Hallu a brillamment mis en valeur le travail de Ken Middleham, qui n'est crédité au générique que dans la deuxième équipe comme réalisateur des séquences avec les insectes.
 
 Mais si le film est aussi prenant, c'est pourtant surtout grâce à Ken Middleham. Les scènes qu'il a réussi à filmer sont absolument incroyables. On réussit à voir différentes espèces de fourmis dans un même plan, et elles semblent même converser. On a du mal à y croire dit comme ça, il parvient à filmer des insectes comme de véritables acteurs: on a l'impression de voir ces fourmis réellement incarner des personnages et être dirigées de main de maître. C'est absolument fou, on leur prête sans hésiter des intentions, des conflits, une âme et on n'a pas du tout l'impression d'être dans un documentaire animalier. Je dois avouer que j'ai été complètement soufflée par ces scènes, je n'avais simplement jamais vu une chose pareille, même Microcosmos laisse froid à côté de cette réussite époustouflante.
 
 
 
Côté humain, j'avoue avoir été plus déçue, d'abord parce que l'interprétation, tout comme les personnages, ne sont pas des plus passionnants. Mais j'ai tout de même été très sensible à certaines idées très visuelles et propres à imprimer durablement la rétine: des corps "percés" par des fourmis, des projections d'insecticide colorées, un laboratoire futuristes, des piliers annonciateurs d'apocalypse, il y a quand même de quoi se repaître l'œil.
 
Une nouvelle fois, on est plongé dans une époque, les années 70, et en particulier la SF des années 70. Du coup, on est face à un futur vintage pour lequel j'ai toujours un petit faible. Et même si la fin du film me déçoit un peu, on ne peut pas nier qu'elle est complètement symptomatique d'un courant de pensée très 70's.
 
 
 
Dans l'ensemble, on passe tout de même un excellent moment devant cette rareté et encore une fois, les scènes avec les insectes sont tellement fabuleuses qu'elle méritent à elles seules de découvrir ce projet complètement dingue.