pelloche

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dimanche 31 août 2014

Quand la fête est finie...



J'essaie toujours de me méfier de mes premières impressions, parce qu'un film n'agit pas uniquement sur l'instant où on le voit, mais aussi après (parfois longtemps après pour les meilleurs) et l'on peut ressentir beaucoup de choses différentes entre le moment de la séance et les jours qui suivent.

Pour moi, ça a été le cas du film Party Girl, qui m'a fait passer par pas mal d'états, depuis que je l'ai vu, mercredi soir, et c'est toujours une expérience très intéressante. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce film ne m'a pas laissé indifférente... Car comme le dit l'un des personnages du film: "On en reparle dans une semaine..."


Très rapidement, je vous résume le film: Angélique, 60 ans, est entraîneuse dans un cabaret à la frontière allemande. Quand un client très amoureux, Michel, finit par la demander en mariage, sa côte de popularité ralentissant au travail, elle commence à se poser des questions... On va découvrir cette femme, ses amies, sa famille plus ou moins fonctionnelle et la suivre dans un tournant de sa vie.

Alors voilà, autant être très franche, on peut dire que quand ce film s'est terminé au son des très beau Chinawoman, je chialais ma race. Parce que oui, Michel, Angélique, sa famille, ses copines, tous ces personnages et ceux qui les incarnent (d'autant plus à la perfection que plusieurs d'entre eux jouent leur propre rôle) sont simplement bouleversants. Je ne sais pas si le film a été tourné dans l'ordre scénaristique, mais on a vraiment l'impression, notamment pour Angélique Litzenburger, qui tient le rôle principal, qu'ils prennent doucement leur place au sein du film et qu'ils gagnent en intensité de jeu à mesure que celui-ci avance.


Le déluge de larmes est aussi dû au scénario, qui comporte des scènes que tout être qui a une famille ou déjà connu une histoire d'amour compliquée (toi, moi, n'importe qui, finalement...) aurait du mal à voir sans un pincement au coeur. Quand je dis ça, du coup, c'est pas forcément un compliment, en fait. Parce qu'il y a par exemple une scène de démonstration d'amour filial qui, si elle a beau être sincère, joue tout de même sur une corde sensible assez facile à atteindre. Et il est dommage qu'un film qui soit parfois d'une telle justesse émotionnelle, notamment lors de la scène finale entre Angélique et Michel, utilise certaines ficelles, efficaces mais plutôt grossières (si la tv les utilisent à outrance, ça n'est pas pour rien) pour nous toucher. Il n'en a pas besoin.

Stylistiquement, on est proche du naturalisme, du documentaire, avec cependant quelques plans en contre-plongée à couper le souffle, qui permettent de s'élever au-dessus de ce quotidien pas toujours réjouissant. Je retiendrai surtout une enveloppe de montgolfière se gonflant et par dessus tout un plan splendide, braqué sur le visage d'une jeune femme juchée sur une voiture, le paysage défilant derrière elle: le ciel, une cheminée industrielle, le ciel...


Mais malgré tout ça, en sortant du cinéma, j'ai ressenti une véritable gène. J'ai mis un moment pour savoir d'où elle provenait. Au début, je pensais que c'était dû au fait d'assister à quelque chose de trop intime. En effet, il faut savoir que le film est réalisé par trois réalisateurs, dont l'un, Samuel Theis, se trouve être le fils d'Angélique Litzenburger qui a voulu faire un film sur sa mère (mais on l'y voit aussi, ainsi que son frère et ses soeurs) comme une déclaration d'amour. Je me disais que quelque part, je n'avais pas vraiment trouvé ma place en tant spectatrice dans ce film qui me donnais un peu l'impression d'être une voyeuse.

Mais en en discutant une bonne partie de la soirée, et en me repassant le film, j'ai réussi à mettre le doigt sur ce qui m'avait véritablement dérangée: c'était en fait Samuel Theis lui-même, en tout cas son personnage. Je m'explique, chacun des personnages du film s'inscrit véritablement dans une réalité: on ressent, aussi bien chez Angélique Litzenburger, que Séverine et Cynthia Litzenburger ou Mario Theis, des aspérités, des non-dits, des conflits intérieurs. Rien de tout cela chez Samuel Theis, il a tout pour lui: il a réussi, il vit à Paris, il est beau, il parle bien, il est proche de sa mère, il est bon en orthographe, il est un peu le philosophe de la famille, le grand sage, la voix de la culture et de la raison, il n'a qu'un défaut (le pov'!) il est célibataire. Bref, tout laisse à penser qu'il s'est donné le beau rôle de l'histoire. Je n'irai pas jusqu'à lui faire un procès d'intention, mais il se dégage quelque chose de très désagréable de la confrontation de ce personnage avec le reste de sa famille, une sorte de condescendance un peu gênante. Ce n'était sûrement pas son attention, parce que l'autoportrait est un exercice extrêmement difficile, surtout sur un premier film, mais je pense qu'il aurait gagné à ne pas vouloir absolument se montrer sous son meilleur jour. Seule, à un moment, sa mère dit qu'il a tendance à tout vouloir contrôler, mais ce n'est pas forcément visible dans le film. C'est dommage, parce que le contraste entre ce personnage qui semble du coup beaucoup plus fabriqué avec les autres personnages du film, pour moi, ne fonctionne pas, et m'a laissé un goût assez amer dans la bouche...


Reste cependant cette Party girl, ce magnifique personnage, cette femme insoumise, cette jolie cigale, qui ne s'excuse de rien, ne se cherche pas d'excuse, et continue d'y croire et de danser même lorsque la fête est finie. Et la voir danser, sous la voix rauque de Chinawoman, rappelle forcément une autre voix rauque et fatiguée, un autre petit matin incertain, celui de All tomorrows party:

"And what will she do with Thursday's rags
When monday comes around?"








2 commentaires:

  1. Tu m'as donné envie de voir ce film. Je comprends ce que tu veux dire, on passe parfois par plein d'états quand on va voir un film et après.

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  2. Merci! C'est vrai qu'on dit souvent que le cinéma est un art de l'image,mais c'est tout autant un art du temps...

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