pelloche

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samedi 22 février 2014

Espace intérieur


Aujourd'hui, on va parler SF. Oui, en ces temps d'exposition Star Wars, vous vous imaginez un nouvel article à la syntaxe yodienne écrit au stylo laser, mais là non, j'ai plutôt envie de parler d'une oeuvre littéraire et cinématographique assez exceptionnelle (déjà le fait que le roman et l'adaptation soient également formidables en fait une oeuvre exceptionnelle), SOLARIS.

Bon, je vous préviens tout de suite, je ne parlerai pas ici du film de Soderberg, tout simplement parce que je ne l'ai pas vu, par peur d'être déçue. C'est peut-être pas très juste, mais c'est comme ça.

Je voudrais d'abord parler du roman de Stanislav Lem, parce que bon, s'il est de notoriété publique que le film de Tarkovski est un chef d'oeuvre, on oublie souvent de parler de son origine littéraire. Alors voilà, SOLARIS, le roman, c'est un des plus beaux romans de science fiction, c'est un des plus beaux romans tout court.

Je résume rapidement l'histoire: le psychologue Kris Kelvin est appelé pour travailler sur une station qui a pour but d'observer la planète Solaris, recouverte d'un "océan" un amas de matière aux formes changeantes qui semble être une forme de vie en soi. Quand il arrive, pas de comité d'accueil triomphant, mais une ambiance morose: un suicidé et deux scientifiques qui semble cacher quelque chose... Puis l'apparition de fantômes du passé, des fantômes bien incarnés pourtant, qui sentent, qui pensent et qui souffrent.

Le roman de Lem est terrible, désespérant mais d'une beauté fatale, c'est une douce et lente agonie et c'est magistralement écrit:

"Alors, se résoudre à l'idée d'être une horloge mesurant l'écoulement du temps, tantôt détraquée, tantôt réparée, et dont le mécanisme, sitôt mis en mouvement par le constructeur, engendre le désespoir et l'amour? Se résoudre à l'idée que chaque homme revit des tourments anciens d'autant plus profonds qu'ils deviennent plus comiques en se répétant? Que l'existence humaine se répète, bien, mais qu'elle se répète comme une chanson usée, comme le disque qu'un ivrogne fait tourner sans cesse en jetant une pièce dans la machine à sous?"

On est d'accord, ça donne pas envie d'aller gambader dans les prés, mais c'est d'une foutue splendeur, non?

Quant au film de Tarkovski, ben d'abord c'est Tarkovski. Point. Un vrai, un grand faiseur d'images. Vous vous souvenez le baiser au dessus d'une tranchée dans L'enfance d'Ivan?










Un jeune homme et sa cloche dans Andrei Rublev?







 Les dunes incroyables d'un monde désolé?
















Oui, chaque seconde d'un film de Tarkovski, c'est 24 images qu'on voudrait faire agrandir, encadrer, et afficher dans son salon. Le problème c'est que les films de Tarkovski en DVD en France, ça coûte une blinde. Du coup, je me suis offert la box par Artificial Eye. Pas de sous-titrage français mais si on a un niveau d'anglais correct, ça suffit. De toutes façons, Tarkovski, c'est pas un bavard, sa caméra fait tout le taf.

Donc des images poétiques, absorbantes, marquantes, sublimes, y'en a plein Solaris. D'abord, y'a l'océan et ses remous, la maison du père de Kelvin, Khari, la copie de son ancienne épouse, saisie par le froid, et surtout cette scène splendide en apesanteur, dans la bibliothèque, où apparaissent des tableaux de Bruegel, qui rappellent justement cette maison, centre des souvenirs de Kelvin.



Le film est comme le roman, d'une mélancolie profonde, on ne peut y échapper à ses souvenirs, à sa culpabilité, on y refait constamment les mêmes erreurs. Le personnage de Khari, et ses questionnements sur sa légitimité, sa place d'objet ou de sujet sont désarmants. Mais Tarkovski ajoute au roman une note finale différente, pas une happy end, ni même une forme d'espoir, mais une scène finale qui semble évoquer le pardon, un retour originel d'une douceur qu'on attendait peut être pas (oui, je sais c'est pas très clair, mais je vais quand même pas vous raconter la fin).

Quand j'ai revu le film il y a quelques semaines, ça m'a foutu un sacré coup de blues, je dois dire, mais ça m'a donné aussi quelques envies de bidouillages, on en parle plus, plus tard...


 
 

2 commentaires:

  1. Bon, là je suis en terrain plus connu :) J'adore le film de Tarkovski et dans une certaine mesure j'ai bien aimé le film de Soderbergh. Par contre je n'ai jamais lu le livre et tu me donnes envie. Quel dommage que ma PàL déborde ;)

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    1. Rhaa, la PAL qui déborde, comme je te comprends (et depuis que j'ai une liseuse, ça déborde doublement). A l'occasion, n'hésite pas, il n'est pas si fréquent, en SF de trouver une plume si enlevée, à l'âme si romantique

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