pelloche

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mercredi 8 avril 2015

Shrew's nest: un nid pas si douillet (Hallucinations collectives)



Ce week-end, lors des Hallucinations collectives, j'ai aussi pu découvrir Shrew's Nest (Musaranas), de Juanfer Andres et Estéban Roel, un huis-clos (comme beaucoup de films de la sélection du festival cette année) bien claustro...

On est en Espagne, dans les années 50, sous Franco (on se calme les filles et on ouvre son livre d'histoire, j'ai dit Franco le dictateur, pas James Franco le séducteur). Déjà comme ambiance, c'est assez étouffant, non? Et bien imaginez en plus une jeune couturière, Montse, qui, après une enfance très difficile (mère morte jeune, père tyrannique et plus, une petite sœur à élever...) est devenue totalement agoraphobe et ne peut pas mettre un pied en dehors de chez elle. Ses seuls liens avec l'extérieur sont sa petite sœur avec qui elle partage son appartement, et une de ses rares clientes, femme du docteur qui lui fait parvenir un peu de morphine pour calmer ses crises. Montse est une jeune femme très fragile mais très protectrice qui démontre une sévérité parfois violente envers sa sœur qui commence à vouloir voler de ses propres ailes et quitter le nid familial. La vie des deux sœurs va basculer le jour où s'échoue à la porte de leur appartement un homme blessé.



Ce film espagnol a eu beaucoup de succès dans son pays d'origine et a été nommé à plusieurs reprises aux Goyas. C'est donc encore une fois assez étonnant de voir qu'il n'a pas trouvé de distributeur par nos contrées. Mais il est vrai que concernant le cinéma ibérique, nous ne sommes pas souvent gâtés, bien que voisins, question de langue et de traduction, sans doute...

C'est un peu dommage, parce que si, pour moi, le film a bien des lacunes, il reste cependant très intéressant.

Expliquons d'abord un peu le titre. Shrew's nest signifie "le nid de la musaraigne". La musaraigne, c'est cet animal généralement assez inoffensif, à l'allure chétive de petite souris au nez allongé, mais qui pour certaines espèces, sécrète un venin paralysant. La métaphore fonctionne plutôt bien. Macarena Gomez, avec ses grands yeux cernés et son visage enfantin possède tout à fait cette fragilité apparente, et en joue à merveille. C'est d'ailleurs bien sur ses frêles épaules que tient tout le film. Elle interprète parfaitement ce petit animal blessé, prêt à tout pour protéger et retenir ceux qu'elle aime, même à la barbarie la plus sanglante. Le nid, dont elle ne peut s'échapper, et dans lequel elle essaie de contenir tout ce qui lui tient à cœur devient vite une prison aussi bien pour elle que pour ceux qui l'entourent, une prison dont les murs cachent de lourds secrets (qu'on devine malheureusement bien vite, la faute à une écriture pas hyper subtile...).



On peut reprocher, effectivement, un manque de rythme et surtout de cohérence à l'écriture de ce huis-clos, ce qui est d'autant plus énervant qu'il y a au moins 4 noms au générique pour le scénario... Le huis-clos, c'est à la fois très pratique et très casse-gueule comme genre. D'un côté, cela permet une économie de moyens, de déplacements, cela crée une atmosphère bien tendue pour le peu que l'on soit un peu claustrophobe, et ici, cela a vraiment un sens, notamment concernant la phobie de Montse. Mais, de l'autre côté, pour que cela fonctionne, il faut vraiment avoir de bonnes raisons pour qu'on ne puisse s'en échapper. Et là, on se dit quand même que certains prisonniers ne font pas beaucoup d'efforts. A croire que tous les personnages sont pris du même mal que Montse... D'ailleurs, à part elle, on a du mal à comprendre les motivations des autres personnages, que ce soit sa sœur ou l'homme blessé... Ça aurait mérité d'être plus fouillé...

Et puis, quand on a un sujet en or comme l'agoraphobie d'un personnage, pourquoi ne pas l'exploiter? On voit dans une scène dans quel état ça peut la mettre de franchir le pas de sa porte et personne ne pense à profiter de ça??? Sérieusement??? On passe quand même à côté d'une chouette scène où elle peut être mise face à sa plus grande peur et en devoir de la dépasser. Pourquoi se passer d'une chance pareille? Franchement, j'ai du mal à comprendre...



Et à côté de ça, il y a quelques scènes de nature assez grand guignolesque qui, si elles font toujours assez plaisir à voir n'ont pas vraiment d'intérêt dans la progression du film. Je suis comme tout être normal, je n'ai rien contre une petite scène de massacre burlesque de temps en temps, mais j'avoue que j'aime bien qu'elle ne soit pas complètement gratuite...



L'autre problème du film est justement ce passage entre plusieurs genre qui n'est pas toujours réussi. On a l'impression que les réalisateurs n'ont pas réussi à se décider sur le ton du film. On oscille entre la tragédie, le Grand-Guignol, le drame familial, la romance... En théorie, ça pourrait marcher. En pratique, s'il n'y a pas de lien entre ces différentes scènes, ça ne fonctionne pas et le film ne laisse pas une impression très forte.

C'est dommage parce qu'il y a pas mal de choses plutôt intéressantes dans ce film. Pour ceux qui suivent un peu mes articles couturesques (j'avoue que j'en ai pas fait beaucoup ces derniers temps, mais ça va arriver, parce que j'ai cousu plein de trucs), vous savez que je voue un culte aux vêtements vintage. Et là, c'est bonheur assuré: des jolies robes au coupes superbes (noires pour Macarena Gomes, à fleurs pour Nadia de Santiago), des petits gilets tricotés...La costumière s'est sûrement fait très plaisir. Alors, oui, c'est peut être accessoire, mais rappelons que le personnage principal est une couturière et bon dieu, je vais quand même pas me priver d'un tel plaisir.


Les comédiens, ensuite. Comme je l'ai déjà évoqué, le film vaut surtout pour la partition de Macarena Gomes, qui trouve là un rôle à la mesure de son talent. Elle sait parfaitement mettre en relief les blessures de son personnage et lui apporte la dose burlesque juste pour le rendre véritablement attachant, malgré ses accès de folie et de violence. C'est une équilibriste hors pair et sans elle, je crois que ce film n'aurait eu qu'assez peu d'intérêt. Sa partenaire, la jeune Nadia de Santiago est aussi très bien, même si elle n'a malheureusement pas eu la chance d'avoir un rôle très écrit. Il y a des "blancs" dans ce personnage qu'il est difficile de combler, mais elle y apporte une très belle douceur. Hugo Silva, le beau gosse de service, souffre du même problème: un personnage qui manque de consistance, avec pas mal d'incohérences. Quant à Luis Tosar, qui joue le père glauque au possible, il est toujours au top dans ce genre de rôle qui fait froid dans le dos (pour ceux qui ont vu Malveillance, vous voyez de quoi je parle...).


Enfin, l'ambiance claustrophobe de cet appartement, alliée à celle d'un pays qui tait son oppression est très bien rendu. On sent que les non-dits familiaux, la terreur du père devenu fou font écho à un malaise national extrêmement douloureux. Et en cela, la fin du film (que je ne dévoilerai pas, rassurez-vous) nous montre combien ces années d'horreur sourdes on pu en enfanter d'autres...





11 commentaires:

  1. Ah c'est dommage, les images donnent bien envie.

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    1. On peut peut-être en espérer une sortie DVD d'ici quelques mois si un distributeur se présente...

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    2. Le 13 de mai sortie dvd "Musarañas" dans Blu-Ray.

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    3. Yes, merci! On surveillera cette sortie ici!

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  2. Creepy!
    Mais bon tu as titillé ma curiosité...

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    1. La curiosité n'est pas toujours un vilain défaut ^^

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  3. ATTENTION SPOILERS:



    Bonjour, je viens de regarder ce film, et je suis vraiment perdue pour la fin, pour la petite soeur de Montse a eu un choc en voyant cette photo ? Dans le film nous savons que la mère des deux filles ressemblant fortement à l'ainée, mais on aurai dit que c'était justement Montse ? Désolée si ce commentaire parait stupide, mais je suis le genre de personne à vouloir comprendre le pourquoi du comment du film ahah !

    Bonne continuation :)

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    1. Tu as compris. SPOILERS
      La mère de la plus jeune est bien l'ainée en fait

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  4. D'accord .... Bon ce film m'a un peu troublée ahah mais merci en tout cas !

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  5. Comme tu le sais, ce film m'a vraiment plu même si je comprends où tu veux en venir. Je crois que l'ambiance a vraiment su m'envoûter ou quelque chose comme ça que je n'ai pas forcément titillé sur des choses qui pourraient effectivement être perfectibles.

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    1. Même si j'ai pu aussi apprécié cette ambiance, j'avoue que j'attendais un peu plus du scénario, qui méritait vraiment d'être mieux ficelé. Je trouve que ça reste un film intéressant, mais qu'on est passé à côté de ce qui aurait pu être un très bon film.

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