pelloche

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jeudi 12 mars 2015

Birdman, ça plane pour toi?



Ce film là, depuis que j'avais vu la bande-annonce, j'attendais de le voir avec des fourmillements dans les yeux. Tout me plaisait. D'abord la présence de Mickaël Keaton, que j'adore et qui est malheureusement trop absent, alors qu'il a une palette de jeu incroyable. On le connait surtout pour le meilleur Batman (vous préférez celui qui se prend pour Barry White? Tant pis pour vous. Pour moi, ce sera toujours Mickael Keaton). Mais n'oublions pas que c'est aussi le fabuleux Beetlejuice, les multiples personnages de Mes doubles, ma femme et moi, ou Ray Nicolette dans Jacky Brown. Bref, c'est un p... d'acteur et j'étais ravie de le retrouver dans un premier rôle qui se pose en miroir troublant à sa propre carrière: celui d'un acteur célèbre pour avoir interprété un super-héros qui, après une traversée du désert, décide de se lancer dans une adaptation de Raymond Carver à Broadway.


L'autre promesse, c'était Alejandro Gonzales Inarritu, le réalisateur que je suis depuis son premier long, Amours Chiennes, que j'avais adoré. Inarritu, c'est un cinéaste ambitieux, qui n'hésite pas à être radical, ce qui est parfois formidable (21 grams), mais qui peut parfois être agaçant (Babel). Mais ça reste toujours un réalisateur intéressant. J'avais, de plus, entendu dire qu'il s'était lancé le défi, comme Hitchcock avec La Corde, de réaliser un film en un plan séquence apparent. Et ce genre de défi technique, ça me botte pas mal si c'est bien fait.

La bande annonce était très alléchante: une belle brochette d'acteurs, du rythme, et un pain dans la tronche d'Edward Norton particulièrement jouissif: je trépignais d'impatience.



Et voilà, j'ai enfin vu le fameux Birdman. Le bilan: pas aussi fort que je l'espérais, mais un pas décevant au point de vous refaire le coup d'Interstellar. Je vous explique tout ça.

Déjà, les promesses sont tenues. On commence par Keaton. Le voir sur grand écran, c'est déjà un plaisir immense, parce qu'il nous avait terriblement manqué. Et il est à la hauteur de ce qu'on attend de lui. Parfait. Il fait corps avec ce personnage et ses névroses, et ça fonctionne, on y croit! Il est toujours à la limite d'en faire un petit peu trop, mais comme ça colle parfaitement au personnage, on ne tombe jamais dans le ridicule. Keaton réussit à la perfection ce numéro d'équilibriste.



Le reste du casting est également à saluer. Edward Norton est d'une pédanterie révoltante, Naomi Watts et Amy Ryan d'un manque de confiance en elle pathétique, Lindsay Duncan joue une critique odieuse et la merveilleuse Emma Stone est absolument parfaite en fille paumée mais pas tant que ça.



Au niveau de la réalisation, c'est clair, y'a de l'ambition, et c'est en plus souvent réussi. La caméra se perd dans les couloirs du théâtre comme dans l'hôtel de Shining (eh tu l'as vue la moquette?), suit et laisse les personnages. Elle en devient un en elle-même, une création, comme Birdman, le double superhéros du héros, Riggan Thomson. Inarritu tente tout, se met volontairement des bâtons dans les roues et s'en débarrasse, pour la plupart, sans difficultés: plan séquence, reflets, caméra aérienne, dédoublements...



On a donc au final un film d'une excellente facture, très réussi, qui a sûrement mérité tous ses oscars (même si, à mon goût, Foxcatcher en aurait mérité plus...)

Cependant, je suis restée un peu à côté du film, je ne suis pas rentrée complètement dedans et je crois avoir compris pourquoi.

Les personnages d'abord. Alors oui, je sais que c'est une critique acerbe des milieux du spectacle. Et ça marche. Les personnages, à part celui d'Emma Stone, peut-être, sont des divas insupportables, obnubilés par leur égo, autocentrés au possible, au point de multiplier les je par le jeu. Et la critique fonctionne carrément, parce que vraiment, ces personnages, ils nous font rire, ils nous énervent, on a envie de les baffer et on adore les voir souffrir. Mais y'a un problème: on n'a pas d'empathie pour eux. Mais alors aucune. Et je vous avoue que moi, au bout d'un moment, je m'en tamponnais le coquillard, de ce qu'il pouvait lui arriver, à Riggan Thomson. Alors c'est quand même rigolo de le voir s'en prendre plein la tronche (en particulier lors d'une traversée particulièrement intense de Broadway), mais quand j'ai vu que sa vie était en danger, le summum de ma réaction a dû être un soulèvement subtil de sourcil.

L'autre problème, pour moi, ça a été les dialogues. Ils sont bien écrits, c'est pas le problème. Ou plutôt si, ils sont TROP bien écrits. Je sais qu'on est dans un hommage à Carver et qu'il peut donc y a voir une tentation littéraire (rien que dans le sous-titre "La surprenante vertu de l'ignorance"), mais trop, c'est quand même trop. Alors oui, y'a des mots d'auteur qui piquent juste, on a des personnages qui se la pètent assez pour parler comme dans une pièce de théâtre et débiter continuellement de la tirade. Mais au bout d'un moment, ce qui était un plaisir au début m'a à la longue fatiguée, le verbe est devenu bavardage et j'ai décroché. Ca reste tout de même difficile de croire que des gens, même des gens de théâtre parlent constamment de cette manière. Pour moi, seule Emma Stone avait un personnage assez complexe et humain pour arriver à incarner ces dialogues, et à en faire ressortir une véritable émotion.

D'autant plus que les dialogues comportent souvent un de ces trucs qui me navrent: des personnages qui expliquent ce qu'ils vont faire, pourquoi ils vont le faire, comment ils vont le faire et comment ils se sentent. C'est comme ça que tu parviens, d'un seul et même coup, à perdre facilement 15 minutes de précieux film, et à faire que ton spectateur ait l'impression d'être pris pour un débile...



Enfin, même si je reconnais la virtuosité d'Inarritu, je n'ai pas tout trouvé réussi. L'ambition est louable, mais j'aurait apprécié une intégration 3D plus fluide sur les scènes de vol ou une meilleure post-synchro sur les scènes de miroir. Je sais que c'est pas grand chose face aux prouesses exécutées d'autre part. Mais personnellement, je préfère les mises en scène moins épatantes mais complètement maîtrisée que le baroque, il est vrai attachant, de celle-ci, qui a ses failles. Mais surtout, cette mise en scène un peu outrancière m'a un peu gênée dans le sens où j'y ai vu, chez Inarritu, un soupson de ce qu'il dénonce dans son film: la volonté du spectaculaire et peut-être même la vacuité du pédantisme. C'est peut être, c'est même sûrement voulu. Mais en tant que spectatrice, ça ne m'a pas fait décoller... Dommage!

12 commentaires:

  1. A 100% d'accord avec toi pour le positif et le négatif; Un film qui sort du lot parmi les sorties ciné tout de même . :)

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    1. Tout à fait, il sort du lot, et il est absolument à voir, malgré mes quelques réserves, y'a pas à dire, c'est du cinéma!

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  2. J'ai attendu ce film avec impatience et je l'ai vu avec ravissement!
    Comme toi j'ai pris un grand plaisir à retrouver le trop rare Mickael Keaton.
    ( Môsieur me dit dans l'oreillette que Batman le défi est son film préféré de tous les temps...ça y, j'en ai pour plusieurs jours).
    J'ai été bluffée, captivée et entrainée par la mise en scène.
    J'ai adoré le personnage interprété par le non moins rare Edward Norton, certes pédant mais bidonnant tandis que le personnage joué par Emma Stone (que j'adore) m'a beaucoup moins convaincue.
    Par contre, comme toi j'eus aimé que Foxcatcher récolte davantage de récompenses.
    Pour finir, je ne suis pas certaine d'avoir saisi l'allusion sur Barry White...Parce que Michael Keaton aussi parle avec une grosse voix, au moins dans l'extrait que je viens de visionner en vitesse ^^.
    Et le question à 10 000, qu'est ce qui t'as agacé dans BABEL?

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    1. Encore une fois je suis presque d'accord avec Môsieur, sans être mon film préféré de tous les temps, Batman le défi est mon Burton et mon Batman favori. Après un nombre incalculable de vue, j'ai toujours un pincement de cœur quand Bruce et Selina se rendent compte qu'ils sont en fait ennemis. Et le coup du nez qui pisse le sang, ça continue de me faire toujours rire. Aussi efficace que le coup de poing à Norton.
      Pour moi, la différence est là: Mickael Keaton ne "se prend" pas pour Barry White, il a une belle voix de basse assez naturellement. Christian Bale, je trouve ça un peu forcé. Et surtout, je comprend rien à ce qu'il dit...
      Mais bon dieu, ce que ça fait du bien de retrouver Mickaël Keaton. Cet acteur est incroyable: il a toujours quelque chose à la limite du burlesque et il maîtrise l'équilibre avec le sérieux incroyablement bien. J'espère que ce film va nous donner l'occasion de le voir plus souvent. Et c'est vrai que Norton est assez hilarant.
      T'as pas aimé le personnage d'Emma Stone? Moi je crois que la scène où elle remet son père à sa place est ma préférée du film. C'est la première où j'ai vraiment ressenti quelque chose de vrai, de profond, dans ce rapport père-fille un peu bancal mais plein d'amour qui ne sait pas s'exprimer. Là, c'est mon côté bisounours, j'aime bien l'amour dans les films.
      Ce qui m'a agacée dans Babel... En fait, j'aime bien le film chorale et je trouve qu'Inarritu avait parfaitement réussi ça dans Amours Chiennes et surtout 21 grams qui m'a bouleversée. Pour Babel, j'ai trouvé le propos un peu lourd, et que cette vision peut être un peu trop large, un peu trop ambitieuse, nuisait à l'émotion qu'il avait su maîtriser dans les 2 films suscités. Du coup, le parti pris m'avait fait faire "wow" mais l'histoire (les histoires) m'avait fait faire "bof"...Je m'étais un peu ennuyée à vrai dire...

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    2. Merci pour toutes ces précisions!
      Tout est tellement barré dans le film que le personnage d'Emma Stone m'est apparu presque comme trop normal/humain.
      Et il en est presque devenu caricatural ( d'autant plus si l'on rajoute la drogue, la rehab, le père absent). Pourtant je suis bisounours à tendance câlinours mais là je n'ai pas été convaincue. J'espère également revoir M. Keaton très rapidement.
      Bon WE!

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  3. Cette affiche le fait de l'œil depuis un moment je crois que je vais succomber!!!

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    1. N'hésite pas, même si j'ai quelques réserves, ça reste un très bon film, à ne pas manquer.

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  4. Salut Girlie cinpéhile
    je peux entendre toutes tes réserves surtout qu'elles sont très argumentées et pleine de bon sens ( c'est pas souvent que je flatte, profite en :o) mais pour moi Birdman reste le film génialissime et le plus fort et le plus beau qui m'a été donné de voir depuis... mommy ( tiens j'en remets une couche) :o)...encore une fois un film qui nous en met plein la vue, qui va surement un peu trop dans le too much mais qui tanche tellement avec tous ces films minimalistes que je vois 95% du temps ( ( un cinéma que j'aime aussi évidement sinon j'en verrais pas autant)...bon ma chronique du film devrait (enfin paraitre) d'ici début de semaine prochaine donc j'aurais le temps de revenir dessus...très bonne fin de semaine à toi!!

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    1. Salut,
      Encore une fois, je reconnais l'ambition, le boulot de dingue et le résultat plutôt cohérent. Et j'encourage vraiment à voir ce film, je pense que dans l'ensemble, c'est plutôt une réussite. Et je comprends pourquoi tant de gens l'ont aimé.
      Mais en sortant de la salle, j'ai ressenti une certaine insatisfaction, et c'est en essayant de me l'expliquer que j'ai écrit ce post. Mon souci reste tout à fait personnel: je suis restée à côté. Je sais reconnaître les qualités du film, mais je n'ai simplement pas été touchée. Encore un fois, je pense que le choix des personnages, de la satire et du langage m'ont pas mal éloignée en terme de réception émotionnelle.
      J'ai hâte de lire ton article, en tous cas...

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  5. Je suis ravie de lire un avis plus nuancé. Personnellement j'ai détesté ce film. Je l'ai trouvé très prétentieux, superficiel et finalement vide même s'il aborde à peu près trois mille sujets. Peut-être suis-je excessive mais ce film est en tout cas loin d'être parfait, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire.

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    1. Je comprends qu'on puisse le trouver prétentieux. Moi même je me suis posé cette question notamment concernant la mise en scène. Je ne suis pas loin de penser que certaines prouesses techniques n'ont d'autre but que nous en mettre plein la vue, ce qui en soit n'est pas si grave, mais me paraît étrange sur une satire du spectacle à tout prix... En tous cas, il me semblait important d'essayer d'expliquer pourquoi, malgré des qualités que je trouve indéniables, je ne m'étais pas sentie concernée par ce film.

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  6. Oui, c'est vraiment ça, c'est presque en contradiction avec le soi-disant propos du film, je crois que c'est ça qui m'a le plus dérangée finalement !

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