pelloche

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jeudi 22 décembre 2016

Les Grands mythes: si l'on est prêt à s'en laisser conter



Grâce à Cinétrafic, j'ai découvert en DVD la série Les grands mythes, proposée par François Busnel à Arte.

A la base, j'avoue avoir été assez séduite par l'idée, qui m'intéressait beaucoup, et ce pour plusieurs raisons:

- Le sujet. Comme tous ceux qui aiment qu'on leur raconte des histoires, j'ai été fascinée dès ma plus tendre enfance par les diverses mythologies. Comme pas mal de gamins de ma génération, tout a probablement commencé très tôt avec la télé, justement, et un beau roux barbu perdu dans l'espace à bord de son vaisseau, et accompagné d'un équipage maudit et d'un robot nommé Nono. Ouais, je crois que ma première rencontre avec Homère et l'Odyssée, les dieux grecs et la tragédie, c'était à travers Ulysse 31. A partir de ce moment-là, j'ai goulûment avalé tout ce qui avait trait à la mythologie grecque, puis aux autres, des Egyptiens aux Aztèques en passant par les Nordiques. Et surtout j'ai bu avidement les paroles de professeurs zélés qui savaient si bien transformer leur cours en veillées de contes et nous passionner pour ces histoires éternelles d'amour, de famille, de guerre et de jalousies. Avec les mythes (comme avec les contes), on découvrait nos premiers récits d'horreur (Chronos mangeant ses enfants restera toujours une terrible découverte), nos premiers récits érotiques (les métamorphoses de Zeus pour séduire ses nombreuses maîtresses), et les petits vicelards que nous étions pouvions sans culpabilité se fasciner pour ces mythes parfois merveilleux, parfois drôles, mais souvent sacrément injustes et violents. Et avec eux, comme tant d'autres avant nous, et tant d'autres après, nous avons grandi.
Ici, la note d'intention de Busnel est intéressante: revenir aux mythes originels, les grecs, avant qu'ils ne s'édulcore un peu avec la culture romaine, beaucoup avec la culture chrétienne. "Ainsi, [nous dit-il,] les mythes grecs furent-ils vidés de leur violence, de leur âpreté, de leur noirceur, de cette culture primitive et souterraine qui les caractérise, mais surtout de la liberté de penser qu'ils proposaient...". Et ce choix-là ne pouvait que me plaire.

- François Busnel. Comme beaucoup j'imagine, j'apprécie plutôt l'émission La Grande librairie qu'il anime sur France 5. Et je pense qu'il y est pour beaucoup: sa passion, son envie de partager, son érudition, tout cela était pour moi un gage de qualité, tout comme la production par Arte.

- Une série animée. Alors oui, y'a peut-être quelque chose de la gamine fan d'Ulysse 31 derrière ça, mais le fait que ce soit une série animée me plaisait. D'autant plus que c'était de l'animation 2D en silhouettes, vous savez, celle qui donne l'impression de voir un spectacle d'ombres chinoises, comme le maîtrise si bien Michel Ocelot. Cela me semblait parfaitement adapté pour parler des mythes, de leur origine primitive, de les imaginer racontés dans une veillée, les ombres se détachant sur les murs, les ténèbres tout autour.

Bref, a priori, cette série avait tout pour me plaire.



Hélas, j'ai été très déçue, au point de ne regarder que le premier volume du coffret et d'abandonner au premier quart du parcours. Pour moi, cette série présente de nombreux problèmes, la plupart ayant trait plus à la forme qu'au contenu (celui-ci fonctionne depuis des millénaires, et fonctionnera encore bien longtemps). Pour moi, il y a là un vrai souci, parce que je pense que cela a été conçu par des gens amoureux de leur sujet, mais qui avaient malheureusement peu d'ambition à en faire un véritable objet d'image et de son.

Commençons par l'image: j'ai été séduite de prime abord par l'idée de l'animation 2D en silhouettes et je continue à penser que c'était une très bonne idée de départ. Le souci, c'est que personnellement, j'ai beaucoup de mal à considérer cette série comme une série d'animation. D'abord parce que de l'animation, il y en a très peu et elle est assez basique: des mouvements souvent répétitifs, des formes qui le sont aussi, des zooms fréquents pour donner une impression de mouvement. On est parfois à la limite de l'animation flash de films institutionnels. L'autre souci, c'est que l'animation en silhouette est un exercice très exigeant: les ombres, pouvant se confondre les unes et les autres, notamment pour les personnages, se doivent d'être bien identifiées. Et pour moi, le travail, en particulier sur la personnification graphique des personnages à ce niveau n'était pas assez important.

L'autre élément visuel utilisé pour la série, ce sont des oeuvres d'art de l'Antiquité à nos jours, ce qui en soi est une excellente idée: on pourrait les analyser, les introduire, faire connaître aussi une part de notre histoire de l'art. Le problème, c'est qu'elles n'ont, comme tous autres éléments visuels de la série, qu'une valeur illustrative. Et c'est bien là que se situerait mon principal grief envers la série: les images n'ont pas de rôle narratif. Si l'on coupait le son, bien malin celui qui saurait imaginer correctement le récit délivré par la bande-son.

Avec la bande sonore, les soucis sont moins flagrants mais ils existent cependant. La voie choisie est celle du conte par une seule voix, ce qui ne pose aucun souci à la base. Le problème, c'est que lorsqu'on parle de conte, et que l'on met en scène un conteur, il ne faut pas oublier une chose primordiale: l'oralité. Ici, la voix devient vite monocorde, pas à mon avis à cause de son émetteur, mais bien à cause de l'écriture. Parce que oui, on sent bien qu'un littéraire est derrière cela, parce que les mots sont ciselés, et qu'il y a un style indéniable, mais que c'est un style écrit. Un conteur doit être un magicien de la langue parlée, il doit lui apporter sa voix, sa rondeur, ses accents, ses expressions. C'est une des choses étranges avec le Français: la voix et la main ne parlent pas toujours la même langue, surtout lorsqu'il s'agit de raconter une histoire. Et la pesanteur de cette voix n'est pas aidée par la bande-son qui manque beaucoup de texture au mixage et pâtit d'une musique très répétitive.

Et tout cela, c'est dommage, parce que derrière tout ça, il y a quelque chose de formidable. Les plus beaux récits du monde (en terme de scénario, peut-on faire mieux qu'un mythe?) et effectivement, un véritable talent d'écriture. Je crois que finalement, mon plus grand regret est celui-ci: j'ai eu autant de mal à voir cette série que j'aurais eu de plaisir à la lire. En revanche, je pense que cela peut avoir énormément de succès à ceux qui porte moins d'intérêt à la forme filmique. Et je pense que pour ceux qui, disons-le, n'attendent pas cela de la série, mais qui sont à la recherche d'un objet littéraire de qualité sur support d'image et de son, ce coffret aura tout à fait sa place au pied du sapin.



Le DVD
Edité par Arte TV (qui a aussi sa page Facebook) et sorti le 9 novembre, le coffret comprend 4 dvd de 5 épisodes et 2h10 chacun. Il est accompagné d'un livret répertoriant une préface de François Busnel, la généalogie des dieux et  le guide des épisodes.

Sur cinétrafic, vous trouverez également tous les films de 2017 à découvrir et les nouveaux films à paraître.



8 commentaires:

  1. J'avais entendu parler de cette série mais n'ai pas eu l'occasion d'y jeter un œil...

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    1. Ton oeil n'a pas raté grand-chose, ton oreille peut être :-)

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  2. Bon, et bien comme ça je saurai que je peux passer mon chemin, le coeur léger et sans culpabilité

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  3. Rhoo bah mince, c'était pourtant très prometteur Arte + les grands mythes...Je suis tellement d'accord avec toi, on fait difficilement mieux qu'un mythe en terme de scénario. Merci d'avoir testé pour nous et pour cet avis objectif.

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    1. Oui, c'est vraiment dommage, parce que la matière première de la série est passionnante. En revanche, si une version écrite sort, je crois que je me ruerais dessus.

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  4. Je découvre la série, et ton blog par la même occasion ! ;)

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    1. Bienvenue Ana, merci de ta venue! C'est dommage, tu ne tombes pas sur un article très élogieux pour commencer, mais reviens me voir, j'ai aussi plein de coups de coeur

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